vendredi 31 décembre 2010

En attendant 2011...


Les dernières semaines ont été éprouvantes. Être bloqué chez soi en raison des intempéries et de l'état exécrable des routes n'a rien de réjouissant. C'était même franchement déprimant. Pas question de prendre la Tine pour se retrouver illico dans le décor, de Noël ou pas. Je sortais donc à pied, le visage tartiné de saindoux. D'aucuns vous vanteront les mérites de la graisse de phoque mais c'est beaucoup moins écologique et surtout plus difficile à se procurer. Dans ma doudoune, enfilée sur quelques pulls, ma silhouette n'était pas sans rappeler le Bonhomme Michelin, un cosmonaute un peu gauche ou celle de Viggo Mortensen dans La Route. En plus dépenaillé. Bref, une allure à décourager le plus hardi des voleurs de grands chemins. C'est ainsi harnachée, sans la moindre concession à l'esthétique, que j'allais affronter les étendues blanches et glacées pour rapporter quelque roborative pitance. 
Et pourtant, tout ce blanc n'était pas sans beauté. Le paysage semblait revêtu d'une couette immaculée. Dans le jardin, l'entrelacs des branches enneigées de l'Arbre aux Fées évoquait un tableau de Dubuffet, mais un Dubuffet froid.
Néanmoins, cette période d'hibernation forcée m'a paru bien longue.

Gobelin, goûteur émérite qui aime son métier

Il restait les repas pour se consoler et se réconforter. Lors du réveillon de Noël j'ai fait appel aux services d'un goûteur professionnel. En ces temps d'insécurité alimentaire et de  méfiance généralisée, on n'est jamais trop prudent. J'aurais pu par inadvertance verser du cyanure dans la crème de marrons au cours de la confection de la bûche. Ce sont des choses qui se produisent sans cesse dans les meilleures cuisines, de la part des cuisiniers les plus consommés (d'où  bien sûr l'expression "bouillon d'onze heures"). Une fois la bûche décrétée au-dessus de tout soupçon par ce jeune homme hautement qualifié, j'ai poussé un grand "ouf" et j'ai pu la déguster en toute sérénité !
Pour le Nouvel An j'ai été prévoyante. Il peut neiger, j'ai gardé quelques bonnes bouteilles en réserve !
Qu'importe le flocon, pourvu qu'on ait l'ivresse !

mardi 7 décembre 2010

Ma pilosophie

Non, il n'y a pas de coquille dans le titre.
Sur ma table de chevet se sont longtemps dressées cinq piles vacillantes de bouquins de toutes dimensions. Il restait juste la place pour l'indispensable lampe. Telles des strates géologiques, elles retraçaient mon parcours de lectrice. Elles indiquaient mes préférences. Mais voilà, pour peu qu'un chat les frôle, l'édifice s'écroulait. Il n'y avait plus qu'à ramasser et empiler de nouveau. Et pas question de compter, bien sûr, sur une quelconque aide féline pour ce faire.
Faute de place, d'autres livres séjournaient dans des cartons.
Bref, les choses restaient en l'état et je m'en accommodais, dans une belle résistance au changement. Que voulez-vous, j'aime avoir mes livres à côté de moi, telle une barrière protectrice, un territoire grignoté sur l'ignorance et, parfois, sur le vide incommensurable de l'ennui.
Cet été, un ami visité par le dieu du bricolage (et avant tout dévoué !) est venu m'installer une bibliothèque. Un ami comédien amateur qui, non content de brûler les planches, les assemble, les fixe au mur et les visse ! L'esprit reste confondu devant de tels prodiges.
Tous mes bouquins furent embarqués séance tenante vers leur nouveau lieu d'accueil, à la fois plus pratique et plus esthétique, selon les canons en vigueur. J'avais mon mur de livres où piocher selon mes envies. Une nouvelle ère, celle de l'Ordre, s'ouvrait.
La table de chevet, désormais, paraissait bien déserte (et curieusement délaissée par mes chats), la lampe seule ayant résisté à la razzia. Alors dans un grand geste de défi au nettoyage par le vide, j'y ai posé Le Seigneur des Anneaux. A lui seul, par son volume, sa majesté et l'affection que je lui voue, il apportait déjà un peu de vie. Je suis contre trop d'ordre ! Je refuse la dictature du rangement, les ukases du tri, le stakhanovisme du classement ! Na ! Et pas question de me séparer de mon grimoire illustré par Alan Lee ! Je veux toujours l'avoir à portée de main !
J'ai tout naturellement posé sur ma table de chevet ma lecture en cours. Puis j'y ai laissé les ouvrages que je venais de lire, ceux que j'avais entamés mais pas terminés et ceux qui attendaient que je les lise. Un livre c'est quelque chose qu'on prend, qu'on ouvre, qu'on ferme, qu'on repose. C'est un compagnon dont la proximité est nécessaire. Un ami. Tel le Palais du Facteur Cheval, édifié pierre après pierre, les bouquins ont recommencé à se superposer.
Il faut croire que, comme le lapin Duracell, je ne peux me passer de mes piles...

Illustration : marque-page provenant de la médiathèque d'Yvetot.

vendredi 26 novembre 2010

Enfance... et amitié !

Hélène m'a conviée à répondre à un petit questionnaire sur l'enfance et à contribuer ainsi à forger une chaîne de l'amitié. D'autres amis blogueurs se sont prêtés au jeu. Pourquoi pas ? Pourquoi pas ce regard en arrière comme au travers l'objectif d'un télescope qui, on le sait, nous montre l'univers tel qu'il était dans un passé lointain ? Pourquoi pas livrer, en quelques lignes, avec toute la sincérité possible, des bribes de mémoire, ces choses qui nous semblaient importantes quand nous étions petits, graines d'enfance persistant au plus profond de nous ? Ce retour sur soi méditatif s'accorde à la période qui précède Noël.
Quelque part, à des années-lumière, sur une planète extra-galactique, des petits hommes gris, avec leurs instruments optiques perfectionnés, observent peut-être, intrigués, les jeux et les ris des enfants que nous fûmes...

