L'arrivée d'un nouveau chat est toujours un événement.
Ça commence toujours de la même façon. Un coup de sonnette retentit. C'est un voisin ou une voisine qui a trouvé un chat perdu et me demande s'il ne s'agirait pas, par hasard, d'un de mes pensionnaires.
Ce n'est jamais un de mes pensionnaires. Mais parfois ça le devient.
Ainsi, le 28 septembre dernier, alors que je songeais tristement à la disparition de
Mascaret, tout juste huit mois plus tôt, une voisine se présente à la porte pour me signaler la découverte d'un chaton roux. La liste des passagers ne comporte pas de chaton roux, mais je la suis pour voir l'animal de mes propres yeux. Il se trouve dans la cour d'un des deux hôpitaux de jour qui jouxtent la maison. Il est réfugié sous une voiture et je crains qu'il ne se sauve à mon approche. Je m'accroupis. Et là le petit bonhomme s'élance vers moi, me rejoint et vient se frotter contre mes genoux en ronronnant. Je le caresse. Pelage de feu soyeux sous mes doigts. Le contact est passé. Me voilà conquise, en moins d'une seconde. Tel est le pouvoir de séduction des chats.
Je suis prête à l'emmener mais peut-être ce jeune homme, qui peut avoir trois mois ou trois mois et demi, a-t-il dans les parages un humain qui se désole.
Il est décidé que la voisine fera passer une annonce dans la presse tandis que je garderai le chaton chez moi à titre provisoire.
Une fois à la maison, il se jette sur une assiette de pâtée avant de monter visiter ma chambre et de la trouver à son goût, puisqu'il y prend ses quartiers.
Les jours qui suivent, j'attends fébrilement. Que va donner l'annonce ? Je n'ai pas du tout envie de restituer mon pensionnaire. Mais s'il le faut...
Je cherche un nom au petit rouquin. Si pour certains le nom s'impose immédiatement, baptiser celui-ci est plus difficile. Je tâtonne. Aucun ne semble lui convenir parfaitement, aucun ne me satisfait. Je les rejette l'un après l'autre.
Le temps passe... jusqu'au jeudi où j'apprends que ma voisine a reçu un coup de fil. C'est la consternation. A mon grand soulagement, il se révèle qu'il y a eu confusion : il s'agit d'une personne qui
a trouvé un chat dans sa cave et cru que l'annonce
concernait un matou perdu. Le chaton reste à la maison. Ouf ! Pas
de captation de chat, donc, pas de sentiment de culpabilité ! Et il a trouvé dans la foulée son nom définitif
: ce sera Chaman. L'inspiration ? J'ai pris en cours de route un film sans grand intérêt, tiré d'un roman de Jean-Christophe Grangé, où l'on voit à l’œuvre un guérisseur-fantôme issu d'une peuplade sibérienne décimée trente ans plus tôt par l'explosion d'une installation nucléaire. Un chaman... "Intercesseur, intermédiaire entre l'Homme et les esprits de la nature", selon Wikipédia. Cette définition ne s'applique-t-elle pas à nos félins familiers ?
Au final, personne n'a réclamé le petit roux. C'est un chat abandonné, pas perdu...

Chaman s'est très vite adapté à ses nouveaux compagnons. Point de heurts, point de feulements hostiles. Il apprécie également son nouvel environnement et ne craint pas le désordre de mon bureau, entre mes notes, le vieil écran et la famille renard de Nourry.
Les Anglo-saxons nomment ces rouquins sublimes "orange cats". Alors je vous offre cette magnifique chanson d'Angelo Branduardi, elle est de circonstance.
Un "nouveau velu" aux yeux de topaze cuivrée, à la livrée flamboyante, aux allures de feu follet. Il n'en fallait pas plus pour faire de moi une fervente adepte du chamanisme.