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mercredi 6 mars 2019

Dieppe inside



Retrouver Dieppe, après de longs mois. Voir la mer surgir au bout de la route qui plonge vers la ville : une bande bleu-gris qu'on distingue à peine du ciel. Prendre, instinctivement, une inspiration - la première goulée d'air qui emplit nos bronches à notre naissance. Se savoir parvenue aux rives d'un mystérieux continent liquide aux origines de toute vie.
Longer les bâtiments de l'usine Alpine, avec un léger emballement du cœur. Dans une vaste enceinte goudronnée, gardées sous clé derrière de hauts grillages, objet de convoitise, une dizaine de petites merveilles attendent leur adoption par des heureux du monde. Se garer sur le front de mer, le long des immenses pelouses, face aux tours du château qui monte la garde sur les étendues vertes. Elles sont en cette saison désertes d'enfants joueurs, de cerf-volistes et de promeneurs de chiens, alors que le printemps frémit à peine dans son cocon encore clos. Arpenter la Grande-Rue, s'adonner au traditionnel lèche-vitrines, avec l'omniprésence de l'Absente. Ma mère, qui ne cesse de se rappeler à moi. Acheter à la Torréfaction Dieppoise du thé et un whisky, légèrement tourbé et fumé, dont le nom gaélique imprononçable signifie "la petite dame des îles". Maman.
S'offrir chez le traiteur quelques gourmandises qui composeront un repas du soir festif. S'attabler dans l'antre chaud d'un café face au port, prendre un "express côtier" sur fond de musique "d'ambiance" insignifiante et braillarde - de quoi noyer les mots, de quoi faire fuir. Prendre des photos et faire quelques pas tout au bout du front de mer - là où la ville laisse place à l'âpre visage des falaises livré au vent et aux vagues. Se retourner et observer la fumée noire du ferry à quai qui s'étire vers le large dans des contorsions d'ophidien blessé. Là-bas, devant nous, un nouvel éboulement s'est produit. Les marées ont disséminé de gros blocs de craie sur les galets.
Et respirer, respirer autant avec les poumons qu'avec les yeux, aspirer cette lumière, aspirer ce bleu-vert laiteux qui vient doucement bouillonner sur l'étroite langue de sable, incertaine frontière. Il n'y a quasiment pas de vent. La prochaine fois nous prendrons les vélos, pour sentir, comme ivres, l'air marin se glisser sur nos faces, y dessiner d’invisibles tourbillons dans un chuchotis ou un sifflement, voix du vent, voix de la mer, rassurante, inquiétante - inintelligible. 
Ressourcement et nostalgie, oh, nostalgie.
Se dire qu'on reviendra. Bientôt. Chercher. Chercher toujours. Chercher jusqu'au nœud serré des origines ce qui m'attache ici. Chercher dans chaque pas, chercher dans les monotones ruminations des vagues une porte entrebâillée sur quelque miséricordieuse consolation.

Canteleu, le 6 mars 2019

mercredi 26 novembre 2014

Apparition



C'est un samedi après-midi d'octobre. Je rentre de Normandie. Ma petite route m'est en partie interdite par une fort fâcheuse déviation. Je n'aime pas les retours. Je n'aime pas les déviations. J'aime longer l'Eaulne et prendre mon temps jusqu'à l'axe autrefois appelé Nationale 29 qui me mène droit ou presque vers chez moi. Mais pas moyen d'y couper. Je me retrouve sur des chemins inconnus, sur le plateau, à la lisière des pays de Caux et de Bray, dans une autre Normandie, où les matériaux de construction, l'habitat sont différents, plus sombres, plus austères qu'une poignée de kilomètres plus bas, dans la riante vallée de la petite rivière.
Je maudis la déviation qui m'impose cette cambrousse, ces bourgades tristes. Pressée de me sortir de là, je n'en conduis pas moins prudemment. A l'entrée d'un village, entre deux portions de haie, surgit soudain à ma droite un quad que je n'ai pas vu arriver. L'homme qui chevauche l'engin porte la combinaison verte des travailleurs agricoles. Son visage, que j'aperçois au vol, est saisissant : revêtu d'une expression béate, comme illuminée, il est fendu d'un sourire presque cruel qui découvre ses dents. Son œil droit est fermé. Ce détail frappant ajoute à l'impression de bizarrerie qu'il dégage. Il a l'air d'un dément. Il est effrayant. D'où sort-il ? Et moi, où suis-je tombée ? La peur, une peur panique, me prend.
Un instant je redoute le choc. Mais l'apparition pile au bord de la route, me cédant le passage de justesse. Cependant, je ne sais pourquoi, je doute que l'homme m'ait ne serait-ce qu'aperçue. Il semble évoluer dans un autre monde. Dans mon rétroviseur je le vois prendre la direction opposée et s'engouffrer un peu plus loin dans une autre pâture. Le personnage et sa monture disparaissent, happés par la campagne normande aussi vite qu'ils en ont jailli.
La scène n'a duré que quelques secondes. Elle me laisse un sentiment d'irréalité. Pourquoi cette peur, comme si je venais d'être confrontée à quelque événement surnaturel ?
Loin de tout, comme dans cette contrée que je connais mal, tout est possible. Ai-je franchi la frontière invisible d'un pays de sorciers, où les détenteurs de pouvoirs maléfiques, capables, au moyen de quelques gestes, quelques paroles, de sécher sur pied hommes, bêtes et récoltes, se livrent entre eux une lutte sans merci ?
Comme je m'éloigne du lieu de cette rencontre, je me remets tout doucement de ma frayeur. Mais je ne parviens pas à chasser de devant mes yeux l'image de cet individu déboulant à toute blinde sous mon nez, son rictus, sa paupière fermée. Je pense aux contes fantastiques de Maupassant. Le Horla en fait partie, mais ils comprennent aussi La Peur, cénacle d'amis - dont Tourgueniev - où chacun relate tour à tour une expérience angoissante qui l'espace d'un instant a réduit à néant ses repères et fait douter de sa raison. Le surnaturel ne l'était point, l'objet de la peur a trouvé une explication rationnelle, mais tout l'art de l’écrivain consiste à faire subsister, en filigrane, l'hésitation. A laisser une porte ouverte à l'inexplicable...
N'est-ce pas cela, l'"inquiétante étrangeté", qui par un détail fait basculer le quotidien le plus banal dans un univers où le rationnel n'a plus cours ?
Étrange et inquiétante, telle "mon" apparition... Elle était sans doute bien inoffensive - hormis par sa façon de conduire -, sans doute me suis-je "fait un film", le décor désolé aidant. Mais je me joindrais volontiers par l'esprit à Maupassant et ses illustres commensaux, un soir au coin de l'âtre, devant un bon repas, pour ajouter mon récit aux leurs...