L'enfance, c'est tout ce qui n'est pas écrit - Jacques Brel

1/ Quand vous étiez petit(e), que répondiez-vous à la question :"Et toi, que veux-tu faire quand tu seras plus grand(e) ?"
A neuf-dix ans je voulais être gemmologue (j'ai toujours ma collection de pierres et il m'est resté quelques  bribes de connaissances), archéologue ou égyptologue.

2/ Quels ont été vos BD et dessins animés préférés ?
J'ai bien dû lire quelques albums de Tintin ou de Lucky Luke mais la BD ne m'a jamais passionnée. Je me plaisais beaucoup plus en compagnie du Club des Cinq et, surtout, de Fantômette, dont je dévorais les aventures au fur et à mesure de leur parution !
"De mon temps", les dessins animés que j'allais voir au cinéma étaient signés Walt Disney, nous n'avions pas le choix ! Mais ils étaient synonymes d'émerveillement et d'émotion.

3/ Quels ont été vos jeux préférés ?
Je passais beaucoup de temps dans un royaume imaginaire avec ma poupée et mes ours en peluche. J'aimais aussi beaucoup les petites voitures. Pourtant, je n'avais rien, autant que je me souvienne, d'un garçon manqué.

4/ Quel a été votre meilleur anniversaire et pourquoi ?
Je me rappelle avec bonheur (et nostalgie !) mon vingtième anniversaire. Fous rires avec ma meilleure amie, qui m'avait offert la "Rubrique-à-brac" de Gotlib. Souvenir d'une journée "parfaite".

5/ Qu’est-ce que vous auriez absolument voulu faire et que vous n’avez pas encore fait ?
Un stage de pilotage sur un circuit automobile, autour de mes vingt ans. Mais le voulais-je si absolument ? L'absolu n'est pas de ce monde, les physiciens vous le confirmeront. Le zéro absolu n'existe pas, la lumière a une vitesse finie et il en va sans doute de même pour la détermination humaine, elle a ses limites (contrairement à la bêtise, comme le rappelait Einstein, qui elle est une exception ;-)), enfin ça dépend des objectifs que l'on s'est fixés je pense...
Qu'est-ce qui m'a retenue ? La peur de partir en tonneaux, de me casser quelque abattis, je crois.  Ou de me prendre, ensuite, pour la Michèle Mouton (rien à voir avec les brebis de Douvrend) de la route. J'ai quand même eu droit à un baptême de piste sur le circuit Bugatti du Mans. Et j'ai eu la chance de conduire des engins à quatre roues capables de vitesses que les forces de l'ordre réprouvent...
Mais si j'ai renoncé à l'idée du stage de monoplace, je m'offrirai bien quelques tours de piste au volant d'une Alfa 8C ou d'une Lamborghini Murcielago...

6/ Quel était votre premier sport préféré ?
Le vélo, même si on ne peut pas vraiment parler, en ce qui me concerne, de sport. Ah, la joie de pouvoir tenir sur deux roues ! Un grand pas vers l'autonomie et une satisfaction qui n'ont été détrônés que par le décrochage du permis de conduire !

7/ Quelle était votre première idole en musique ?
A 12 ans j'étais amoureuse de Nicolas Peyrac ! 

8/ Quel est le plus beau cadeau de Noël (ou équivalent) que vous avez reçu ? 
Le Petit Robert des noms propres que ma mère m'a offert il y a quelques années. Un dictionnaire est pour moi un des plus beaux cadeaux qui soient : ce n'est pas seulement un instrument de connaissance (ce qui n'est déjà pas mal), c'est un univers, un terrain d'envol pour l'imagination. Il était accompagné d'une bougie de l'Artisan Parfumeur, "Thé et pain d'épices", à l'odeur merveilleusement évocatrice. Je l'ai toujours.



Maman Mule et Philippe sont les amis blogueurs que je comptais inviter, mais Hélène m'a devancée ! Aussi j'aimerais passer le témoin à Joëlle, Elvézia, A l'ombre du jardin, Curieux Petit Lieu et Côté Arcades.

  

mardi 23 novembre 2010

Gunnar Staalesen, l'œuvre au Nord


Médiathèque Guy de Maupassant d'Yvetot, 15 heures. Dans le cadre du festival les Boréales, qui célèbre les cultures et la création nordiques, le romancier norvégien Gunnar Staalesen vient à la rencontre de ses lecteurs. C'est l'émotion et l'excitation. Je suis aussi intimidée !
Si les livres sont des choses bien concrètes, les écrivains sont toujours un peu abstraits. On connaît leur nom, parfois leur visage... what else ? On n'a pas souvent l'occasion de les rencontrer. On ne vit pas sur la même planète. Alors on se demande s'ils existent vraiment, si les bouquins ne sont pas nés comme ça, ex nihilo, s'il y a bien quelque démiurge derrière, à l'origine du monde que l'on tient entre les mains, de ces pages couvertes de petits signes d'où s'envole et s'ordonne tout un univers. Et puis, à supposer qu'ils existent, on ne sait pas sur quel genre de personne on va tomber. C'est pourquoi une rencontre avec un auteur présente toujours un caractère d'irréalité.
Aujourd'hui Gunnar Staalesen est là, devant son public. Il est accompagné de Mme Staalesen, de son traducteur, Alex Fouillet, et d'un organisateur du festival. Nous attendons sagement, dans la confortable salle de conférence de la médiathèque.
J'ai découvert ses polars il y a plus de quatre ans. La littérature policière scandinave faisait alors une percée sur les rayonnages des librairies et on connaît le succès qu'elle a aujourd'hui. Mais ce sont ces livres-là qui ont attiré mon attention et que j'ai emportés chez moi. La Norvège. Garance, la Fée. Il est possible qu'elle ait guidé mes choix de lecture (oui, un chat, je sais !). La nuit, tous les loups sont gris, La belle dormit cent ans, Ange déchus... autant d'œuvres qui m'ont entraînée au cœur de la ville de Bergen, sur son port, dans le dédale de ses petites rues. Mon guide : Varg Veum, que j'ai suivi au fil de ses enquêtes.
Gunnar Staalesen prend la parole. Il se présente avec un texte saupoudré d'humour et de malice, dans un français rythmé par un accent venu de loin. L'audience est tout ouïe. Des sourires fleurissent brièvement sur les visages. Né en 1947 à Bergen, où il réside toujours, il est venu à la littérature policière en 1975. Il crée alors le héros que l'on retrouvera dans tous ses polars, Varg Veum, ancien assistant social reconverti en détective privé. Le nom de Varg, issu du vieux norrois, signifie "loup". Et Varg Veum, c'est celui qui est destiné à ne jamais trouver la paix. L'auteur évoque Hammett, Chandler, les fondateurs du roman noir, les modèles. Il raconte : lorsque ses premiers ouvrages parurent en France, les éditions Gaïa proposèrent ce slogan : "Des polars au pays des ours blancs". Pourquoi pas ? Mais "en Norvège, les détectives privés ne sont pas beaucoup plus nombreux que les ours blancs" ajoute l'écrivain dans un clin d'œil. Au fil de ses propos se précise la silhouette de son héros, comme projetée en trois dimensions. Vivante. Varg est cependant différent de Gunnar ; ce n'est pas son double littéraire. Mais, comme l'exprime joliment l'auteur, "c'est un très bon ami".

