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lundi 3 juin 2024

Originaire (parce que c'est amer)

 


"Il faut partir au moins une fois pour aimer revenir."


Mon installation en Normandie a fait de moi une originaire. En d'autres termes, une imbécile heureuse qui est née quelque part.

J'ai pris conscience de cette métamorphose il n'y a pas si longtemps. Il ne s'agit pas tant, d'ailleurs, d'un bouleversement intérieur que d'une prise de conscience des multiples facteurs qui m'ont façonnée durant plusieurs décennies. D'une appartenance. Si j'en conçois une quelconque fierté ? Non.


Suis-je de là-bas, ou d'ici  ?


Mais qu'est-ce qu'un originaire ? Le premier répertorié (et le plus illustre) est sans doute Énée, le fondateur de Rome. Lors de la chute de Troie, il doit se tirer en catastrophe de la cité accompagné de quelques-uns des siens, dont son fils et son vieux père Anchise juché sur ses épaules. Cet épisode dramatique de la mythologie est connu sous le nom de "tirade d’Énée". 


On distingue deux catégories d'originaires : les individus qui se fondent dans la masse et les individus folkloriques. On peut être tantôt l'un, tantôt l'autre. Je suis folklorique quand j'emploie des mots et expressions de chez moi, en rouchi, la variante dialectale du picard parlée dans le Hainaut. Ce langage, je ne l'ai jamais, ou très peu, pratiqué dans ma région natale. Aujourd'hui son usage relève de l'hommage à ce que mon héritage culturel nordiste a de plus sacré. Et d'un petit brin de nostalgie...


Mais revenons à Enée. Une fois posé son sac (et son père), il n'a pas fait comme les Romains, puisque ceux-ci n'existaient pas encore. Il épouse la fille du roi local. Il fonde Lavinium, la future Rome. Les gens du cru disent de lui : "C'est un de Troie". A l'inverse du prince troyen, je n'ai pas fondé de ville en Normandie : tous les terrains étaient déjà pris. Je me suis donc contentée de trouver un lieu qui m'accueille, de me définir une place, de tenter de "faire mon trou" (sinistre expression... non ?). Tantôt discrète, tantôt folklorique.

Et ce Nord que j'ai quitté m'est arrivé en pleine figure. Il m'a tendu un miroir où des personnages en tenue de carnaval paradaient sous la pluie, dans la nuit déjà tombée. 

J'ai entendu le Nord et son appel féroce. (Hé, c'est un alexandrin !)

Parmi les manifestations les plus symptomatiques (je dirais même pathognomoniques) de ma norditude, se distingue l'amour de l'endive. Je me régale à présent des fameux chicons, alors que tout au long de ma vie je les ai copieusement détestés, que dis-je, fuis sous toutes leurs formes. Exception faite des endives braisées fondantes que préparait ma grand-mère. Mais cela fait si longtemps... Pierre Desproges consacre à ce végétal une entrée de son Dictionnaire superflu à l'usage de l’élite et des bien nantis. Il en souligne l'exploit paradoxal d'unir un sommet de fadeur à un apogée d'amertume.


J'aimais beaucoup Desproges. Mais depuis que je suis originaire, je lui donne tort. J'ai découvert (ou redécouvert) ce croquant et cette amertume même qui,  en salade, assaisonnés d'huile d'olive, de vinaigre de cidre - (ou de vinaigre de bière normand) et d'échalotes ciselées, m'enchantent. Je mesure l'ampleur de ce que j'ai perdu en méprisant le chicon la majeure partie de mon existence.


Maturité des sens  ? Mal du pays  ? Ou bien est-ce

parce que c'est amer
Et parce que c'est mon cœur ?*

La Normandie a révélé mon identité nordiste. A moi-même, sinon aux autres.

J'ai perdu le Nord. Mais j'ai gagné l'endive.


Illustration : Énée fuyant Troie, Girolampo Genga, Pinacothèque de Sienne

La phrase placée en exergue est tirée du roman d'Ines CagnatiMosé ou le Lézard qui pleurait.


*Extrait du poème Dans le désert de Stephen Crane :

"In the desert
I saw a creature, naked, bestial,
Who, squatting upon the ground,
Held his heart in his hands,
And ate of it.
I said, “Is it good, friend?”
“It is bitter—bitter,” he answered;

“But I like it
“Because it is bitter,
“And because it is my heart.”"

