Affichage des articles dont le libellé est hommage. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est hommage. Afficher tous les articles

lundi 15 août 2016

Le dernier des Mohicans - Bosco est parti


Bosco, le beau Bosco, "le Boss", s'est en allé. Au sens propre comme au sens figuré, par un euphémisme couramment employé pour signifier la mort.
Dernier rejeton de la prolifique Andelle, il était aussi le dernier chat né à la maison. Je le surnommais "le dernier des Mohicans"...
Il était souffrant, ne mangeait plus, buvait à peine... Quelques jours avant son "départ", je l'avais conduit chez le vétérinaire, son associée, plutôt, qui l'avait "soigné" pour une infection buccale alors que le chat présentait tous les signes d'une crise d'urémie - je les connais malheureusement bien. Elle n'avait même pas remarqué son extrême déshydratation, et c'est moi qui le lui ai signalé ! Certes, il est moins facile d'être véto que toubib pour humains, mais je suppose que les vétérinaires sont formés à détecter les symptômes en l'absence de plainte verbale du "patient". La redoutable insuffisance rénale féline... L'antibiotique n'a eu aucun effet. Bosco s’est affaibli, a décliné en deux ou trois jours. Il était prévu de retourner chez le véto pour lui éviter une douloureuse agonie, mais le "Boss" en a décidé autrement. Mardi matin, il est parti. Il a disparu dans les vertes profondeurs du jardin qu'il aimait. Il n'a pas réapparu. L'état dans lequel nous l'avions vu ne laisse aucun doute sur ce qui a pu advenir par la suite. N'a-t-il pas eu la force de rentrer d'une ultime patrouille sur son territoire, ou a-t-il choisi de s'endormir là où il le voulait - paisiblement, je l'espère du fond du cœur ?
Nous ne le saurons pas.
Il nous a refusé l'au revoir, les derniers câlins, les larmes -  à de rares exceptions près ils détestent les pleurs. Ils ont peur de nos grimaces et fuient nos sanglots.
Les chats sont d'une grande pudeur et d'une grande dignité dans la souffrance.
Il voulait, je crois, qu'on lui foute la paix.
Quand un chat meurt, restent les photos, dont on se repaît pendant des jours, des semaines, pour y retrouver sa beauté, ses expressions, sa présence, pour dans leur contemplation abolir le temps et, ce moment passé, se cogner à notre chagrin et mesurer notre perte. Les photos ignorent, ou effacent, la différence entre la mort et la vie. Nos amis défunts nous y fixent du regard que nous leur avons toujours connu : candide et mystérieux, porte ouverte sur d'insondables galaxies, miroir où notre reflet se perd.
Alors je retrouve dans ces images sa belle et noble tête, sur le front le motif du scarabée qui "signe" la robe des tabbys. Fier batailleur, il eût mérité des funérailles vikings, tel Einar/Kirk Douglas dans le fameux film. Dominant et dominateur, il était une terreur pour ses frères adoptifs comme pour les rivaux potentiels qui se risquaient dans son domaine. Combien de fois ai-je dû mettre un terme à un violent corps-à-corps, tous crocs et griffes dehors, en jetant sur les belligérants ce qui me tombait sous la main, plaid ou robe de chambre ? Dans cette obscurité soudaine le combat stoppait net. J'attrapais alors Bosco "emballé" dans l'étoffe tel un vulgaire paquet pour le déposer hors de la vue de son adversaire. Qui prenait généralement le large...
Restent, aussi, les souvenirs. Il était un vieux compagnon, non par l'âge (il aurait eu neuf ans le 5 septembre) mais par le temps passé à mon foyer. Je l'avais vu grandir. Il m'accompagnait à la cave pour explorer les lieux et humer, narines palpitantes, les vieux trucs qui s'y entassent (et parfois les arroser abondamment pour s'en décréter propriétaire). Un royaume olfactif inépuisable pour la curiosité tout aussi inépuisable d'un chat ! Je prenais garde à le ramener "à la surface" pour qu'il ne s'échappe pas par le soupirail, comme autrefois Mouna. Que je retrouvai, dix jours plus tard, prisonnière de la chaufferie d'un bâtiment voisin, maigre, affamée, enrhumée, mais vivante... Un vétérinaire la sauva alors que nous la croyions perdue...
Impitoyable avec ses ennemis, Bosco se montrait tendre, aimant, câlin avec ses humaines. Un petit coup de tête sur le dos de la main pour signifier son amour et appeler la caresse... Il était souvent le premier de mes pensionnaires à nous accueillir lorsque nous rentrions de Normandie. Il nous attendait... Il aimait dormir dans ma chambre-bureau, au sommet de la garde-robe, sur le vieux canapé ou blotti contre moi en hiver (ou couché sur mes pieds, le grand luxe !). Il appréciait la voie des airs pour ses déplacements et avait l'habitude de rentrer par la fenêtre du premier étage : planté sur le rebord extérieur, il me fixait intensément. Le message était clair. La plupart du temps je lui ouvrais mais, parfois, occupée ou trop flemmarde, je ne bougeais pas et, après avoir attendu un peu, "Bosquinho" s'en allait et regagnait la maison par la chatière, au rez-de-chaussée...
Aujourd'hui qu'il nous manque, je regrette de ne pas lui avoir à chaque fois, dans mon égoïsme, ouvert la fenêtre. De ne pas lui avoir témoigné plus d'affection.
Les choses sont ainsi et on ne reviendra pas sur elles, on ne rattrapera pas ses manquements, réels ou imaginés...
Reste, enfin, le vide... On croit apercevoir une ombre, sentir un mouvement de l'air... On tourne doucement la tête. Il n'y a rien, rien d'autre qu'une aberration des sens, dupés par le prisme de la mémoire... Et si, pourtant...
"Bosco du Négresco", "Bosco de l'Unesco" - c'étaient quelques-uns de ses surnoms - s'est endormi dans un lieu secret, là où sa volonté, ou son restant de forces, l'ont porté. Sa fin restera entourée de mystère. Nul ne sait où il repose et le deuil en sera peut-être plus difficile, comme pour les marins disparus en mer. Le terme "bosco", après tout, désigne, sur un bateau, le maître d'équipage (dans la marine marchande) ou le maître de manœuvres (dans la Marine Nationale)... Avec lui s'éloigne un nouveau pan de ma vie. Avec lui s'éteint la lignée d'Andelle, ses frères, sœurs, neveux et nièces n'étant plus de ce monde. Andelle, dont il tenait sa beauté et que je comparais souvent à Médée, reine et sorcière... Mais qui sait si notre beau félin, grand séducteur, n'a pas fait souche dans les parages ?...
Repose en paix, magnifique Bosco, toi qui fus un Roi parmi les chats, toi que nous aimions.

