Les dernières semaines ont été éprouvantes. Être bloqué chez soi en raison des intempéries et de l'état exécrable des routes n'a rien de réjouissant. C'était même franchement déprimant. Pas question de prendre la Tine pour se retrouver illico dans le décor, de Noël ou pas. Je sortais donc à pied, le visage tartiné de saindoux. D'aucuns vous vanteront les mérites de la graisse de phoque mais c'est beaucoup moins écologique et surtout plus difficile à se procurer. Dans ma doudoune, enfilée sur quelques pulls, ma silhouette n'était pas sans rappeler le Bonhomme Michelin, un cosmonaute un peu gauche ou celle de Viggo Mortensen dans La Route. En plus dépenaillé. Bref, une allure à décourager le plus hardi des voleurs de grands chemins. C'est ainsi harnachée, sans la moindre concession à l'esthétique, que j'allais affronter les étendues blanches et glacées pour rapporter quelque roborative pitance.
Et pourtant, tout ce blanc n'était pas sans beauté. Le paysage semblait revêtu d'une couette immaculée. Dans le jardin, l'entrelacs des branches enneigées de l'Arbre aux Fées évoquait un tableau de Dubuffet, mais un Dubuffet froid.
Néanmoins, cette période d'hibernation forcée m'a paru bien longue.
Gobelin, goûteur émérite qui aime son métier
Il restait les repas pour se consoler et se réconforter. Lors du réveillon de Noël j'ai fait appel aux services d'un goûteur professionnel. En ces temps d'insécurité alimentaire et de méfiance généralisée, on n'est jamais trop prudent. J'aurais pu par inadvertance verser du cyanure dans la crème de marrons au cours de la confection de la bûche. Ce sont des choses qui se produisent sans cesse dans les meilleures cuisines, de la part des cuisiniers les plus consommés (d'où bien sûr l'expression "bouillon d'onze heures"). Une fois la bûche décrétée au-dessus de tout soupçon par ce jeune homme hautement qualifié, j'ai poussé un grand "ouf" et j'ai pu la déguster en toute sérénité !
Pour le Nouvel An j'ai été prévoyante. Il peut neiger, j'ai gardé quelques bonnes bouteilles en réserve !
Qu'importe le flocon, pourvu qu'on ait l'ivresse !