jeudi 21 juin 2012

La fête à Arques


La silhouette tutélaire du donjon d'Arques veille sur le village depuis huit cents ans. Las, en huit siècles, la forteresse a souffert des méfaits et du temps et des hommes. Abandonnée à la fin du XVIIe siècle, elle servit de carrière au bénéfice de maisons et autres édifices de la région, autant de vexations infligées à sa stature orgueilleuse.
L'association "Sauvegardons le château d'Arques" s'attache à préserver le site de nouvelles dégradations et assure notamment des opérations de nettoyage. Pour la première fois, elle a organisé, le lundi de Pentecôte, "Les Médiév'Arques", une fête médiévale, pour traduire l'attachement du bourg à son château et sa riche histoire.
Je suis pour quarante-huit heures en Normandie. A peine un aller et retour. Et je décide d'aller à la fête. Direction : l'Avenue Verte !
Une ou deux photos d'ambiance... ça commence bien : la batterie du petit zap me lâche. Qu'importe, je ferai appel à ma mémoire, à mes impressions. Car j'ai apprécié ces moments que le soleil a bien voulu éclairer et réchauffer. C'est, vous l'imaginez, à souligner.
Non loin de l’étang qui marque l'orée de l'Avenue Verte, visiteurs petits et grands déambulent dans une atmosphère bon enfant, parmi hommes et femmes costumés. Le Moyen Âge, qui inspire les diverses animations, et l'univers de la fantasy s'entremêlent. Commerçants et artisans, venus de la région pour la plupart, déploient sur leurs éventaires mille merveilles comestibles ou non  : miel, bières, bijoux, poteries... L’association organisatrice est là, bien sûr, et ses bénévoles présentent leurs actions.
Les créations d'un potier retiennent mon attention : entre les cruches et les vinaigriers, ses mini-poteries me rappellent celles que l'on m'avait achetées, il y a bien longtemps, dans un bazar de La Feuillie. J'avais six ans. Le magasin n'existe plus. Les petits pots de grès, je les ai toujours. Un seul a terminé en morceaux. Ils sont alignés sur une étagère, avec leurs différentes formes, leur charge de souvenirs. J'aime leur couleur brune, leur fini brillant, leur toucher légèrement granuleux. Ces menus objets témoignent d'une rencontre marquante, fondatrice, avec la Normandie. Alors j'emporte, tout heureuse, quatre de ces charmantes miniatures.

Un peu plus loin, comment ne pas être séduite par cette bague-fée ? Elle gagne aussitôt mon annulaire et devient mon nouveau gri-gri.


Devant les stands, on se donne du "messire" et du "gente dame". On goûte hypocras et pain d'épices maison. C'est sympathique, détendu. Il fait beau. Si l'on veut trouver calme, ombre et fraîcheur, on se dirige vers l'étang. Là une oie et son jars s'occupent de leurs neuf oisons. Ils n'hésitent pas à charger les canards qui s'approchent un peu trop près de leur marmaille. Je les revois sur l'herbe. La baignade est finie. Ils montent la garde, et nul mouvement alentour ne semble leur échapper. On dirait les gorilles de quelque chef d'Etat. Je souris... et passe au large !
A l'opposé de l'étang, une partie du terrain accueille une fête foraine. Plaisir de se "paner" les doigts d'huile et de sucre en poudre en dégustant des churros tout chauds, ce qui ne m'était pas arrivé depuis bien longtemps.
C'est une fin d'après-midi ensoleillée. Les festivités se déroulent sous le regard du donjon. Peut-être la forteresse d'Arques se remémore-t-elle les fêtes passées, à l'abri de ses murailles puissantes, à l'époque de sa splendeur ?... Rien n'est immuable, semble-t-elle dire, pas même les plus fières édifications humaines. Rien n'est immuable, sauf les guerres que continuent de se livrer les hommes, avides, belliqueux et oublieux de l'histoire.
Le château mérite, en tout cas, la sollicitude que lui manifestent les bénévoles.
Espérons que le succès de cette manifestation incitera l'association à récidiver l'an prochain....

http://sauvegardonslechateaudarques.org/

Daniel Dussart
Potier céramiste
1, allée du Valasse
76170 Lillebonne
E-mail : daniel.dussart0730@orange.fr