mercredi 6 mars 2019

Dieppe inside



Retrouver Dieppe, après de longs mois. Voir la mer surgir au bout de la route qui plonge vers la ville : une bande bleu-gris qu'on distingue à peine du ciel. Prendre, instinctivement, une inspiration - la première goulée d'air qui emplit nos bronches à notre naissance. Se savoir parvenue aux rives d'un mystérieux continent liquide aux origines de toute vie.
Longer les bâtiments de l'usine Alpine, avec un léger emballement du cœur. Dans une vaste enceinte goudronnée, gardées sous clé derrière de hauts grillages, objet de convoitise, une dizaine de petites merveilles attendent leur adoption par des heureux du monde. Se garer sur le front de mer, le long des immenses pelouses, face aux tours du château qui monte la garde sur les étendues vertes. Elles sont en cette saison désertes d'enfants joueurs, de cerf-volistes et de promeneurs de chiens, alors que le printemps frémit à peine dans son cocon encore clos. Arpenter la Grande-Rue, s'adonner au traditionnel lèche-vitrines, avec l'omniprésence de l'Absente. Ma mère, qui ne cesse de se rappeler à moi. Acheter à la Torréfaction Dieppoise du thé et un whisky, légèrement tourbé et fumé, dont le nom gaélique imprononçable signifie "la petite dame des îles". Maman.
S'offrir chez le traiteur quelques gourmandises qui composeront un repas du soir festif. S'attabler dans l'antre chaud d'un café face au port, prendre un "express côtier" sur fond de musique "d'ambiance" insignifiante et braillarde - de quoi noyer les mots, de quoi faire fuir. Prendre des photos et faire quelques pas tout au bout du front de mer - là où la ville laisse place à l'âpre visage des falaises livré au vent et aux vagues. Se retourner et observer la fumée noire du ferry à quai qui s'étire vers le large dans des contorsions d'ophidien blessé. Là-bas, devant nous, un nouvel éboulement s'est produit. Les marées ont disséminé de gros blocs de craie sur les galets.
Et respirer, respirer autant avec les poumons qu'avec les yeux, aspirer cette lumière, aspirer ce bleu-vert laiteux qui vient doucement bouillonner sur l'étroite langue de sable, incertaine frontière. Il n'y a quasiment pas de vent. La prochaine fois nous prendrons les vélos, pour sentir, comme ivres, l'air marin se glisser sur nos faces, y dessiner d’invisibles tourbillons dans un chuchotis ou un sifflement, voix du vent, voix de la mer, rassurante, inquiétante - inintelligible. 
Ressourcement et nostalgie, oh, nostalgie.
Se dire qu'on reviendra. Bientôt. Chercher. Chercher toujours. Chercher jusqu'au nœud serré des origines ce qui m'attache ici. Chercher dans chaque pas, chercher dans les monotones ruminations des vagues une porte entrebâillée sur quelque miséricordieuse consolation.

Canteleu, le 6 mars 2019

mardi 12 février 2019

L'Amie prodigieuse



Si mon titre reprend celui d'une suite romanesque à succès, c'est un peu par paresse intellectuelle. Mais surtout parce qu'Armoise, la chatte, est une Amie. Et qu'elle est prodigieuse.
Rescapée d'un incendie, elle a été retenue quinze longs mois chez la dame à qui ma mère et moi l'avions confiée, en même temps qu'Arwen. L'été dernier, j'ai dû batailler pour la récupérer et finalement hausser sérieusement le ton, sourde aux vociférations de la dame en question qui, pour des raisons tout à fait farfelues, refusait de me la rendre. Mais je bénéficiais de la complicité de son gendre, habitué (et insensible !) aux caprices et bizarreries de sa belle-doche. Arwen avait rejoint le Paradis des Chats au cours de sa captivité, je l'appris ce jour-là - c'était le 1er août 2018. A peine le pied posé dans la pièce où vivaient une dizaine de chats privés de liberté, j'ai vu Armoise, "la Loutre". Perchée sur un meuble, elle me tournait le dos. J'avais si peur qu'elle m’ait oubliée après une si longue séparation. J'ai murmuré "Mon Armoise". Elle a émis un petit miaulis et m'a regardée. Armoise. J'ai pu la prendre dans mes bras et la serrer - pas trop fort, les chats n'appréciant pas outre-mesure les effusions débordantes -, l'embrasser, lui dire des mots tendres à l'oreille et répéter son nom. "Mon Amie Douce", "Ma Chérie Douce", "ma Tendresse" : autant de mantras qui participaient de notre relation quasi fusionnelle d'avant le cataclysme. Elle ronronnait. Elle paraissait en bonne santé - je la trouvais même un peu grossie. J'en pardonnais presque sa folle vindicte et ses cris de démente à la Thénardier abusivement rétentrice des chats d'autrui. J'avais retrouvé Armoise. Elle m'avait retrouvée. Patiente, et d'une bouleversante fidélité...
Je l'ai vivement embarquée dans son panier de transport.
Elle est revenue vivre avec moi, Fanchette et sa progéniture, Socrate et Xénon, nés en exil. Nous avons très vite - le temps d'une inspection circonspecte des lieux - renoué avec nos habitudes, même si bien des choses avaient changé...
J'ignore si elle a souffert de la séparation. Oui, sans doute, et sans doute autant que ma mère, qui n'était pas là pour l’accueillir, et moi...
Aujourd'hui Armoise est à moitié normande. (Moi je suis à moitié nomade 😉) Elle s'est approprié son nouveau domaine, à commencer par la maison. Après quelques frictions avec le maître de céans, Khéops le Noir, la paix semble rétablie. Lorsque j'ouvre la porte de mon bureau, je la trouve allongée à un mètre de là. Elle m'attend. Et j'ose enfin la laisser sortir pour des balades ou des explorations du territoire, un luxuriant jardin à flanc de coteau. Les premières fois je l'avais munie, la pauvre, d'un harnais attaché à une laisse. Las, la belle avait d'autres ambitions que ces courtes virées frustrantes. Ce qui devait arriver arriva : elle tira sur la laisse et se défit du harnais en un clin d’œil pour prendre ses pattes à son cou et disparaître dans la nature, au grand affolement de ses humains. Moi qui avais cru en l'harnais du salut... Trois-quarts d'heure après son évasion, Armoise est revenue. Satisfaite. A présent, elle m'accompagne lorsque je sors dans le jardin. Primesautière, mais tout odorat et tout ouïe. Et, où que je sois, elle accourt vers moi lorsque je m'accroupis et l'appelle doucement. On a tort de ne pas faire confiance aux chats. On a tort de ne pas faire confiance à un être qu'on aime et qui nous aime.
Son bonheur est le mien.
En Normandie, Armoise, la Loutre, l'Amie Douce et, oui, prodigieuse, après avoir subi, comme son frère et ses sœurs félins moins chanceux, les rigueurs et l'absurdité de l'exil forcé, a recouvré son indépendance et reconquis son statut de chat libre.