 Face à ses lecteurs...

Nous sommes dans les années 80. Varg, le marginal, le solitaire, évolue dans une société norvégienne malmenée, en perte de repères. La richesse soudaine née de la manne pétrolière, au début des années 70, n'a pas bénéficié équitablement à tous les citoyens. Frustrations, hypocrisie, mensonge, violence, addictions destructrices se révèlent sous le vernis d'un modèle social qui s'est trop longtemps voulu "idéal". La belle façade n'a pas résisté et Gunnar/Varg en explore les failles et leurs corollaires, les effets dévastateurs sur les êtres fragilisés, défavorisés, à la dérive - de façon visible ou non. Plongée en apnée dans la noirceur de ce monde. Il se penche sur cette humanité avec lucidité et compassion tout en dénouant les fils d'énigmes qui le confrontent souvent à la violence... à ses propres dépens. Mais le détective, astucieux et doté d'une langue bien pendue, se tire en général sans trop de dommages de situations épineuses... Ses méthodes sont peu conventionnelles mais efficaces, ce qui lui vaut quelques démêlés avec la police "officielle". Il s'offre parfois le réconfort fugace de l'aquavit (la bouteille est dans le tiroir de son bureau), mais pour renouer très vite avec la réalité... Et, surtout, les vicissitudes n'entament pas l'amour de la justice qui l'anime.
Ajoutons que Varg est un des très rares héros de la littérature policière à posséder sa statue, ce qui fait de lui une idole, un personnage du patrimoine norvégien mais aussi une figure du domaine policier mondial  ! Posté au pied de l'immeuble qui abrite son agence, bras croisés, il attend dans la nuit berguenoise...
Gunnar Staalesen ne se contente pas de briller dans le genre policier : il évoque un autre pan de son œuvre, Le roman de Bergen, une somme littéraire, publiée chez nous en six tomes, où s'entrecroisent les destins de familles berguenoises tout au long du 20e siècle. Bergen est toujours là, elle est moins un arrière-plan  qu'un personnage à part entière. L'écrivain se pose en témoin de l'évolution de sa ville et des hommes qui y vivent, aiment, souffrent, meurent. Il cite un auteur norvégien dont je n'ai pas retenu le nom : "Le monde change, tout change, mais le cœur humain reste le même".
Le romancier se livre volontiers au jeu des questions-réponses avec beaucoup d'à-propos et, toujours, d'humour. Mes craintes se sont dissipées : c'est un homme simple, accessible, attentif, proche de ses lecteurs. Il ne joue pas les stars. Public et invités sont ensuite conviés à prendre le verre de l'amitié (pas d'aquavit, malheureusement mais... du cidre !) et l'échange se poursuit, direct et chaleureux. Skål ! Simultanément, traditionnelle séance de dédicace, avec le sourire !

Concentré...

Alex Fouillet se révèle lui aussi très abordable. Il réalise un travail de traduction remarquable et n'hésite pas à "démythifier" son métier, à la fois plaisir et passion pour la littérature. Il est le passeur qui fait franchir aux livres la frontière des langues pour nous les rendre accessibles. A ce titre il mérite notre admiration !

Alex Fouillet, un traducteur en Nord...

L'heure est venue de se séparer. Un grand moment, une belle rencontre marquée par l'humanité et la simplicité de l'auteur. J'en oublie les deux cent cinquante kilomètres que j'ai derrière moi....
Pendant ces instants si riches trop vite enfuis, la Norvège était là, à portée de main. J'ai ressenti son appel. Un jour j'irai à Bergen, je parcourrai, sur les traces de Varg Veum,  les quais de Bryggen et les rues bordées de maisons de bois, les rives de son fjord, contemplerai les sommets qui l'enchâssent et rêverai face au large...

C'est que les vents tombant des grands monts de Norwège
T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté.


Garance a franchi la porte du Royaume des Fées, mais ses pouvoirs magiques sont toujours à l'œuvre.



Les romans de Gunnar Staalesen sont publiés chez Gaïa. Ses polars sont également disponibles chez Seuil Policier.

