Un 15 juin, Garance se matérialisait dans l'atelier de Victor, le menuisier, sis à un jet de pierre de chez moi. C'est du moins la version de Victor. Celui-ci ne trouva rien de mieux à faire que de saisir ce chat inconnu et de m'en gratifier séance tenante. Il était neuf heures du matin et je prenais tranquillement mon petit déj', quand il sonna à ma porte, sa trouvaille dans les bras, déterminé à me la refiler. Je ne savais pas encore que j'étais à un aiguillage de ma vie. Que le nez de Garance - provisoirement baptisée Okoumé - allait changer la face du monde.
Car Garance était une Fée. Une authentique Fée norvégienne, venue de contrées enneigées, d'épaisses forêts de conifères, munie de sa puissante magie. Comment avait-elle abouti dans l'atelier de menuiserie, cela reste un mystère. Avait-elle voyagé sur un train de bois flotté ou sur le dos d'une oie sauvage, cramponnée au cou du volatile ? Nous ne le saurons jamais. En quelques semaines, elle m'a envoûtée, réduite en esclavage. Et inspiré un amour qui survit à sa disparition, bien trop précoce. Elle aura passé six ans moins cinq jours à mes côtés. Elle n'avait pas sept ans quand le Grand Maître des Fées l'a rappelée au Royaume des Esprits. C'était le 10 juin 2008.
Elle a laissé un Arbre aux Fées, le rosier où elle aimait à se jucher, et une Source aux Fées, la coupelle où elle se désaltérait (alimentée à l'eau en bouteille, s'il vous plaît !) et où s'abreuvent maintenant tous mes chats.
C'était un 15 juin, il y dix ans. Je la revois arriver, un peu déroutée, regardant tout autour d'elle et ronronnant pour se rassurer, dans les bras du menuisier. Je me tenais sur le seuil. Je l'ai prise à mon tour dans mes bras. Elle était chez elle.
Son empreinte est toujours vivace. Mais elle me manque, cette présente-absente.