 
 Je t'observe...
 Une patte étendue, une pose de star...
 Le doigt blanc... 
                       

Dans "son" bureau normand
 

 La Redoutable...


Merci à A., l'Ami prodigieux...

lundi 15 octobre 2018

Une halte sur la route (la petite église qui nous intriguait)



C'est une église, ou une chapelle, qu'on aperçoit au loin depuis la route départementale 1029 - rang subalterne auquel on a ignominieusement relégué ma chère et légendaire Nationale 29 - qui mène en Normandie. La Normandie, on n'y est pas encore, elle se fait attendre, mais on s'en rapproche, et on sait qu'une fois passé le rond-point du Coq Gaulois, on ne tardera plus à franchir le panneau qui indique au conducteur qu'il arrive en Seine-Maritime. Ma mère et moi nous prenions toujours la main à ce moment-là, tout excitées, sûres d'avoir atteint notre Terre Promise...
J'étais donc sur "ma" route, hier. Seule, avec mes pensées pour me tenir compagnie. En cet automne qui prend des airs de fin d'été, dans une lumière chaude mais déjà déclinante, la chapelle est apparue là-bas, sur ma droite, isolée dans le vaste patchwork des prés et des champs, au cœur d'un bouquet d'arbres, signalée par son clocher revêtu d'ardoises dressé contre le bleu du ciel. Vision familière, réconfortante. Elle nous intriguait toujours, ma mère et moi, et nous nous étions maintes fois demandé comment on y accédait. Nulle voie n'y menait depuis notre RN 29. Et puis un jour, en rentrant chez nous, nous avons décidé, sur une impulsion, de faire le détour. Même pas de quoi se perdre dans la campagne. Deux coups de volant, et nous nous sommes retrouvées devant l'édifice de briques, enclos dans un minuscule cimetière. Là, à l'écart de tout village, enfin elle se révélait sans pour autant se dépouiller de son mystère. Les lieux respiraient la paix et le silence ; c'est à peine si nous parvenait la rumeur de la route, qui s'étire à quelques encâblures. Ils invitaient le voyageur, ils nous invitaient au recueillement. Une brève pause, et nous avions repris la direction du Nord.
Hier, comme aimantée, guidée par je ne sais quel appel, j'ai refait ce fameux détour, venant, cette fois, de ce Septentrion qui n'est plus vraiment chez moi, bien que sa terre ait nourri mes racines. Malgré la courte distance à parcourir, j'ai cette fois réussi à me paumer (la voie vicinale, à peine visible de l'axe principal, semble ne mener nulle part, sinon dans l'étendue presque infinie des labours tout frais). Je suis revenue sur mes pas pour enfin garer ma fidèle Petite Tine devant le portail du cimetière, après un demi-tour sur route qui n'a pas laissé d'intriguer une visiteuse des lieux, laquelle m'a longuement fixée d'un regard torve - peut-être tout simplement curieux. J'étais au milieu de nulle part, dans un espace comme oublié des hommes, entre point de départ et destination, dans cet entre-deux où il me semble parfois passer ma vie. Arrivée, peut-être, aux portes de l'éternité... Il y avait des arbres, un pâturage bien vert, et les rares bruits alentours n'étaient autres que ceux de la campagne. Je me sentais étrangement calme malgré la fatigue du trajet qui commençait à me gagner. Je suis descendue de voiture, j'ai fait quelque pas, j'ai contemplé la façade rouge de la petite église qui nous intriguait, levé les yeux vers le faîte du clocher, posé la main sur la poignée du portillon, sans l'ouvrir... La Petite Tine elle-même avait l'air heureuse de souffler. Le siège passager était vide... Après un dernier regard sur notre chapelle perdue, dont je ne sais toujours rien, ni à quel saint elle est dédiée, ni pourquoi elle fut bâtie en un point si retiré, j'ai repris le volant, résolument - non sans me promettre de revenir. Je n'étais pas rendue. Mais j'emportais en moi le calme de ce moment fugace, volé au temps assassin et à l'indifférence routière.

Merci, Maman.