Un grand merci au personnel de la médiathèque d'Yvetot pour son accueil !

samedi 13 novembre 2010

La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et de la Normandie




Poser son sac plus d'une nuit dans une même chambre normande est un luxe. Vouloir tout voir, tout saisir, tout retrouver, faire jaillir les sensations présentes et passées... Un luxe que je me suis finalement décidée à m'offrir. L'approvisionnement des stations-service est rétabli. Enfin, pas partout. Aux pompes de mon aire, plus une goutte de carburant. Heureusement il reste du café ! Et il y a de l'essence dans le réservoir de la Tine, au moins pour aller jusqu'à Dieppe.
Je me sens chez moi quand je m'engage sur ma petite route. A ma gauche, l'Eaulne ondule et offre au regard ses miroitements mouvants, joyeuse, indifférente au temps qui passe et aux saisons. Aux confins des pays de Caux et de Bray, la Normandie a revêtu son éphémère tenue d'automne. Mais quelle splendeur ! Elle se pare de jaune, de roux, de rouge, tandis qu'une brume évanescente nimbe le paysage au loin. Une beauté saisissante, presque irréelle, qui prend aux tripes. Je ralentis, saisie de respect face à ce décor somptueux, dernier sursaut de vie avant le dépouillement de l'hiver. 
Installation dans ma chambre. Normandie, nomadie. Havre provisoire, incertain, comme toujours. Mais je suis là. Dans un air, une lumière normands que je goûte comme une assoiffée. Avec, qui plus est, la perspective d'un dîner au Comptoir à Huîtres.
Journée à Rouen, le lendemain. L'autoroute est une entaille dans le pays de Caux, longée de champs et de clos-masures. La ville me semble presque hostile sous un ciel bouché qui libère épisodiquement des gouttes mouillées. Les plus désagréables. Parfaitement. Tout change. Le Palais des Congrès a fait place à un chantier  bruyant caché derrière des palissades. Le pire comme le meilleur peuvent en sortir. "La forme d'une ville change plus vite, hélas, que le cœur d'un mortel", déplorait Baudelaire en son temps, ce en quoi il avait raison. Je le constate ici. Déjeuner dans la semi-obscurité du "Big", immuable lui, son bois sombre patiné, ses banquettes capitonnées, haut lieu de la mémoire. Dans les rues je traîne, j'essaie de m'imprégner de l'atmosphère, je creuse pour trouver les souvenirs, la nature de ce qui m'appelle et me retient ici. Mais Rouen est fermée, inaccessible, à moins que je n'aie pas aujourd'hui la réceptivité nécessaire. L'alchimie ne peut pas fonctionner à tous les coups. Après l'agitation de la grand-ville, je retrouve avec bonheur et soulagement le calme de ma chambre dieppoise.
Dieppe. Déjeuner sur le port est aussi un luxe. Un voyage immobile à la Marius, une aventure à peu de frais, mais Marius finit tout de même par prendre la mer pour voir si la réalité rejoint le rêve. Ici le retour est devant moi, comme un couperet. Je savoure d'autant plus le moment présent. Et le tiramisù aux pommes, qui est délicieux. Je m'étais pourtant promis de n'en prendre qu'une cuillerée ou deux. Partir. Rentrer. Quitter ce décor, cette ambiance que j'aime.
Je reprends la route. Je longe le quai de Norvège, squatté par les goélands. Au revoir, Dieppe. A bientôt. Consolation : les brebis de Douvrend sont de sortie ! Je les avais aperçues à l'aller. Vous pouvez deviner ma joie ! Elles paissent dans leur pâture clôturée, qu'on appelle le grand champ bêlant. Ce sont des brebis d'automne : elles n'ont cure d'avoir la laine fraîche. Je commençais à craindre de jamais les revoir, voire à douter de leur existence ! Curieusement, ce sont les premières photos que j'ai faites d'elles qui m'ont permis de découvrir, à l'arrière-plan, leur domaine, trop focalisée sur ces ovins quand je les aperçois de ma voiture. La perspective révèle de la brique et du colombage. Des arbres et des prés. De douces collines. Le calme bucolique, profond. L'essence de la Normandie. Un décor que je partagerais bien avec elles (mais pas question, évidemment, d'aller brouter l'herbe à quatre pattes)...



J'ai gardé le meilleur pour la fin : Fréauville a aussi ses brebis ! Et même ses poules ! Elles voisinent dans le même verger. Un arrêt s'impose, zap en main, pour fixer la scène.
Peut-être à mon prochain  passage verrai-je le résultat du croisement des deux espèces, un coq ovin.




vendredi 22 octobre 2010

Un petit air de flûte



J'ai célébré le basculement dans l'an 2000 avec des amis autour d'une bouteille de Roederer millésimée 1969. Retrouvée dans ma cave, elle avait échappé au pillage de septembre 96 lors duquel beaucoup de ce que la maison recelait d'alcoolique, vins et parfums, avait disparu. Il pouvait en sortir du correct, du moyen, ou de l'imbuvable. Je supputais mais à vrai dire je n'en savais rien. Je ne m'attendais certainement pas à du grandiose. Je dis "le passage à l'an 2000", mais nous n'avions pas attendu les douze coups de minuit. La rescapée était l'objet de toutes les attentions, de toutes les curiosités, de toutes les attentes. Attentes de la révélation. Et puis nous avions soif, ce qui est la meilleure raison de se désaltérer. Il y a de la fébrilité dans l'air. Un des garçons se dévoue pour déboucher la bouteille. Un "pop" discret, à peine perçu par l'assistance, souffle retenu. Le vin est doré, ambré. Il frémit à peine dans les flûtes, mais suffisamment pour rappeler sa nature et ses origines. Il libère sur les papilles des saveurs d'amande, de miel et de raisins secs. Les bulles ont perdu leur agressivité. C'est une merveille. Nous savourons religieusement le vénérable. Nous avons conscience que cet instant est sans prix. La mémoire gustative, la mémoire tout court, en resteront longtemps marquées.