Une très précieuse source : Guide Gallimard Seine-Maritime

jeudi 31 mai 2012

Gas


Mythifiée par Edward Hopper, qui a su en extraire la solitude foncière, décor d'une scène dramatique dans Duel, la station-service est l'essence, si j'ose dire, du lieu de passage. L'individu y est réduit à une silhouette lacérée par le flou cinétique, vite emportée par le temps et l'asphalte, aussi volatile que les vapeurs de carburant. Life's a gas, chantait Joey Ramone. Gas, c'est le gaz, l'air, la légèreté d'un souffle, mais aussi la gazoline, l'essence. Vache à lait de l'Etat, fluide de liberté et à ce titre indispensable, quel que soit le prix à payer. Le prix de l'évasion et de l'ailleurs.
Il y a quelque temps je déplorais la disparition des pompistes, du coup d'éponge et de raclette sur le pare-brise et du pourliche inhérent à cette rapide mise en beauté. Les stations-service traditionnelles s'éteignent une à une comme des étoiles à l'aube. Pourtant ces haltes obligées représentaient quelques minutes volées au mouvement perpétuel, quelques instants de répit offerts avant de s'élancer à nouveau dans le flot routier. Le "paysage pétrolier" se déshumanise chaque jour un peu plus. J'en suis triste.
Il y avait une de ces stations sur ma route. A Aumale. Aux portes de la Normandie. Elle a fermé - à quel moment ? je ne saurais le dire - et je ne passe jamais devant sans un gros pincement au cœur.
Je m'y arrêtais presque à chaque fois. C'était un rite autant qu'une nécessité. Ça faisait partie du folklore de la route. J'échangeais quelques mots avec le patron ou avec son employé, un jeune homme qui ressemblait à Elijah Wood, l'acteur qui incarne Frodon dans Le Seigneur des Anneaux de Peter Jackson. Du coup la fantasy (dont je n'étais pas encore éprise) faisait irruption dans un monde déjà un peu irréel, un monde de l'entre-deux, plein de vie, qui contait des histoires de trajets et d'escales. Je voyais parfois le maître de céans, le chat Merlin à la queue tirebouchonnée. Je crois qu'il y avait d'autres chats, mais seul Merlin se montrait. Arpentant le sol cimenté entre les deux rangées de pompes, il faisait l'inspection des lieux, dont il était la mascotte et l'emblème. Une fois la Tine désaltérée, je reprenais le volant, impatiente. Quelques dizaines de kilomètres nous attendaient encore, ma voiture et moi.
C'était un autre temps.
Je vais toujours, bien sûr, en Normandie. Je traverse Aumale. Aujourd’hui, je "fais de l'essence" dans un supermarché des environs, au prix d'un petit détour. Mais je ralentis toujours devant ma station-service. La boutique où je réglais ma note de carburant et faisais un brin de causette est déserte et les vitres s'empoussièrent. 
Je regarde toujours si Merlin n'y est pas. 

Life's a gas
So don't be sad cause I'll be there
Don't be sad at all.

Illustration : Gas, d'Edward Hopper, source : http://www.artchive.com/artchive/H/hopper/gas.jpg.html

jeudi 4 août 2011

Que reste-t-il...

Non, mon horizon ne se limite pas à mon nombril !

Que reste-t-il, une fois regagnées ses pénates, d'un séjour en Normandie ?
Le souvenir d'instants qu'on essaie de vivre dans toute leur plénitude, le plus intensément possible, dont on tâche d'extraire tout le suc, comme une machine à expresso. Et qu'on s'en veut de ne pas saisir en totalité, comme si c'était humainement possible. D'où frustration et culpabilité bien encombrantes et bien vaines. Alors que le soleil est là, et que le séjour ressemble diantrement à des vacances...
Un petit paquet de photos, parce qu'il est parfois plus facile d'appuyer sur le déclencheur que de s'installer face à son clavier et rassembler ses idées. Les zaps ont donc bien cliqué. Je garde toutefois à l'esprit qu'en regardant dans le viseur, on oublie parfois de regarder tout court. Alors j'ai souvent posé mes zaps, histoire de m'imprégner de la saveur unique de l'air et de la lumière.
On est là-bas, pour quelques jours. La réalité rejoint les rêves et les aspirations. Mais déjà, on réfléchit à ce qu'on va écrire. On se prépare à l'après-Normandie. Comment traduire émotions et sensations en mots, avant qu'elles ne s'échappent ? Car les mots, finalement, c'est tout ce qu'il reste, une fois de retour, face à l'ordi. C'est ce que je me dis, quand la nostalgie m'étreint. Et je suis une grande spécialiste de la nostalgie. J'ai tous mes diplômes de nostalgologue de l'université de Pétaïouchnok (les Slaves sont les plus fins connaisseurs du monde en nostalgie ; je me risquerai à dire que c'est de naissance) et je suis en la matière une autorité locale mondiale. Philippe, ne m'en veuillez pas si j'ai l'air de vous copier, là !
Mais non : il reste des sourires de grands et d'enfants, des rencontres félines, assez nombreuses dans les rues d'Arques-la-Bataille, un déjeuner arrosé de quincy (je vous parlerai dans un prochain billet d'un excellent restaurant que j'ai découvert à Arques).  Car, comme disait Francis Blanche, je préfère le vin d'ici à l'eau de là. Un donjon millénaire qui veille, protecteur, tel un symbole d'éternité.  La magie d'un concert d'orgues dans une église déserte. Une prise de bec, au sens propre, entre un canard et une mouette, pour un bout de pain. L'indispensable trempette sur la plage de Dieppe. Et tous ces instants fugaces par essence, justement, qui se recomposent en une mosaïque infinie. Ma richesse.
Et une forte déception, tout de même : les brebis de Douvrend n'étaient pas là, ni à l'aller ni au retour. Le grand champ bêlant était vide de toute silhouette laineuse et je m'en inquiète. J'espère être rassurée la prochaine fois ; en attendant j'ai renoncé au gigot.