A ma mère, Annie K., 20 avril 1937 - 2 février 2018

mercredi 26 novembre 2014

Apparition



C'est un samedi après-midi d'octobre. Je rentre de Normandie. Ma petite route m'est en partie interdite par une fort fâcheuse déviation. Je n'aime pas les retours. Je n'aime pas les déviations. J'aime longer l'Eaulne et prendre mon temps jusqu'à l'axe autrefois appelé Nationale 29 qui me mène droit ou presque vers chez moi. Mais pas moyen d'y couper. Je me retrouve sur des chemins inconnus, sur le plateau, à la lisière des pays de Caux et de Bray, dans une autre Normandie, où les matériaux de construction, l'habitat sont différents, plus sombres, plus austères qu'une poignée de kilomètres plus bas, dans la riante vallée de la petite rivière.
Je maudis la déviation qui m'impose cette cambrousse, ces bourgades tristes. Pressée de me sortir de là, je n'en conduis pas moins prudemment. A l'entrée d'un village, entre deux portions de haie, surgit soudain à ma droite un quad que je n'ai pas vu arriver. L'homme qui chevauche l'engin porte la combinaison verte des travailleurs agricoles. Son visage, que j'aperçois au vol, est saisissant : revêtu d'une expression béate, comme illuminée, il est fendu d'un sourire presque cruel qui découvre ses dents. Son œil droit est fermé. Ce détail frappant ajoute à l'impression de bizarrerie qu'il dégage. Il a l'air d'un dément. Il est effrayant. D'où sort-il ? Et moi, où suis-je tombée ? La peur, une peur panique, me prend.
Un instant je redoute le choc. Mais l'apparition pile au bord de la route, me cédant le passage de justesse. Cependant, je ne sais pourquoi, je doute que l'homme m'ait ne serait-ce qu'aperçue. Il semble évoluer dans un autre monde. Dans mon rétroviseur je le vois prendre la direction opposée et s'engouffrer un peu plus loin dans une autre pâture. Le personnage et sa monture disparaissent, happés par la campagne normande aussi vite qu'ils en ont jailli.
La scène n'a duré que quelques secondes. Elle me laisse un sentiment d'irréalité. Pourquoi cette peur, comme si je venais d'être confrontée à quelque événement surnaturel ?
Loin de tout, comme dans cette contrée que je connais mal, tout est possible. Ai-je franchi la frontière invisible d'un pays de sorciers, où les détenteurs de pouvoirs maléfiques, capables, au moyen de quelques gestes, quelques paroles, de sécher sur pied hommes, bêtes et récoltes, se livrent entre eux une lutte sans merci ?
Comme je m'éloigne du lieu de cette rencontre, je me remets tout doucement de ma frayeur. Mais je ne parviens pas à chasser de devant mes yeux l'image de cet individu déboulant à toute blinde sous mon nez, son rictus, sa paupière fermée. Je pense aux contes fantastiques de Maupassant. Le Horla en fait partie, mais ils comprennent aussi La Peur, cénacle d'amis - dont Tourgueniev - où chacun relate tour à tour une expérience angoissante qui l'espace d'un instant a réduit à néant ses repères et fait douter de sa raison. Le surnaturel ne l'était point, l'objet de la peur a trouvé une explication rationnelle, mais tout l'art de l’écrivain consiste à faire subsister, en filigrane, l'hésitation. A laisser une porte ouverte à l'inexplicable...
N'est-ce pas cela, l'"inquiétante étrangeté", qui par un détail fait basculer le quotidien le plus banal dans un univers où le rationnel n'a plus cours ?
Étrange et inquiétante, telle "mon" apparition... Elle était sans doute bien inoffensive - hormis par sa façon de conduire -, sans doute me suis-je "fait un film", le décor désolé aidant. Mais je me joindrais volontiers par l'esprit à Maupassant et ses illustres commensaux, un soir au coin de l'âtre, devant un bon repas, pour ajouter mon récit aux leurs...

mercredi 4 juillet 2012

Tour de France

 
J'ai passé l'après-midi bêtement scotchée à mon poste de télé pour suivre l'étape du jour du Tour de France. Non que le cyclisme me passionne. C'est pour la région traversée, qui m'est chère, que j'ai fait ce sacrifice. Bon, admirer de beaux jarrets musclés en action, ce n'est pas franchement désagréable. Mais ces falaises, blanc visage tourné vers la mer, ces merveilleux châteaux et manoirs qui parsèment le pays de Caux, ces abbayes, cette route du bord de Seine dont je connais chaque décimètre pour l'avoir longtemps empruntée ont fait de cette étape un long chapelet d'émotions.
Sans compter, à chaque côte, une pensée pour Mascaret, maillot du meilleur grimpeur 2010, qui aurait sans doute, une fois de plus, surclassé les champions les plus vaillants.
C'est vous dire si les larmes n'étaient pas loin...

A Bébert, maillot du meilleur grimpeur. Pour toujours.