J'ai pensé à ces moments lorsque j'ai redécouvert Yvresse, lancé en 1993 par la maison Yves Saint-Laurent. Le testeur, esseulé sur le rayon du bas, s'ennuyait. Il y a longtemps qu'il n'est plus sous les feux de la rampe. Je me suis dit "Pourquoi pas ?". Baptisé Champagne à sa naissance, son nom lui fut finalement retiré, histoire de ne pas s'attirer davantage les foudres (si je puis dire) des vignerons champenois fort marris de ce sacrilège, et remplacé par un autre, plus politiquement correct dirons-nous, plus propre en tout cas à ménager les susceptibilités.
Le jus est agréable, sans arrière-pensée ni discours alambiqué. Dès la première bouffée, une cascade de bulles fruitées éclate joyeusement sous le nez, comme pour induire un mimétisme avec le breuvage festif. Ces accents fruités - nectarine à pleine maturité et litchi - peuvent suggérer davantage l'asti spumante que le champagne, mais Yvresse est une évocation, un esprit, pas une transcription littérale (le meilleur champagne répandu sur un vêtement prend d'ailleurs vite un relent de vinasse). Son "nez" rappelle aussi celui d'un vin blanc sec et fruité, comme le muscat d'Alsace ou la colombelle, ou moins sec, comme le tariquet, ce blanc moelleux des Côtes de Gascogne.
Ambre Gris parle quant à elle fort justement de pêche blette et de noix. Je décèle moi aussi le brou de noix, une odeur de feuilles mortes, c'est l'odeur que l'air charrie dans les rues au début de l'automne, alors que les arbres se déplument et que se dispersent les dernières bouffées d'été. Nectarine ou pêche, litchi. Fruit d'été, fruit d'hiver, présent sur nos tables de fêtes. Des fruits auxquels on aurait soustrait leur sucre  - Yvresse n'a rien de sirupeux  - et qu'on retrouve tout au long de l'évolution. Leur chair est infusée de l'amertume de la mousse de chêne (ou du composant qui lui a été substitué) et de la noix humide, fraîchement récoltée, citée plus haut. La rose est présente mais diffuse, au second plan. J'imagine un bouquet d'opulentes roses anciennes qui s'effeuillent lentement et déposent sur le buffet de délicates coquilles blanc nacré ourlées de lie-de-vin...
La diffusion et la tenue sont remarquables. Une touche parfumée, pliée en deux et glissée dans une poche, a imprégné deux épaisseurs de textile. Sur la peau, il se prolonge à n'en plus finir et s'adoucit d'accents lactés. Il possède également un petit côté "chimique" qui se révèle par moment (les fruits "reconstitués" ?), mais domine surtout son côté "chic" et "couture", qu'il faut assumer... En cela il écrase la plupart des lancements "mainstream" de ces dernières années, prédateurs des rayonnages, qui ne savent plus nous offrir ni élégance ni rêve...
Dans la famille des chyprés-fruités, ses grands ancêtres sont Mitsouko et Femme. Cependant, outre son nom originel, je vois en Yvresse une filiation évidente avec Royal Bain de Champagne, lancé en 1941 par Caron. Un nom d'autant plus provocateur (aujourd'hui tronqué en Royal Bain - pour les raisons citées plus haut ?) que l'époque ne se prêtait pas aux débordements de joie. Le contexte était bien différent au début des années 90. Mais le Caron et l'YSL peuvent apparaître tous deux comme des phénomènes de... résistance. La folie, l'insouciance salvatrices opposées au climat plombé. Fort de sa "mission", Yvresse/Champagne a gardé son insolence à toute épreuve et insuffle un grain d'optimisme lorsque le temps et les temps sont gris. Comme une petite coupe...
Le parfum dégage une spontanéité et une euphorie subtilement tempérées par une tonalité automnale mélancolique, derniers éclats d'une beauté mûrissante. Manquent peut-être le pouvoir émotionnel, la poésie de mes anciens Guerlain. Leur moelleux, aussi, leur côté réconfortant, rassurant. Mais ne comparons que ce qui peut être comparé. Soyons légers ! Et goûtons pleinement la saveur de ce nectar-là.

Yvresse d'Yves Saint-Laurent, création de Sophia Grojsman, 1993.
Illustration : champagnes Chanoine.

mercredi 20 octobre 2010

Essences rares (pompes et circonstances)

Dans les stations-service, le fond des cuves est plus sec que le désert d'Atacama ou qu'un cœur de PDG.  On est prêt à payer le sans plomb à prix d'or. Il ne sert à rien de supplier le pompiste pour obtenir quelques gouttes de carburant ; d'ailleurs il n'y a plus de pompistes, à croire qu'ils ont tous été enlevés dans des soucoupes volantes par des petits hommes gris (les témoignages concordent : les extraterrestres kidnappeurs sont GRIS). A ce propos j'espère pour leurs occupants que les soucoupes volantes avaient leur réservoir plein avant de venir en France : on ne sait jamais.

Boris, un homme gris venu de l'espace ?

Corollaire de la situation : je n'irai pas en Normandie cette semaine. Je resterais bloquée à mi-route (bon, je ne suis pas contre une halte prolongée dans la Somme, mais enfin) ou, si je parvenais à destination, je ne pourrais pas rentrer. Bloquée à Dieppe ou à Rouen. Un petit séjour était dans l'air pourtant. J'en ai besoin. J'étais bien décidée. Ah, faire un petit coucou à Maman Mule, dîner au Comptoir à Huîtres... Et puis la pénurie galopante est venue s'opposer à moi.

Dieppe : un mirage ?

Les désirs contrariés sont bien vexants.
J'ai toujours de bonnes raisons de partir et de bonnes raisons de ne pas partir. De mauvaises raisons, surtout aussi. Quand elles ne sont pas externes et, dirons-nous, indépendantes de ma volonté, je suis prisonnière de mes hésitations, de mes entraves. La Normandie est là, lointaine et proche, désirée et tellement idéalisée... C'est, à chaque fois, un rendez-vous d'amour, et à l'excitation se mêle la crainte d'être déçue.

 Une envie d'Azur normand...

Ma terre d'élection me manque. Je dois prendre mon mal en patience, attendre que le fluide vital coule à nouveau sans restriction des pompes. Car les deux cents kilomètres et quelques qui me séparent d'une chambre normande sont infranchissables pour le moment. Tel est le résultat de la pétrolo-dépendance. Dès le déblocage, plus d'atermoiements ! Promis !
Finalement la meilleure des choses est de partir sans raisons. Mais avec un peu d'essence dans sa voiture tout de même...

lundi 11 octobre 2010

Un petit noir bien serré ?