Dans une rue d'Arques, un habitué des lieux.

Sous les galets, la plage.

La fuite à de la Varenne

  A Dieppe, on prend l'express côtier, bien sûr (j'ai pas demandé un déca, moi !)

Rue St-Jacques, la cour mystérieuse.

 A Arques, les locataires de l'étang.


PS : Merci à Carole, Sylvain et les enfants pour leur accueil.

mercredi 27 avril 2011

De nouvelles cordes à mon Arques

Des maisons de caractère...

Les anniversaires ont une fâcheuse tendance à revenir tous les ans. Qui plus est, à la même date, ce qui ne laisse pas de réduire à néant tout effet de surprise. Qu'à cela ne tienne, fidèle à la "tradition", je fêterai le mien en Normandie. Cette année, il coïncide avec les fêtes de Pâques.
Deux belles découvertes m'ont été offertes en ce week-end normand. Ou plutôt trois. Tout d'abord, le village d'Arques-la-Bataille. Dieppe n'est qu'à six kilomètres et pourtant, je ne le connaissais pas. Une lacune que je me suis attachée à combler en parcourant les rues, en admirant les maisons de brique pleines de cachet, en savourant la Normandie au propre comme au figuré.
Comment me suis-je retrouvée là ? Coup de cœur à distance pour le studio d'hôtes Cléome, découvert et choisi - faut-il dire "au hasard" ?-  sur le catalogue envoyé par l'Office du Tourisme de Dieppe. C'est décidé, c'est là que j'irai !
Cléome, je l'apprends, c'est le nom d'une fleur (ça me rappelle une réplique des Enfants du Paradis, où la fleur se nomme Garance...) élu par les propriétaires qui privilégient l'agrément de leur jardin. Dans leur longère, Carole Llanes et Sylvain Mouchel ont aménagé et décoré avec beaucoup de goût un "studio d'hôtes" très confortable qui possède un coin cuisine bien équipé, une télé et une agréable terrasse où il fait bon lézarder dans les chaises longues. L'ambiance décline avec bonheur un camaïeu de gris et de bruns harmonieux et reposants.  On est là dans un calme absolu, loin du bruit du trafic et de la folie urbaine. Le jardin qui s'étire le long du bassin-source offre une belle vue sur le château. On s'y balade parmi le parfum des lilas.
Une fois posé, on n'a plus envie de bouger, de courir Dieu sait où, à la poursuite de quoi, d'ailleurs ? Il suffit d'être là, de se laisser gagner par la paix et la tranquillité.

Un paradis de verdure...

 Capsule, gardienne des lieux

Au petit-déjeuner, les hôtes sont gâtés. Croissants friands à souhait, pain au lin, brioche feuilletée... On accompagne ces douceurs du café préparé avec la machine à expresso mise à disposition dans le coin cuisine.
Qu'ajouter, sinon que l'accueil chaleureux vous met tout de suite à l'aise !

La cour a permis d'abriter la "Tine"

Et puis, Cléome est bien situé. Arques présente, outre ses monuments historiques (château-fort, église Notre-Dame de l'Assomption bâtie au 16e siècle) et son environnement vert et aquatique (la Varenne traverse le village), des attraits propres à satisfaire tous les goûts. Quelques pas plus bas que le studio, en direction de Saint-Nicolas d'Aliermont, s'ouvre l'Avenue Verte, qui s'étire entre eau et végétation. Elle est propice à la marche, au vélo, au vidage de tête, bref à la relaxation.
Quelques pas plus haut, en direction du centre du bourg, se trouve un lieu où récupérer bien vite les calories perdues au footing.

 Une beauté dont on ne fait qu'une bouchée (ou presque !)...


Un gallinacé qui ne craint pas la grippe aviaire...

La découverte a commencé avec les croissants et le pain servis au petit-déjeuner : une qualité qui ne trompe pas. Elle s'est poursuivie avec les gâteaux, que je me suis empressée de goûter. M. Marques, le pâtissier chocolatier, est un artiste. Il n'est qu'à voir la poule Meccano qu'il a réalisée pour les fêtes de Pâques. Elle trône sur le comptoir avec majesté et accueille les clients qu'elle fixe de son œil rond. Les créations de M. Marques, d'un grand raffinement, enchantent  les yeux autant que les papilles. Derrière la vitrine du comptoir, la palette variée des pâtisseries défie toute tentative de résistance. La file qui patiente sur le trottoir en fin de matinée me dit que mon opinion est amplement partagée...
Une chambre normande où j'ai prévu de revenir. Une pâtisserie exceptionnelle.
Deux bonnes adresses, des lieux à connaître, des "rencontres" comme celles que j'attends de la Normandie...


Studio d'hôtes Cléome
23, rue de la Chaussée
76880 Arques-la-Bataille
02 35 84 16 56 / 06 09 38 12 74
cleome@cleomechambredhote.fr


Boulangerie pâtisserie Marques
1, rue de la Chaussée
76880 Arques-la-Bataille
02 35 85 53 47

samedi 5 février 2011

Quelques propos sur la substitution de chats et les créatures magiques

Un exemple de croissance réussie...