jeudi 21 juin 2012

La fête à Arques


La silhouette tutélaire du donjon d'Arques veille sur le village depuis huit cents ans. Las, en huit siècles, la forteresse a souffert des méfaits et du temps et des hommes. Abandonnée à la fin du XVIIe siècle, elle servit de carrière au bénéfice de maisons et autres édifices de la région, autant de vexations infligées à sa stature orgueilleuse.
L'association "Sauvegardons le château d'Arques" s'attache à préserver le site de nouvelles dégradations et assure notamment des opérations de nettoyage. Pour la première fois, elle a organisé, le lundi de Pentecôte, "Les Médiév'Arques", une fête médiévale, pour traduire l'attachement du bourg à son château et sa riche histoire.
Je suis pour quarante-huit heures en Normandie. A peine un aller et retour. Et je décide d'aller à la fête. Direction : l'Avenue Verte !
Une ou deux photos d'ambiance... ça commence bien : la batterie du petit zap me lâche. Qu'importe, je ferai appel à ma mémoire, à mes impressions. Car j'ai apprécié ces moments que le soleil a bien voulu éclairer et réchauffer. C'est, vous l'imaginez, à souligner.
Non loin de l’étang qui marque l'orée de l'Avenue Verte, visiteurs petits et grands déambulent dans une atmosphère bon enfant, parmi hommes et femmes costumés. Le Moyen Âge, qui inspire les diverses animations, et l'univers de la fantasy s'entremêlent. Commerçants et artisans, venus de la région pour la plupart, déploient sur leurs éventaires mille merveilles comestibles ou non  : miel, bières, bijoux, poteries... L’association organisatrice est là, bien sûr, et ses bénévoles présentent leurs actions.
Les créations d'un potier retiennent mon attention : entre les cruches et les vinaigriers, ses mini-poteries me rappellent celles que l'on m'avait achetées, il y a bien longtemps, dans un bazar de La Feuillie. J'avais six ans. Le magasin n'existe plus. Les petits pots de grès, je les ai toujours. Un seul a terminé en morceaux. Ils sont alignés sur une étagère, avec leurs différentes formes, leur charge de souvenirs. J'aime leur couleur brune, leur fini brillant, leur toucher légèrement granuleux. Ces menus objets témoignent d'une rencontre marquante, fondatrice, avec la Normandie. Alors j'emporte, tout heureuse, quatre de ces charmantes miniatures.

Un peu plus loin, comment ne pas être séduite par cette bague-fée ? Elle gagne aussitôt mon annulaire et devient mon nouveau gri-gri.


Devant les stands, on se donne du "messire" et du "gente dame". On goûte hypocras et pain d'épices maison. C'est sympathique, détendu. Il fait beau. Si l'on veut trouver calme, ombre et fraîcheur, on se dirige vers l'étang. Là une oie et son jars s'occupent de leurs neuf oisons. Ils n'hésitent pas à charger les canards qui s'approchent un peu trop près de leur marmaille. Je les revois sur l'herbe. La baignade est finie. Ils montent la garde, et nul mouvement alentour ne semble leur échapper. On dirait les gorilles de quelque chef d'Etat. Je souris... et passe au large !
A l'opposé de l'étang, une partie du terrain accueille une fête foraine. Plaisir de se "paner" les doigts d'huile et de sucre en poudre en dégustant des churros tout chauds, ce qui ne m'était pas arrivé depuis bien longtemps.
C'est une fin d'après-midi ensoleillée. Les festivités se déroulent sous le regard du donjon. Peut-être la forteresse d'Arques se remémore-t-elle les fêtes passées, à l'abri de ses murailles puissantes, à l'époque de sa splendeur ?... Rien n'est immuable, semble-t-elle dire, pas même les plus fières édifications humaines. Rien n'est immuable, sauf les guerres que continuent de se livrer les hommes, avides, belliqueux et oublieux de l'histoire.
Le château mérite, en tout cas, la sollicitude que lui manifestent les bénévoles.
Espérons que le succès de cette manifestation incitera l'association à récidiver l'an prochain....

http://sauvegardonslechateaudarques.org/

Daniel Dussart
Potier céramiste
1, allée du Valasse
76170 Lillebonne
E-mail : daniel.dussart0730@orange.fr

Une très précieuse source : Guide Gallimard Seine-Maritime

mardi 11 octobre 2011

"Les déferlantes", de Claudie Gallay (vagues à l'âme)



L'enthousiasme de ma mère, la critique de Philippe l'année dernière. La mer, les chats, la Normandie. Autant de raisons de lire Les déferlantes. Autant de raisons de ne pas le lire : ces thèmes me sont trop chers, trop proches, pour ne pas me toucher. Aussi j'ai préféré l'évitement. C'est pourquoi le bouquin a mariné, si je puis dire, pendant des mois et des mois sur ma table de chevet.
Et puis un soir il y a eu le déclic. Le moment où je ne pouvais plus remettre sans cesse cette lecture. J'ai cédé aux appels du livre auxquels jusqu'alors je demeurais sourde. Je ne me l'explique pas. Ce devait être l'instant idéal pour la rencontre...