18 septembre.
Il est tout petit, tout noir, il a le poil hirsute et pour tout dire, il semble mal en point. Sans doute est-il malade. Il est planqué contre le mur d'une maison, en face de mon garage. Je viens de rentrer ma voiture et je le remarque alors que je traverse la rue. Je m'accroupis près de lui, le caresse et lui parle. Il a froid. Et puis le miracle se produit, il me regarde comme seuls les chats savent vous regarder, se lève, ses pattes le portent à peine, et il vient vers moi en ronronnant. Pas trop le temps de tergiverser. Quoi qu'il advienne, il sera cette nuit à la maison. Je le ramasse et l'embarque dans mon bras. Il ne cesse de ronronner durant le trajet. Je lui réponds à ma façon, de ma voix humaine. Il s'agrippe à la manche gauche de mon manteau. Je suis sa bouée de sauvetage. Je presse le pas.
J'arrive à la maison. Je pose le chaton sur le sol. Il file se réfugier sous la commode. Je ferme les portes du couloir. Le contact avec les vétérans lui sera évité ce soir : pas de flairage inquisiteur, pis, de grognements, sifflements et coups de pattes !
Une seringue de lait pour tout dîner, c'est déjà ça ! Mais il est minuscule et affaibli par son séjour dans la rue. Dans quel état sera-t-il demain ?
Le nouveau venu passe sa première nuit sur un plaid de laine. L'instinct d'un chat lui indique toujours les endroits les plus chauds et les plus confortables et il n'a pas failli chez celui-ci. Le matin, à mon grand étonnement, il a repris du poil de la bête. Il court comme un dératé, se jette sur son assiette de pâtée, en réclame une autre. Savoir ré-cla-mer et ne surtout pas s'en priver, voilà le secret ! D'autant qu'une humaine (en principe) ne refuse jamais rien. Le petit noir l'a vite compris.
Un nom me vient à l'esprit : Gobelin. Son petit museau pointu, ses yeux de tarsier, à l'image de Lara, pourraient être ceux d'une créature poilue facétieuse et vaguement démoniaque sortie d'une vieille légende.  Ou d'un livre de Tolkien, où Gobelins et Orques c'est du pareil au même, ce qui les rend franchement peu sympathiques.
Et Gobelin rime avec félin, malin, câlin et vilain.
Il m'inquiète. Il est chétif. On dirait un idéogramme chinois, tracé à l'encre noire de trois traits de plume.
Cependant, après une dizaine de jours de soins, de gavage d'alimentation équilibrée et de jeux, Gobelin se décide enfin à pousser. De petit microbe, il est passé à microbe moyen. Conformément au principe d'incertitude d'Eisenberg, on peut ne déterminer simultanément sa position et sa vitesse. (Rien à voir avec le chat de Schrödinger, celui-là je ne l'ai pas encore adopté.)
Et puis sa présence remuante m'aide à surmonter la perte récente de si nombreux compagnons.
L'homme est décidément la plus belle conquête du chat.

dimanche 19 septembre 2010

Les galettes de Pont Arwen

 Arwen, toujours pendue au téléphone...

Mon dernier billet n'était, je le sais, pas bien gai, et il a mis longtemps à venir. Il m'a fallu le temps d'encaisser ces disparitions. Que dis-je, il me faudra encore du temps. Mais heureusement, une troupe griffue et moustachue réclame soins et amour (et ouverture de boîtes) et il n'est pas question de se laisser aller. 
Arwen, que vous connaissez, grandit en beauté et (plus ou moins) en sagesse. Son dernier exploit : cisailler le cordon du chargeur du téléphone portable. Enfin, DEUX cordons de deux chargeurs. Ça fait toujours plaisir. La voilà condamnée à me rembourser les frais. D'où vient son intérêt pour la téléphonie mobile ?
Je la soupçonne de travailler pour SFR, la Société des Félins Récalcitrants.


Méditant son prochain méfait...


Sur le pont de Khazad Dûm...

samedi 18 septembre 2010

Toutes peines confondues

Je vis entourée de chats. Indifférents, voleurs, ingrats, insupportables. Caressables, calînables et embrassables à l'envi, aussi. Vivants. Et puis je vis entourée de chats fantômes. Ils me suivent depuis des années. Ils ne me quittent pas. Ils se manifestent, parfois, à la faveur de la pénombre, qui déployant ses ailes opalescentes de Fée, qui batifolant, qui m'observant d'un regard scintillant, qui me ronronnant dans le creux de l'oreille.
Leur compagnie s'est agrandie.
Gatoun, le Beau Ténébreux. Elsa, la belle Elsa, qui à l'instar de son oncle Mascaret aimait à "faire épaule". Ramona, Ramonette, "la Saumonette", si vaillante, un petit air crâne toujours affiché sur son masque semblable à un papillon noir... Ramona et ses étirements voluptueux... Elle aimait tant le tarama aux œufs de truite ! J'en achetais exprès pour elle. A Monop'. Parfaitement. Elle le savait et déboulait à l'heure de l'apéritif.
Pour eux tous, un départ prématuré. Leur absence m'est cruelle.
Tosca et Vigo ne sont pas reparus. Je guette vainement...
Arwen et consorts font de leur mieux pour me consoler, avec l'insouciance attentive de leur espèce.
Combien, pourtant, je chéris mes chats fantômes, ces compagnons aimés. Leurs noms s'égrènent sans fin, la douceur de leur pelage ondule sous mes doigts... Leur souvenir ne s'éteint pas. Ils me manquent, ces absents-présents...
Un trottis feutré, un glissement furtif, un courant d'air... Ce sont bien là les manières des chats...
Les chats partent, l'amour survit.

jeudi 12 août 2010

Arwen la chatte


Le premier réflexe de ceux qui trouvent un chat - abandonné ou non - dans ma rue est de venir me le coller dans les bras. Après quoi il n'y a plus moyen de dire non. Le refrain connu est : "J'ai trouvé un chat, il n'est pas à vous ?". C'est ainsi qu'Arwen est arrivée à la maison.
Je me suis d'abord assurée qu'elle n'appartenait pas à un voisin. Mais non, elle était libre de tout lien !
 