On a volé Gobelin ! On l'a remplacé par un autre chat. Comment reconnaître dans ce gros matou sûr de lui, au pelage luisant et abondant, le petit morpion tout noir à bout de forces cueilli sur un trottoir un soir de septembre ? Il y a forcément eu tour de passe-passe, voire quelque diablerie ! Aussi je cherche partout le petit Gobelin chétif au museau pointu qui a laissé place à cet intrus. Curieusement ce dernier a toujours le tempérament joueur d'un chaton et se livre toujours à des passes d'armes acharnées avec sa "sœur" Arwen (sans compter le croquage des fils électriques)...
Alors, substitution ou métamorphose soudaine ? Pour éclairer ma lanterne et trouver une explication au phénomène quel qu'il soit, j'ai eu l'idée de faire sur le Net quelques recherches sur le gobelin, figure incontournable du "petit peuple", celui des fées, farfadets, lutins et autres korrigans, mais aussi guerrier peu amène chez Tolkien. J'ai découvert un article fort intéressant et fort savant du journaliste normand Georges Dubosc. On apprend ainsi que "parmi tous ces êtres chimériques, créations imaginaires de l’esprit de nos aïeux, le plus connu, le plus répandu, qui semble lui aussi répondre aux ordres du sorcier, c’est le Gobelin, si répandu en Normandie et en Angleterre que son nom est devenu un véritable nom propre. Le Gobelin est une sorte de lutin familier, vif et capricieux, plus malicieux que méchant, petit, grotesque et grimaçant, mais vindicatif lorsqu’on le raille. Il est, au fond, un… bon petit diable familier, se plaisant aux besognes de ménage, aux travaux des servantes, les aidant parfois avec une adresse et une dextérité singulières. Il aime aussi et il chérit les enfants et surtout les chevaux. Il les panse, les étrille, les mène boire, en galopant sur leur dos, et joue et se rit dans les écuries."
(...)

L'être légendaire dépeint dans ces lignes ressemble décidément fort à mon hôte moustachu...
Georges Dubosc poursuit :


"Le Gobelin, qui devenait parfois méchant, sous diverses métamorphoses, était, certes, le vrai lutin normand et la preuve en est qu’il y avait à Rouen même, une tour de l’enceinte fortifiée, située sur le boulevard, près de la Porte Cauchoise, qui s’appelait La Tour du Gobelin, et où on emprisonnait les vagabonds et les mendiants."
 
On est édifié devant tant de science. Et on découvre une fois de plus que la Normandie se trouve là où on ne l'a pas cherchée. La Tour du Gobelin ! A Rouen ! Je m'étais crue bien inspirée en baptisant le chaton du nom de ces créatures fantastiques, mais par Tolkien, Bilbo le Hobbit et Le Seigneur des Anneaux et non pas les contes et légendes normands !

Que dit Wikipédia ? L'encyclopédie en ligne consacre une entrée au gobelin en tant que personnage du folklore populaire. Comme il fallait (presque) s'y attendre, je tombe sur ceci : "C'est surtout en Normandie que les gobelins sont représentés, peut-être à cause de l'influence norroise. On les appelle goublins. Dans la Manche, ils hantent les marais de Carentan et les maisons. Un autre revêt l'aspect d'un chat à l'abbaye de Mortemer, on le surnomme le cat goublin*. "

J'en suis restée confondue !
Quand je vous disais ! Gobelin est normand !


Sources : DUBOSC, Georges (1854-1927) :  La Sorcellerie normande (1922)
Wikipédia

* C'est moi qui souligne.

mardi 23 novembre 2010

Gunnar Staalesen, l'œuvre au Nord


Médiathèque Guy de Maupassant d'Yvetot, 15 heures. Dans le cadre du festival les Boréales, qui célèbre les cultures et la création nordiques, le romancier norvégien Gunnar Staalesen vient à la rencontre de ses lecteurs. C'est l'émotion et l'excitation. Je suis aussi intimidée !
Si les livres sont des choses bien concrètes, les écrivains sont toujours un peu abstraits. On connaît leur nom, parfois leur visage... what else ? On n'a pas souvent l'occasion de les rencontrer. On ne vit pas sur la même planète. Alors on se demande s'ils existent vraiment, si les bouquins ne sont pas nés comme ça, ex nihilo, s'il y a bien quelque démiurge derrière, à l'origine du monde que l'on tient entre les mains, de ces pages couvertes de petits signes d'où s'envole et s'ordonne tout un univers. Et puis, à supposer qu'ils existent, on ne sait pas sur quel genre de personne on va tomber. C'est pourquoi une rencontre avec un auteur présente toujours un caractère d'irréalité.
Aujourd'hui Gunnar Staalesen est là, devant son public. Il est accompagné de Mme Staalesen, de son traducteur, Alex Fouillet, et d'un organisateur du festival. Nous attendons sagement, dans la confortable salle de conférence de la médiathèque.
J'ai découvert ses polars il y a plus de quatre ans. La littérature policière scandinave faisait alors une percée sur les rayonnages des librairies et on connaît le succès qu'elle a aujourd'hui. Mais ce sont ces livres-là qui ont attiré mon attention et que j'ai emportés chez moi. La Norvège. Garance, la Fée. Il est possible qu'elle ait guidé mes choix de lecture (oui, un chat, je sais !). La nuit, tous les loups sont gris, La belle dormit cent ans, Ange déchus... autant d'œuvres qui m'ont entraînée au cœur de la ville de Bergen, sur son port, dans le dédale de ses petites rues. Mon guide : Varg Veum, que j'ai suivi au fil de ses enquêtes.
Gunnar Staalesen prend la parole. Il se présente avec un texte saupoudré d'humour et de malice, dans un français rythmé par un accent venu de loin. L'audience est tout ouïe. Des sourires fleurissent brièvement sur les visages. Né en 1947 à Bergen, où il réside toujours, il est venu à la littérature policière en 1975. Il crée alors le héros que l'on retrouvera dans tous ses polars, Varg Veum, ancien assistant social reconverti en détective privé. Le nom de Varg, issu du vieux norrois, signifie "loup". Et Varg Veum, c'est celui qui est destiné à ne jamais trouver la paix. L'auteur évoque Hammett, Chandler, les fondateurs du roman noir, les modèles. Il raconte : lorsque ses premiers ouvrages parurent en France, les éditions Gaïa proposèrent ce slogan : "Des polars au pays des ours blancs". Pourquoi pas ? Mais "en Norvège, les détectives privés ne sont pas beaucoup plus nombreux que les ours blancs" ajoute l'écrivain dans un clin d'œil. Au fil de ses propos se précise la silhouette de son héros, comme projetée en trois dimensions. Vivante. Varg est cependant différent de Gunnar ; ce n'est pas son double littéraire. Mais, comme l'exprime joliment l'auteur, "c'est un très bon ami".