La narratrice, profondément meurtrie par la perte de son compagnon (amant ? mari ?) a accepté un poste sur une côte sauvage du Cotentin, non loin du Cap de la Hague. Elle observe et dénombre les oiseaux marins, les nids, les œufs. Elle a trouvé dans ce travail et dans ce lieu reculé un refuge contre sa douleur. Mais voici que débarque au village un « horsain », comme elle, qui sème les interrogations et ravive les souvenirs de chacun. Doucement vont se dénuder les rouages d’une tragédie vieille de quarante ans.
Le pays de la Hague se prête aux grandes passions, car sur cette terre fouettée par les vagues et les vents, on s'aima fort. Le silence a plus de poids que les mots. Se taire, on sait très bien faire. Se révèlent les haines macérées, les rancunes toujours vivaces et j’oserais dire nourricières. On développe aussi l'art de se pourrir la vie. En gâchant celle des autres.
Le récit progresse lentement, à petits coups de plume. C’est un rythme auquel il faut s’habituer. Pour conférer à son texte un vernis d'authenticité, l'auteur use d'un style parlé qui confine malgré tout au maniérisme. Cela m'a agacée. Car cela reste, finalement, assez conventionnel. Dommage pour cet effet « roman à la mode ». Cependant, Claudie Gallay a su ménager des silences entre les mots. Le lecteur n’est pas bousculé. Peu à peu, au fil de l’enquête que mène la narratrice, de rencontre en rencontre, la parole se libère, les vieux secrets se dessinent puis se débrument.
Avec la narratrice dont nous ne saurons pas le nom, nous côtoyons des personnages attachants : Raphaël le sculpteur tourmenté, sa sœur Morgane à qui l’unit un lien fusionnel, Max le lunaire qui aime Morgane d’un amour impossible, Lili la patronne du bistrot et sa mère à demi impotente, ravagée de haine, la vieille Nan, un peu cinglée, frappée de trop de deuils, qui s’occupa jadis d’un foyer d’enfants abandonnés, Théo, l’ancien gardien du phare, qui vit entouré de chats et porte une terrible responsabilité sur la conscience. Le phare, n'est-ce pas la métaphore de ce qui nous éclaire, nous attire, avec cependant une double et redoutable finalité : nous sauver ou nous détruire ? Nous croisons aussi Monsieur Anselme, l’érudit local, héraut du souvenir de Prévert qui vécut non loin de là, à Omonville-la-Petite. Mot après mot, les protagonistes dévoilent leur histoire au contact de la narratrice, que son apparente neutralité met en position de recueillir les confidences.
Et puis il y a les paysages façonnés par l’âpreté des éléments et les vieilles maisons qui semblent vivre leur vie propre et abritent peut-être des fantômes, si ce n'est des goublins ou des fées…
Roman de l’attente, roman du deuil, roman de la mer surtout, Les déferlantes m’a fait ressentir l’envoûtement de ce coin de Normandie dont on ne sait plus très bien s’il est terre ou eau. La mer y est un personnage parmi les autres. Entité puissante et mystérieuse, omniprésente qui prend - les vies, les hommes - mais ne rend pas toujours. Elle rythme le temps et conditionne les existences. Je ne peux que saluer le talent d’observatrice de l’auteur, qui a su en transcrire les humeurs et les nuances. Elle s’est manifestement immergée dans cet univers. Roman du temps qui passe, aussi : celui qui enfouit les drames mais ne les efface pas. Celui qu’il faut à la narratrice pour se réparer, se reconstruire, retrouver la sérénité. Car la paix - si tant est qu’on puisse la trouver - et la vérité sont au bout du chemin…

Une question reste à la fin de cette lecture : comment peut-on vivre loin de la mer ?…

Ce roman-là a toute sa place dans ma Chambre Normande. 

J’attends maintenant qu’on me propose de compter les goélands sur la Côte d’Albâtre.

Les déferlantes est publié chez J'ai Lu. 

Illustration : Le phare, huile de Claudine Douville.

mardi 23 novembre 2010

Gunnar Staalesen, l'œuvre au Nord


Médiathèque Guy de Maupassant d'Yvetot, 15 heures. Dans le cadre du festival les Boréales, qui célèbre les cultures et la création nordiques, le romancier norvégien Gunnar Staalesen vient à la rencontre de ses lecteurs. C'est l'émotion et l'excitation. Je suis aussi intimidée !
Si les livres sont des choses bien concrètes, les écrivains sont toujours un peu abstraits. On connaît leur nom, parfois leur visage... what else ? On n'a pas souvent l'occasion de les rencontrer. On ne vit pas sur la même planète. Alors on se demande s'ils existent vraiment, si les bouquins ne sont pas nés comme ça, ex nihilo, s'il y a bien quelque démiurge derrière, à l'origine du monde que l'on tient entre les mains, de ces pages couvertes de petits signes d'où s'envole et s'ordonne tout un univers. Et puis, à supposer qu'ils existent, on ne sait pas sur quel genre de personne on va tomber. C'est pourquoi une rencontre avec un auteur présente toujours un caractère d'irréalité.
Aujourd'hui Gunnar Staalesen est là, devant son public. Il est accompagné de Mme Staalesen, de son traducteur, Alex Fouillet, et d'un organisateur du festival. Nous attendons sagement, dans la confortable salle de conférence de la médiathèque.
J'ai découvert ses polars il y a plus de quatre ans. La littérature policière scandinave faisait alors une percée sur les rayonnages des librairies et on connaît le succès qu'elle a aujourd'hui. Mais ce sont ces livres-là qui ont attiré mon attention et que j'ai emportés chez moi. La Norvège. Garance, la Fée. Il est possible qu'elle ait guidé mes choix de lecture (oui, un chat, je sais !). La nuit, tous les loups sont gris, La belle dormit cent ans, Ange déchus... autant d'œuvres qui m'ont entraînée au cœur de la ville de Bergen, sur son port, dans le dédale de ses petites rues. Mon guide : Varg Veum, que j'ai suivi au fil de ses enquêtes.
Gunnar Staalesen prend la parole. Il se présente avec un texte saupoudré d'humour et de malice, dans un français rythmé par un accent venu de loin. L'audience est tout ouïe. Des sourires fleurissent brièvement sur les visages. Né en 1947 à Bergen, où il réside toujours, il est venu à la littérature policière en 1975. Il crée alors le héros que l'on retrouvera dans tous ses polars, Varg Veum, ancien assistant social reconverti en détective privé. Le nom de Varg, issu du vieux norrois, signifie "loup". Et Varg Veum, c'est celui qui est destiné à ne jamais trouver la paix. L'auteur évoque Hammett, Chandler, les fondateurs du roman noir, les modèles. Il raconte : lorsque ses premiers ouvrages parurent en France, les éditions Gaïa proposèrent ce slogan : "Des polars au pays des ours blancs". Pourquoi pas ? Mais "en Norvège, les détectives privés ne sont pas beaucoup plus nombreux que les ours blancs" ajoute l'écrivain dans un clin d'œil. Au fil de ses propos se précise la silhouette de son héros, comme projetée en trois dimensions. Vivante. Varg est cependant différent de Gunnar ; ce n'est pas son double littéraire. Mais, comme l'exprime joliment l'auteur, "c'est un très bon ami".