Bosco, 5 septembre 2007 - 9 août 2016





jeudi 10 juin 2010

Toi que j'aimais tant

Garance. Deux ans déjà...






dimanche 7 février 2010

Nacelle, ma belle...


"Chatte tigrée rousse" : c'est ce que le vétérinaire inscrivit sur ton carnet de vaccination, quelques jours après ton arrivée, dans quel état ! Sauvée de la rue après avoir été battue...
Pelure...
Compagne de treize années et demie... Le temps passe vite pour les chats et les humains... 
Grosse Nana...
Vive, aimante et gourmande...
Mon "chat d'écrivain"...
Des yeux insondables fermés à jamais sur leur mystère...
Ma Nana, ma Nanon...

Nacelle, juin 1996 - 30 janvier 2010

vendredi 4 décembre 2009

Au revoir, Taïga...



Ma chatte Taïga a été euthanasiée aujourd'hui aux environs de 18 heures. Voici quelques mois, elle avait été suturée pour une affreuse lésion au cou qui faisait suite à un abcès. L'opération avait réussi. Elle avait bien cicatrisé. Tout semblait bien se passer. En début de semaine pourtant, nouvelle plaie infectée qui lui laisse les chairs à vif... Il va falloir la conduire chez le vet. Je ne suis pas très optimiste... De fait, il n'y a rien à faire. Une nouvelle opération est risquée, voire impossible. Taïga encourt la septicémie. Ce sera alors bien pire. Reste à prendre "la" décision. Celle qui lui évitera les souffrances.
Ma mère et moi avons accompagné ses derniers instants. Taïga est partie avec des traces de rouge à lèvres sur le nez...
"Tataï" avait quatorze ans et demi. Elle était mon dernier lien avec Muscade, son père, le Roi des Chats, emporté par une insuffisance rénale à l'âge de cinq ans. Elle n'avait plus de descendance. C'était une maîtresse-chatte, une brave : lors d'un combat entre deux matous, elle n'hésitait pas à remettre ces énergumènes à leur place et défendait le plus faible. Les antagonistes prenaient le large sans demander leur reste. Elle se montrait aussi très maternelle - et possessive ! - avec tous les chatons, même s'ils n'étaient pas les siens !
De par son âge, de par ses origines, elle était un personnage historique. Petite chatte, forte présence. Elle est restée vaillante jusqu'à la fin. 
Le retour avec le panier vide, on ne s'y fait jamais...
En rentrant je l'ai cherchée, j'ai cherché sa présence. Elle avait sa place au salon, sur le dossier d'un fauteuil. Manquait sa petite silhouette sombre. J'ai cru la distinguer dans la pénombre pourtant. Je la "verrai" encore longtemps.
Une époque se termine...