 Face à ses lecteurs...

Nous sommes dans les années 80. Varg, le marginal, le solitaire, évolue dans une société norvégienne malmenée, en perte de repères. La richesse soudaine née de la manne pétrolière, au début des années 70, n'a pas bénéficié équitablement à tous les citoyens. Frustrations, hypocrisie, mensonge, violence, addictions destructrices se révèlent sous le vernis d'un modèle social qui s'est trop longtemps voulu "idéal". La belle façade n'a pas résisté et Gunnar/Varg en explore les failles et leurs corollaires, les effets dévastateurs sur les êtres fragilisés, défavorisés, à la dérive - de façon visible ou non. Plongée en apnée dans la noirceur de ce monde. Il se penche sur cette humanité avec lucidité et compassion tout en dénouant les fils d'énigmes qui le confrontent souvent à la violence... à ses propres dépens. Mais le détective, astucieux et doté d'une langue bien pendue, se tire en général sans trop de dommages de situations épineuses... Ses méthodes sont peu conventionnelles mais efficaces, ce qui lui vaut quelques démêlés avec la police "officielle". Il s'offre parfois le réconfort fugace de l'aquavit (la bouteille est dans le tiroir de son bureau), mais pour renouer très vite avec la réalité... Et, surtout, les vicissitudes n'entament pas l'amour de la justice qui l'anime.
Ajoutons que Varg est un des très rares héros de la littérature policière à posséder sa statue, ce qui fait de lui une idole, un personnage du patrimoine norvégien mais aussi une figure du domaine policier mondial  ! Posté au pied de l'immeuble qui abrite son agence, bras croisés, il attend dans la nuit berguenoise...
Gunnar Staalesen ne se contente pas de briller dans le genre policier : il évoque un autre pan de son œuvre, Le roman de Bergen, une somme littéraire, publiée chez nous en six tomes, où s'entrecroisent les destins de familles berguenoises tout au long du 20e siècle. Bergen est toujours là, elle est moins un arrière-plan  qu'un personnage à part entière. L'écrivain se pose en témoin de l'évolution de sa ville et des hommes qui y vivent, aiment, souffrent, meurent. Il cite un auteur norvégien dont je n'ai pas retenu le nom : "Le monde change, tout change, mais le cœur humain reste le même".
Le romancier se livre volontiers au jeu des questions-réponses avec beaucoup d'à-propos et, toujours, d'humour. Mes craintes se sont dissipées : c'est un homme simple, accessible, attentif, proche de ses lecteurs. Il ne joue pas les stars. Public et invités sont ensuite conviés à prendre le verre de l'amitié (pas d'aquavit, malheureusement mais... du cidre !) et l'échange se poursuit, direct et chaleureux. Skål ! Simultanément, traditionnelle séance de dédicace, avec le sourire !

Concentré...

Alex Fouillet se révèle lui aussi très abordable. Il réalise un travail de traduction remarquable et n'hésite pas à "démythifier" son métier, à la fois plaisir et passion pour la littérature. Il est le passeur qui fait franchir aux livres la frontière des langues pour nous les rendre accessibles. A ce titre il mérite notre admiration !

Alex Fouillet, un traducteur en Nord...

L'heure est venue de se séparer. Un grand moment, une belle rencontre marquée par l'humanité et la simplicité de l'auteur. J'en oublie les deux cent cinquante kilomètres que j'ai derrière moi....
Pendant ces instants si riches trop vite enfuis, la Norvège était là, à portée de main. J'ai ressenti son appel. Un jour j'irai à Bergen, je parcourrai, sur les traces de Varg Veum,  les quais de Bryggen et les rues bordées de maisons de bois, les rives de son fjord, contemplerai les sommets qui l'enchâssent et rêverai face au large...

C'est que les vents tombant des grands monts de Norwège
T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté.


Garance a franchi la porte du Royaume des Fées, mais ses pouvoirs magiques sont toujours à l'œuvre.



Les romans de Gunnar Staalesen sont publiés chez Gaïa. Ses polars sont également disponibles chez Seuil Policier.