 Face à ses lecteurs...

Nous sommes dans les années 80. Varg, le marginal, le solitaire, évolue dans une société norvégienne malmenée, en perte de repères. La richesse soudaine née de la manne pétrolière, au début des années 70, n'a pas bénéficié équitablement à tous les citoyens. Frustrations, hypocrisie, mensonge, violence, addictions destructrices se révèlent sous le vernis d'un modèle social qui s'est trop longtemps voulu "idéal". La belle façade n'a pas résisté et Gunnar/Varg en explore les failles et leurs corollaires, les effets dévastateurs sur les êtres fragilisés, défavorisés, à la dérive - de façon visible ou non. Plongée en apnée dans la noirceur de ce monde. Il se penche sur cette humanité avec lucidité et compassion tout en dénouant les fils d'énigmes qui le confrontent souvent à la violence... à ses propres dépens. Mais le détective, astucieux et doté d'une langue bien pendue, se tire en général sans trop de dommages de situations épineuses... Ses méthodes sont peu conventionnelles mais efficaces, ce qui lui vaut quelques démêlés avec la police "officielle". Il s'offre parfois le réconfort fugace de l'aquavit (la bouteille est dans le tiroir de son bureau), mais pour renouer très vite avec la réalité... Et, surtout, les vicissitudes n'entament pas l'amour de la justice qui l'anime.
Ajoutons que Varg est un des très rares héros de la littérature policière à posséder sa statue, ce qui fait de lui une idole, un personnage du patrimoine norvégien mais aussi une figure du domaine policier mondial  ! Posté au pied de l'immeuble qui abrite son agence, bras croisés, il attend dans la nuit berguenoise...
Gunnar Staalesen ne se contente pas de briller dans le genre policier : il évoque un autre pan de son œuvre, Le roman de Bergen, une somme littéraire, publiée chez nous en six tomes, où s'entrecroisent les destins de familles berguenoises tout au long du 20e siècle. Bergen est toujours là, elle est moins un arrière-plan  qu'un personnage à part entière. L'écrivain se pose en témoin de l'évolution de sa ville et des hommes qui y vivent, aiment, souffrent, meurent. Il cite un auteur norvégien dont je n'ai pas retenu le nom : "Le monde change, tout change, mais le cœur humain reste le même".
Le romancier se livre volontiers au jeu des questions-réponses avec beaucoup d'à-propos et, toujours, d'humour. Mes craintes se sont dissipées : c'est un homme simple, accessible, attentif, proche de ses lecteurs. Il ne joue pas les stars. Public et invités sont ensuite conviés à prendre le verre de l'amitié (pas d'aquavit, malheureusement mais... du cidre !) et l'échange se poursuit, direct et chaleureux. Skål ! Simultanément, traditionnelle séance de dédicace, avec le sourire !

Concentré...

Alex Fouillet se révèle lui aussi très abordable. Il réalise un travail de traduction remarquable et n'hésite pas à "démythifier" son métier, à la fois plaisir et passion pour la littérature. Il est le passeur qui fait franchir aux livres la frontière des langues pour nous les rendre accessibles. A ce titre il mérite notre admiration !

Alex Fouillet, un traducteur en Nord...

L'heure est venue de se séparer. Un grand moment, une belle rencontre marquée par l'humanité et la simplicité de l'auteur. J'en oublie les deux cent cinquante kilomètres que j'ai derrière moi....
Pendant ces instants si riches trop vite enfuis, la Norvège était là, à portée de main. J'ai ressenti son appel. Un jour j'irai à Bergen, je parcourrai, sur les traces de Varg Veum,  les quais de Bryggen et les rues bordées de maisons de bois, les rives de son fjord, contemplerai les sommets qui l'enchâssent et rêverai face au large...

C'est que les vents tombant des grands monts de Norwège
T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté.


Garance a franchi la porte du Royaume des Fées, mais ses pouvoirs magiques sont toujours à l'œuvre.



Les romans de Gunnar Staalesen sont publiés chez Gaïa. Ses polars sont également disponibles chez Seuil Policier.

Un grand merci au personnel de la médiathèque d'Yvetot pour son accueil !

mercredi 20 octobre 2010

Essences rares (pompes et circonstances)

Dans les stations-service, le fond des cuves est plus sec que le désert d'Atacama ou qu'un cœur de PDG.  On est prêt à payer le sans plomb à prix d'or. Il ne sert à rien de supplier le pompiste pour obtenir quelques gouttes de carburant ; d'ailleurs il n'y a plus de pompistes, à croire qu'ils ont tous été enlevés dans des soucoupes volantes par des petits hommes gris (les témoignages concordent : les extraterrestres kidnappeurs sont GRIS). A ce propos j'espère pour leurs occupants que les soucoupes volantes avaient leur réservoir plein avant de venir en France : on ne sait jamais.

Boris, un homme gris venu de l'espace ?