Aimer les chats, c'est se condamner à en enterrer toute sa vie.
Alexandre Vialatte.

vendredi 6 novembre 2009

Un Auvergnat (volant)



Avril 1989. Le vol Nice - Roissy-Charles de Gaulle est bien secoué. Tous les génies des airs semblent s'acharner sur la malheureuse carlingue, tantôt projetée aux cieux, tantôt précipitée vers les abîmes. Du moins est-ce ce que je m'imagine. Collée contre le hublot, peu habituée à l'avion, tétanisée, je m'attends à ce qu'un gros pépin arrive. Mon voisin ne se démonte pas, il reste imperturbable dans la tourmente. J'admire son flegme. C'est un monsieur distingué à fine moustache et cheveux blancs qui peut avoir la soixantaine. Il engage la conversation. Peut-être a-t-il perçu ma peur, mon inquiétude. C'est un pilote retraité d'UTA. A son actif, trente années de vol sous les couleurs de cette compagnie.  D'où le calme olympien, le détachement, même. Je n'aurais pu mieux tomber. C'est un homme charmant. Il me parle avec gentillesse. Il ne se moque pas de moi. Il me rassure, sans m'infantiliser. Il m'apprend des choses intéressantes sur l'aéronautique. Par exemple que les structures métalliques situées en bordure des pistes servent à dégivrer les pare-brise des avions. Je ne le savais pas. Je m'accroche à ses paroles comme autant d'informations vitales. Le temps passe, j'oublie ma trouille et la zone de turbulences s'éloigne. L'appareil se pose à Roissy. Le voyage a été, en fin de compte, trop court...
Je remercie mon voisin. Je me suis enrichie à son contact, si bref ait-il été. Je déborde de gratitude. Puis nos chemins se séparent.
J'aime me trouver près de gens de savoir. J'ai eu la chance de tomber, non seulement sur un pilote aguerri, mais sur un sage. C'est l'espèce la plus rare. C'est pourquoi ça n'arrive pas tous les jours.
Faut-il prendre l'avion plus souvent ?
De cette histoire je conclus qu'il faut toujours avoir un ancien pilote d'UTA (ou d'une autre compagnie) sous la main. Pour vous guider, pas seulement dans les aléas de l'espace aérien, mais en toutes circonstances, dans les turbulences de la vie. Quelqu'un à qui passer le manche quand les éléments s'agitent vraiment trop autour de vous. Mais les Auvergnats, surtout volants, sont rares. Ils préfèrent leurs volcans, leurs lacs, leurs sources thermales et leurs brebis. On s'en trouve réduit à tâcher de garder le cap soi-même, à compter sur ses propres instruments de navigation. On fait ce qu'on peut.
On croise parfois un ange...
Merci, Monsieur...

Photo : Philippe Noret - AirTeamimages
Union des Transports Aériens - Boeing 747 F-GEXB

jeudi 29 octobre 2009

Une Auvergnate



Je vous avais promis de vous parler de mes Auvergnats. Auvergnats métaphoriques, bien sûr, ceux de la fameuse chanson de Brassens. Leurs filles et fils spirituels. Ceux qui allument un petit feu en vous, ou raniment une flamme éteinte. Ils consolent, réconfortent, apaisent les souffrances physiques et morales. D'un regard, d'un geste, d'une parole,  ils vous éclairent quand tout est sombre. Ils balaient vos doutes au sujet de l'humanité. Ce sont des femmes et des hommes providentiels. On se demande si on les a mérités.
Il sera question d'une Auvergnate normande, ou du moins rencontrée en Normandie.
Janvier 2002. J'ai décroché un poste dans un organisme à vocation sociale à Rouen. Au bout d'une semaine, je suis devenue la femme à abattre. Pourquoi ? Je n'en sais rien. Je me sens - ou on me fait sentir - de moins en moins à ma place. Je rame, je n'ai - on ne me donne - aucun point de repère.  Février. Ma période d'essai tire à sa fin et des remarques me laissent entendre qu'elle ne sera pas prolongée, tout en me maintenant dans l'incertitude. Mon rêve s'effondre. Je vais devoir quitter la Normandie...
Lundi matin, au retour d'un week-end chez moi. Je sais ce qui m'attend. Visite à la médecine du travail avant de reprendre le boulot. Je ne me fais pas d'illusions. On veut me virer, alors à quoi bon me plier à ce simulacre ?
Formalités auprès de l'infirmière. Le médecin, une femme, me reçoit dans son bureau. La cinquantaine, cheveux blond foncé courts. Je lui expose ma situation, mes angoisses. Elle m'écoute avec une attention extrême. Son regard est intense, pénétrant. Elle me cerne, je crois, très vite. "Ce travail ne vous convient pas", me dit-elle. Nous parlons, peut-être m'a-t-elle examinée, je ne m'en souviens pas. Je ne m'attendais pas à un échange aussi simple, aussi évident. Ça fait du bien. Je retiens un conseil : "Surtout, n'arrêtez pas de fumer maintenant, ce n'est pas le moment !". Je prends de la distance avec ce travail, cette atmosphère délétère surtout, qui ne vise qu'à me faire vaciller. Les cons, c'est eux, pas moi.
Il s'est passé quelque chose. Cette femme m'a insufflé un peu de force. Elle m'a comprise, a cru en moi.
Le soir je suis proprement éjectée, comme je le savais, sur des motifs dérisoires. Je ne suis pas dupe. Je pense à ma rencontre du matin, à cette femme extraordinaire, et la violence de ce moment - car c'est bien de violence qu'il s'agit - glisse et m'atteint moins qu'elle n'aurait dû.
Je m'étais promis d'écrire à ce médecin, et puis... Je me serais sentie ridicule...
Des Auvergnats il y en a d'autres. Oui, oui, je vous en parlerai. Je le leur dois. Ce sont des sauveurs. Pour employer une expression à la mode, c'est mon devoir de mémoire. Mais plus qu'un devoir, c'est un besoin.
Mes Auvergnats sont au-delà de la gratitude. Je ne les oublierai jamais.