Arwen (Joliebelle pour les intimes) a été baptisée du nom d'une princesse Elfe du Seigneur des Anneaux, qui signifie "jeune fille royale". Surnommée Undómiel, cette dernière est l'Étoile du Soir des Elfes vivant encore en Terre du Milieu au Troisième Âge. En fait d'étoile, Arwen tient plutôt de la comète, tant elle est turbulente. Sa hardiesse n'a pas de limites : elle s'invite à table, engage des passes d'armes avec ses aînés trois fois plus gros qu'elle et a pris goût aux délices du piétinage de clavier. Sa spécialité : l'escalade des pantalons et des jupes. Et même des chemises de nuit. Toujours au moment où on ne l'attend pas. Il faut dorénavant veiller à porter une cotte de mailles sous ses vêtements, pour éviter les balafres. C'est un peu encombrant, mais efficace. De plus, rien de tel pour ressembler aux guerriers issus du monde de Tolkien !
Ainsi débute une nouvelle affaire Elfe.


mardi 10 août 2010

Une prière pour Gatoun


Gatoun, 5 septembre 2007 - 6 août 2010.



Des chats s'en vont, des chats arrivent... Pour ne pas sombrer dans la tristesse, je vous parlerai bientôt de la petite nouvelle !

lundi 2 août 2010

Permis de conduire

 

J'ai passé le permis de conduire le 31 juillet... il y a quelques années. Je pense souvent à ce jour, décisif dans ma vie. J'étais absolument terrorisée. Je me revois marchant vers le terre-plein de la gare, où l'examen débutait. J'avais envie de faire demi-tour. Mais voilà, le permis, je le voulais. Il en allait de mon amour-propre. La motivation a pris le pas sur la trouille. Et je suis descendue de la voiture avec en main le fameux papier rose. La duchesse d'Uzès n'était pas ma cousine. J'étais prête à faire mes premiers kilomètres et mes premières armes sur la Talbot Horizon de ma mère. J'étais prête à apprendre à conduire. Enfin.
Me voilà à présent avec une expérience de deux bonnes décennies de conduite derrière moi. Mais je n'ai pas oublié l'émotion et l'anxiété des "premières fois" en solitaire : Lille, Rouen, Saint-Malo, Paris...

Je montrais déjà des prédispositions...

Le permis, c'est mon diplôme le plus utile. La preuve, grâce à lui j'ai eu la chance de conduire toutes sortes de voitures (la photo en témoigne.)
Il m'est ainsi passé quelques phénomènes entre les mains. Des autos démoniaques. J'en frémis encore. Une 405 Mi 16, voiture-culte (et beauf) de la fin de années 80. Mon patron me la prêtait. Je me sentais minuscule, perdue dans un habitacle trop grand pour moi. Elle avait un défaut : l'accélérateur se bloquait à 180-190 à l'heure. "Si ça arrive, tu n'as qu'à retirer la clé de contact", m'avait dit mon patron, la bouche en cœur. Ben tiens...  Heureusement pour moi je n'ai jamais appuyé trop fort sur le champignon... J'ai conduit une Alfa 155 TD qui me faisait peur, avec ses presque deux tonnes et sa tendance à s'emballer. Un char d'assaut ! J'avais l'impression de ne plus contrôler quoi que ce soit. J'en descendais complètement crispée, pantelante, en nage, avec le sentiment d'avoir frôlé le pire. Dans le genre cheval rétif, l'Alfa GTV 2,5 l n'était pas mal non plus. Et terriblement gourmande. Je ne vous le cache pas, je voue un culte à Alfa Romeo. Mais au-delà du mythe, de la légende, les six cylindres en V me donnaient du fil à retordre sur la route. Certes le son du moteur était joli. Quant à l'absence de direction assistée, je ne vous dis pas. Il fallait des biceps gonflés aux anabolisants. Il y a eu d'autres voitures qui aimaient prendre le commandement des opérations et ne demandaient qu'à filer et vivre leur vie, l'accélérateur à peine effleuré. J'étais partagée entre griserie et angoisse, sensations et raison, ivresse de la vitesse et crainte des argousins... et de la casse : mieux vaut ne pas trop cabosser une voiture qu'on vous prête. Ce qui me rendait encore plus vigilante. Mais je le reconnais, difficile de résister à l'appel pressant de deux cent cinquante chevaux hennissant sous le pied... Ça crée des souvenirs. Finalement je me demande si tous ces prêteurs en apparence pleins de confiance et de bonne volonté ne voulaient pas ma mort. C'est une hypothèse à creuser.
A côté de ça voici quelques années je me suis régalée à conduire une Fiat Doblo de location, confortable et sécurisante. Comme je faisais part de ma satisfaction à l'employée de l'agence, celle-ci me répondit que les clients n'aimaient pas louer ce modèle, qu'ils ne trouvaient pas "élégant". Parce qu'un 4X4 est élégant, peut-être ? N'empêche que moi, depuis, je rêve d'une Doblo. Elle est sympathique. Et rustique. Comme moi.
Que cela ne vous empêche pas de me faire essayer votre Porsche Cayman, votre Ferrari ou votre Bugatti Veyron, enfin le bolide que vous bichonnez dans votre garage. Je ne pourrai refuser une si généreuse proposition.

Illustration : Autoportrait à la Bugatti verte, Tamara de Lempicka (1925)

dimanche 25 juillet 2010

Tour de France

Deux de mes chats ont participé au Tour de France. Une consécration pour ces athlètes accomplis !

Mascaret, grimpeur émérite (un jour de repos).

Mascaret, qui a pour habitude de sauter sur les épaules et les genoux, endosse le maillot du meilleur grimpeur. Il est d'autant plus ravi que ses pois sont rouges. De plus je lui dis souvent : "Mascar, tu sais qu'on t'adore ?".