Un grand merci au personnel de la médiathèque d'Yvetot pour son accueil !

mercredi 20 octobre 2010

Essences rares (pompes et circonstances)

Dans les stations-service, le fond des cuves est plus sec que le désert d'Atacama ou qu'un cœur de PDG.  On est prêt à payer le sans plomb à prix d'or. Il ne sert à rien de supplier le pompiste pour obtenir quelques gouttes de carburant ; d'ailleurs il n'y a plus de pompistes, à croire qu'ils ont tous été enlevés dans des soucoupes volantes par des petits hommes gris (les témoignages concordent : les extraterrestres kidnappeurs sont GRIS). A ce propos j'espère pour leurs occupants que les soucoupes volantes avaient leur réservoir plein avant de venir en France : on ne sait jamais.

Boris, un homme gris venu de l'espace ?

Corollaire de la situation : je n'irai pas en Normandie cette semaine. Je resterais bloquée à mi-route (bon, je ne suis pas contre une halte prolongée dans la Somme, mais enfin) ou, si je parvenais à destination, je ne pourrais pas rentrer. Bloquée à Dieppe ou à Rouen. Un petit séjour était dans l'air pourtant. J'en ai besoin. J'étais bien décidée. Ah, faire un petit coucou à Maman Mule, dîner au Comptoir à Huîtres... Et puis la pénurie galopante est venue s'opposer à moi.

Dieppe : un mirage ?

Les désirs contrariés sont bien vexants.
J'ai toujours de bonnes raisons de partir et de bonnes raisons de ne pas partir. De mauvaises raisons, surtout aussi. Quand elles ne sont pas externes et, dirons-nous, indépendantes de ma volonté, je suis prisonnière de mes hésitations, de mes entraves. La Normandie est là, lointaine et proche, désirée et tellement idéalisée... C'est, à chaque fois, un rendez-vous d'amour, et à l'excitation se mêle la crainte d'être déçue.

 Une envie d'Azur normand...

Ma terre d'élection me manque. Je dois prendre mon mal en patience, attendre que le fluide vital coule à nouveau sans restriction des pompes. Car les deux cents kilomètres et quelques qui me séparent d'une chambre normande sont infranchissables pour le moment. Tel est le résultat de la pétrolo-dépendance. Dès le déblocage, plus d'atermoiements ! Promis !
Finalement la meilleure des choses est de partir sans raisons. Mais avec un peu d'essence dans sa voiture tout de même...

vendredi 9 juillet 2010

Le temps des cerises

Cooper, le nouveau venu chez les Lefèbvre

Passée l'arrosage la distribution traditionnelle de Neufchâtel, que reste-t-il de ce séjour en Normandie ? Des émotions. Une chaleur "torrentielle", comme dirait l'autre, difficilement supportable, les premiers jours. Les étals des producteurs de fruits sur les bords de Seine et une causette avec une marchande de cerises qui m'offre deux pots de confiture maison ! Dans les vergers les cerisiers ploient sous le poids des fruits. "C'est une année à noyaux", me dit la dame. Autrement dit, il y aura abondance de prunes en août... A bon entendeur...
Et puis le passage des bateaux, petits et gros, qui semblent plus ou moins lents ou rapides selon l'angle d'observation. Je peux dire que dans ce domaine, j'ai été gâtée. Il est passé durant mon séjour à Duclair plusieurs monstres imposants, majestueux, impavides. Rien ne semble pouvoir les arrêter. Ils me fascinent toujours, décidés, si éloignés de nos vicissitudes humaines...
Je n'oublie pas de ramasser du bois flotté sur les rives de la Seine. Il faut pour cela enjamber le parapet qui longe la levée et marcher prudemment sur des galets instables, ce n'est plus de mon âge, je sais, mais que je ne ferais-je pas pour mes chats ? Ils apprécient en effet ce style de griffoirs, parfaitement écologiques et exemple même du recyclage ! J'aime l'idée qu'ils viennent de loin, du bout du monde peut-être, et ont beaucoup bourlingué au fil de la mer et du fleuve. Ils racontent une histoire. Les morceaux de bois flotté, bien sûr, pas les chats...

En voilà un qui n'hésite pas à exercer son droit d'Ernest !

On ne risque pas - en principe - d'être recalé à ce bac-là...

Le bois veut bien révéler son âge... une fois coupé !

C'est la cerise qui fait déborder l'eau !

Paco, maman à seize ans !


Cooper, six semaines, a beaucoup apprécié l'étui de mon zap...

Le séjour se termine par une escale de vingt-quatre heures à Rouen. La canicule a cédé la place à une fraîcheur bienvenue. Bonheur de retrouver une chambre normande familière et de fouler les rues de la ville. Je sacrifie au rituel des soldes. Bon, je le reconnais, la peine n'est pas bien rigoureuse. Une courte exploration du Printemps, premier étage. Quelques sacs me font de l'œil mais je résiste. J'ai une idée en tête. Mes pas me portent vers la boutique Saoya, rue des Carmes, un de mes fournisseurs attitrés en bijoux. J'aime beaucoup la délicatesse et le raffinement de leurs créations, d'inspiration botanique. La boutique est jolie, le décor méditerranéen. On pratique des remises intéressantes et j'en profite. Je choisis une paire de boucles d'oreilles pour ma mère et, charité bien ordonnée commençant par soi-même, une pour moi, avec la satisfaction de faire une bonne affaire !

 La boucle est bouclée...