Corollaire de la situation : je n'irai pas en Normandie cette semaine. Je resterais bloquée à mi-route (bon, je ne suis pas contre une halte prolongée dans la Somme, mais enfin) ou, si je parvenais à destination, je ne pourrais pas rentrer. Bloquée à Dieppe ou à Rouen. Un petit séjour était dans l'air pourtant. J'en ai besoin. J'étais bien décidée. Ah, faire un petit coucou à Maman Mule, dîner au Comptoir à Huîtres... Et puis la pénurie galopante est venue s'opposer à moi.

Dieppe : un mirage ?

Les désirs contrariés sont bien vexants.
J'ai toujours de bonnes raisons de partir et de bonnes raisons de ne pas partir. De mauvaises raisons, surtout aussi. Quand elles ne sont pas externes et, dirons-nous, indépendantes de ma volonté, je suis prisonnière de mes hésitations, de mes entraves. La Normandie est là, lointaine et proche, désirée et tellement idéalisée... C'est, à chaque fois, un rendez-vous d'amour, et à l'excitation se mêle la crainte d'être déçue.

 Une envie d'Azur normand...

Ma terre d'élection me manque. Je dois prendre mon mal en patience, attendre que le fluide vital coule à nouveau sans restriction des pompes. Car les deux cents kilomètres et quelques qui me séparent d'une chambre normande sont infranchissables pour le moment. Tel est le résultat de la pétrolo-dépendance. Dès le déblocage, plus d'atermoiements ! Promis !
Finalement la meilleure des choses est de partir sans raisons. Mais avec un peu d'essence dans sa voiture tout de même...

vendredi 9 juillet 2010

Le temps des cerises

Cooper, le nouveau venu chez les Lefèbvre

Passée l'arrosage la distribution traditionnelle de Neufchâtel, que reste-t-il de ce séjour en Normandie ? Des émotions. Une chaleur "torrentielle", comme dirait l'autre, difficilement supportable, les premiers jours. Les étals des producteurs de fruits sur les bords de Seine et une causette avec une marchande de cerises qui m'offre deux pots de confiture maison ! Dans les vergers les cerisiers ploient sous le poids des fruits. "C'est une année à noyaux", me dit la dame. Autrement dit, il y aura abondance de prunes en août... A bon entendeur...
Et puis le passage des bateaux, petits et gros, qui semblent plus ou moins lents ou rapides selon l'angle d'observation. Je peux dire que dans ce domaine, j'ai été gâtée. Il est passé durant mon séjour à Duclair plusieurs monstres imposants, majestueux, impavides. Rien ne semble pouvoir les arrêter. Ils me fascinent toujours, décidés, si éloignés de nos vicissitudes humaines...
Je n'oublie pas de ramasser du bois flotté sur les rives de la Seine. Il faut pour cela enjamber le parapet qui longe la levée et marcher prudemment sur des galets instables, ce n'est plus de mon âge, je sais, mais que je ne ferais-je pas pour mes chats ? Ils apprécient en effet ce style de griffoirs, parfaitement écologiques et exemple même du recyclage ! J'aime l'idée qu'ils viennent de loin, du bout du monde peut-être, et ont beaucoup bourlingué au fil de la mer et du fleuve. Ils racontent une histoire. Les morceaux de bois flotté, bien sûr, pas les chats...

En voilà un qui n'hésite pas à exercer son droit d'Ernest !

On ne risque pas - en principe - d'être recalé à ce bac-là...

Le bois veut bien révéler son âge... une fois coupé !

C'est la cerise qui fait déborder l'eau !

Paco, maman à seize ans !


Cooper, six semaines, a beaucoup apprécié l'étui de mon zap...

Le séjour se termine par une escale de vingt-quatre heures à Rouen. La canicule a cédé la place à une fraîcheur bienvenue. Bonheur de retrouver une chambre normande familière et de fouler les rues de la ville. Je sacrifie au rituel des soldes. Bon, je le reconnais, la peine n'est pas bien rigoureuse. Une courte exploration du Printemps, premier étage. Quelques sacs me font de l'œil mais je résiste. J'ai une idée en tête. Mes pas me portent vers la boutique Saoya, rue des Carmes, un de mes fournisseurs attitrés en bijoux. J'aime beaucoup la délicatesse et le raffinement de leurs créations, d'inspiration botanique. La boutique est jolie, le décor méditerranéen. On pratique des remises intéressantes et j'en profite. Je choisis une paire de boucles d'oreilles pour ma mère et, charité bien ordonnée commençant par soi-même, une pour moi, avec la satisfaction de faire une bonne affaire !

 La boucle est bouclée...

Le soir, dîner au son des cloches de la cathédrale au "P'tit Paul", une annexe de la brasserie Paul. La "planche" Paul et Virginie est délicieuse : c'est un assortiment de fromages régionaux et de charcuteries. L'accompagnement est au choix : j'opte pour la caponata. La soirée se termine par un café au "Big".
Rouen, le soir. L'été. La nuit n'est pas encore tombée. La ville est animée. Je rentre demain. La circulation sera moins dense qu'aujourd'hui, jour de départs en vacances. Il ne fera pas trop chaud. Mais c'est le retour. Je laisse un sillage de regrets. Quand, la prochaine fois ?

Saoya 
25, Rue des Carmes
76000 Rouen 
02 35 36 22 22


Le P'tit Paul
5, place de la Cathédrale
76000 Rouen

02 35 07 11 68