 
Lara ne fait qu'une bouchée de ses concurrents.

Autre participante de choix, Lara, et quand c'est Lara c'est pas une autre.
Certes, le Tour de France, c'est bien beau, mais la course cycliste préférée des félins reste Blois-Chat-ville.

Illustration : Wikipédia

vendredi 9 juillet 2010

Le temps des cerises

Cooper, le nouveau venu chez les Lefèbvre

Passée l'arrosage la distribution traditionnelle de Neufchâtel, que reste-t-il de ce séjour en Normandie ? Des émotions. Une chaleur "torrentielle", comme dirait l'autre, difficilement supportable, les premiers jours. Les étals des producteurs de fruits sur les bords de Seine et une causette avec une marchande de cerises qui m'offre deux pots de confiture maison ! Dans les vergers les cerisiers ploient sous le poids des fruits. "C'est une année à noyaux", me dit la dame. Autrement dit, il y aura abondance de prunes en août... A bon entendeur...
Et puis le passage des bateaux, petits et gros, qui semblent plus ou moins lents ou rapides selon l'angle d'observation. Je peux dire que dans ce domaine, j'ai été gâtée. Il est passé durant mon séjour à Duclair plusieurs monstres imposants, majestueux, impavides. Rien ne semble pouvoir les arrêter. Ils me fascinent toujours, décidés, si éloignés de nos vicissitudes humaines...
Je n'oublie pas de ramasser du bois flotté sur les rives de la Seine. Il faut pour cela enjamber le parapet qui longe la levée et marcher prudemment sur des galets instables, ce n'est plus de mon âge, je sais, mais que je ne ferais-je pas pour mes chats ? Ils apprécient en effet ce style de griffoirs, parfaitement écologiques et exemple même du recyclage ! J'aime l'idée qu'ils viennent de loin, du bout du monde peut-être, et ont beaucoup bourlingué au fil de la mer et du fleuve. Ils racontent une histoire. Les morceaux de bois flotté, bien sûr, pas les chats...

En voilà un qui n'hésite pas à exercer son droit d'Ernest !

On ne risque pas - en principe - d'être recalé à ce bac-là...

Le bois veut bien révéler son âge... une fois coupé !

C'est la cerise qui fait déborder l'eau !

Paco, maman à seize ans !


Cooper, six semaines, a beaucoup apprécié l'étui de mon zap...

Le séjour se termine par une escale de vingt-quatre heures à Rouen. La canicule a cédé la place à une fraîcheur bienvenue. Bonheur de retrouver une chambre normande familière et de fouler les rues de la ville. Je sacrifie au rituel des soldes. Bon, je le reconnais, la peine n'est pas bien rigoureuse. Une courte exploration du Printemps, premier étage. Quelques sacs me font de l'œil mais je résiste. J'ai une idée en tête. Mes pas me portent vers la boutique Saoya, rue des Carmes, un de mes fournisseurs attitrés en bijoux. J'aime beaucoup la délicatesse et le raffinement de leurs créations, d'inspiration botanique. La boutique est jolie, le décor méditerranéen. On pratique des remises intéressantes et j'en profite. Je choisis une paire de boucles d'oreilles pour ma mère et, charité bien ordonnée commençant par soi-même, une pour moi, avec la satisfaction de faire une bonne affaire !

 La boucle est bouclée...

Le soir, dîner au son des cloches de la cathédrale au "P'tit Paul", une annexe de la brasserie Paul. La "planche" Paul et Virginie est délicieuse : c'est un assortiment de fromages régionaux et de charcuteries. L'accompagnement est au choix : j'opte pour la caponata. La soirée se termine par un café au "Big".
Rouen, le soir. L'été. La nuit n'est pas encore tombée. La ville est animée. Je rentre demain. La circulation sera moins dense qu'aujourd'hui, jour de départs en vacances. Il ne fera pas trop chaud. Mais c'est le retour. Je laisse un sillage de regrets. Quand, la prochaine fois ?

Saoya 
25, Rue des Carmes
76000 Rouen 
02 35 36 22 22


Le P'tit Paul
5, place de la Cathédrale
76000 Rouen

02 35 07 11 68

mercredi 30 juin 2010

Partir

 
Partir, même peu de temps. Revoir des lieux aimés. Loger à Duclair, sur les bords de Seine. Retrouver Mme Lefebvre et les siens ainsi que ses trois chats et son chien. Renouer avec la Normandie que j'aime.

Impossible d'être complètement dépaysée...

Le manoir d'Agnès Sorel


A bientôt...

vendredi 25 juin 2010

Une après-midi d'été

S'il faut faire une concession à l'actualité, je dirais que me fais parfois l'effet d'une sélectionneuse de foot (notez comment j'évite habilement "entraîneuse") à la tête d'une équipe indisciplinée de gros gâtés paresseux. A ceci près que je ne sélectionne rien : c'est moi qui suis sélectionnée à titre d'humaine officielle. Poste révocable, bien sûr, mais les chats sont des êtres d'habitude. Pas grand-chose à craindre de ce côté-là en principe, sauf bien sûr mutinerie générale.
Cette propension à ne pas en ficher une ramée n'est jamais aussi flagrante que les après-midis d'été. Je n'ai plus de chats. La cour est seulement jonchée de créatures poilues avachies, qui sur un fauteuil, qui sur un tapis de lierre, qui sur la poubelle. Triste spectacle de dégénérescence quasi footballitisque mais aussi incitation à la flemme, alors que je corrige un texte épineux sans même la possibilité de travailler hors les murs, la batterie de mon portable n'ayant toujours pas été remplacée.
Ces quelques photos vous donneront une idée de l'état d'annihilation félin par temps chaud.

 Lara, capitaine de l'équipe

Morgat, "mon Tom Cruise"

Pipoca, la crevette au nom brésilien

Mascaret, le Coco des Îles

Ramsès, dont le look sort de l'ordinaire...
 
Quelle piètre image vous donnez de la France, les petits ! Allez, secouez-moi tout ça ! Quelques accords de vuvuzela, peut-être ?