Le soir, dîner au son des cloches de la cathédrale au "P'tit Paul", une annexe de la brasserie Paul. La "planche" Paul et Virginie est délicieuse : c'est un assortiment de fromages régionaux et de charcuteries. L'accompagnement est au choix : j'opte pour la caponata. La soirée se termine par un café au "Big".
Rouen, le soir. L'été. La nuit n'est pas encore tombée. La ville est animée. Je rentre demain. La circulation sera moins dense qu'aujourd'hui, jour de départs en vacances. Il ne fera pas trop chaud. Mais c'est le retour. Je laisse un sillage de regrets. Quand, la prochaine fois ?

Saoya 
25, Rue des Carmes
76000 Rouen 
02 35 36 22 22


Le P'tit Paul
5, place de la Cathédrale
76000 Rouen

02 35 07 11 68

mercredi 30 juin 2010

Partir

 
Partir, même peu de temps. Revoir des lieux aimés. Loger à Duclair, sur les bords de Seine. Retrouver Mme Lefebvre et les siens ainsi que ses trois chats et son chien. Renouer avec la Normandie que j'aime.

Impossible d'être complètement dépaysée...

Le manoir d'Agnès Sorel


A bientôt...

lundi 24 mai 2010

Mon beau navire Ô ma mémoire : adieu à la "Jeanne"


Le salut aux couleurs...

Bouh, c'est loin... (Plus loin que ça n'en a l'air.)

La Jeanne d'Arc part en retraite, après quarante-six ans de bons et loyaux services. Une retraite sans doute peu glorieuse, indigne d'elle, si j'en juge par le sort réservé à d'autres vaisseaux mythiques. Le Clémenceau et, dans le "civil", le France... Nous ne sommes pas un peuple de marins ! Et le navire-école fait escale à Rouen, sa ville marraine, pour son ultime tournée. Dès que j'ai appris la nouvelle, j'ai décidé d'aller lui faire mes adieux. Et raviver mes souvenirs...
J'ai visité la "Jeanne"  il y a seize ans, lors de l'Armada 94. En resquillant. Oui, je peux l'avouer à présent, car il y a prescription. J'avais, la veille au soir, bavardé avec des petits marins du porte-hélicoptères dans un pub de la rue du Gros (oui, je sais, on se croirait dans un roman de Mac Orlan). Ils nous avaient invitées, ma mère et moi, à visiter leur bateau : en faisant appeler l'un d'eux à la coupée, nous avions court-circuité la file d'attente qui s'étirait sur deux cents mètres de quai. Des ponts intérieurs à la passerelle, des cuisines au fauteuil du "pacha", nous avions accédé à des zones "interdites au public". Frayeur à un moment donné : le bateau bouge ! En fait, en raison de la marée, on est en train de retendre les amarres (j'apprends de la bouche de notre guide qu'on les appelle des "aussières").
Je recevrai, quelques mois plus tard, une carte postale du Cap Horn...
Beaucoup d'émotion donc en ce samedi après-midi. Tout d'abord, il faut (beaucoup) marcher. La Jeanne est amarrée en aval du pont Flaubert, autant dire au tonnerre de Brest. Mon point de départ est en amont du pont... et mes pieds, dans leurs sandales, ne sont pas équipés ! Je vois le bateau, au loin, tel un mirage, dans le soleil qui cogne sur le port. Irai-je jusque là ? OUI ! Je suis ici pour lui.
Alors, je marche, je marche. J'aime marcher sur les quais, j'aime l'activité des ports. A Rouen, tout semble ensommeillé, n'étaient les colonnes de piétons qui se dirigent vers le bout du quai ou en reviennent. Le bateau ne rapproche que lentement. Enfin, m'y voici. Des photos. Je suis filmée, index sur le déclencheur, par l'équipe de France 3 Haute-Normandie. Les images seront diffusées au journal de 19 heures. C'est mon hommage inattendu à la Jeanne.
Même à la veille de l'arrêt des machines, celle-ci se fait belle : dans une nacelle suspendue au-dessus de l'eau, deux marins armés de pinceaux-balais s'activent sur la coque. A bord, on prépare la réception du soir pour quelques privilégiés, dont je ne fais pas partie...
Pourtant je ressens de la tristesse dans l'atmosphère. Ce n'est pas la fête. La Jeanne n'est pas là pour ça. Bien sûr, elle sera célébrée comme il se doit, mais...
La tête pleine d'images, je rentre par le bus. Mes pieds meurtris m'en sont reconnaissants. Et j'apprécie de voir Rouen en me laissant conduire...
Il me semble qu'une époque prend fin. Les générations de marins qui ont servi à bord du vaisseau ou y ont été formées doivent éprouver ce pincement au cœur bien plus profondément que moi...
Les bateaux, comme tout le reste, sont faits pour passer.

Un jeune homme pomponné...

Ce n'est pas tout à fait l'image qu'on se fait d'un cap-hornier...

Dans la marine, si ça bouge tu salues, si ça bouge pas tu repeins.

 Pour les bordées en ville du commandant ?

La Jeanne, on l'aime peu ou... proue !

Une vieille (?) dame légendaire encore pleine d'allure.

R 97...

Tout est dit...

C'est en fini des voyages. La Jeanne ne reviendra plus à Rouen. Nul autre bateau ne pourra la remplacer.
Si ta vieille coque pouvait nous raconter, Jeanne, que dirait-elle ?...
Je pense à La chanson du Mal-Aimé :

Mon beau navire ô ma mémoire
Avons-nous assez navigué
Dans une onde mauvaise à boire
Avons-nous assez divagué
De la belle aube au triste soir ?

Où va la jeunesse, où vont les années, où vont les vieux bateaux lourds de la mémoire des vagues et du monde ?

Pour finir, cette magnifique chanson de William Sheller...