vendredi 24 avril 2009

Scribe le scribe, Scribe le chat

Dix jours que "c"'est arrivé, et je trouve seulement l'ombre d'une pincée d'once de courage pour en parler. Longtemps la douleur et l'évocation du drame m'ont inhibée, tétanisée.
Mon chat Scribe a été tué par une voiture, à trois mètres de chez moi, le 14 avril peu avant 18 heures.
Quand je suis arrivée, c'était fini.
Deux dames admirables et une jeune fille m'ont aidée. Elles ont assisté à ses derniers instants, du moins je l'imagine. Elles l'ont caressé. Plantées au milieu de la rue, elles ont empêché les voitures de commettre plus de dégâts. Elles ont relevé le corps, l'ont mis - l'horreur - dans un sac. Une dernière caresse sur ton doux pelage tiède, Scribe... Et elles ont essayé de nous réconforter, ma mère et moi. Il n'y avait rien d'autre à faire. Mais elles étaient là. Ce sont mes "Auvergnates", comme l'Auvergnat de Brassens. Je vous parlerai un jour de mes Auvergnats.
Au chagrin s'ajoute l'horreur de cette fin, qui devrait faire honte au chauffard.
Scribe était chez moi depuis cinq ans. C'était un enfant des rues - quoique j'ignore tout, finalement, de ses origines et de son histoire. Très sociable et vadrouilleur, il était connu comme le loup blanc dans mon quartier. Les passants le caressaient. Je l'appelai le "psy-chat", le guérisseur. Chaque jour, en semaine, il se rendait à l'hôpital de jour voisin. Je ne le voyais que le soir (et encore !) et les week-ends ! Les patients et les soignants l'avaient adopté. Ils lui parlaient, le câlinaient, le nourrissaient. Scribe était là "le chef". Il faisait le bien (sauf peut-être auprès de ses congénères !), comme investi d'une mission. En cela il était admirable. Aujourd'hui ses amis le pleurent. Sa photo trône au mur du salon de l'hôpital...

Il m'attendait sur le muret de l'hôpital quand je rentrais du garage. Je le prenais dans mes bras, le gratifiais d'un baiser sur la tête et nous rentrions ensemble à la maison.
Il ne nous attendra plus, nous ne l'attendrons plus. Mais reste au cœur un fol espoir, la trace brûlante du souvenir...

L'éternel cortège des questions destinées à rester sans réponse me taraude. A-t-il souffert ? Qui ? Et surtout "Pourquoi ?"...
Est-ce le prix à payer pour nous qui aimons les chats et avons la chance de les côtoyer ? Est-ce, pour les chats, le prix de l'indépendance et la liberté ?
Pourquoi toujours payer ?
Après la Fée, le Magicien.

mercredi 3 décembre 2008

La cousine Simone

Silent talking

Ma grand-mère et elle étaient cousines germaines. Je l'ai vue une seule et unique fois, à la Bellière, près de Forges-les-Eaux, où elle vivait alors avec son mari Xavier. Ben oui, il y a TOUJOURS dans ma vie des liens avec la Normandie ! J'avais six ans. Un petit cadeau m'attendait à mon arrivée. Elle avait pensé à moi. Sa gentillesse m'avait touchée. Et puis l'endroit était magique. C'était la campagne. Il y avait dans sa cour une sorte de bassin où glissaient des insectes à longues pattes, dans la chaleur de cette journée d'été. J'avais joué une partie de l'après-midi avec les petits voisins.
Les années ont passé. Après avoir connu les mondanités de la capitale, Simone vivait fort retirée dans sa villa de Cavalaire. Elle était veuve. Elle était entourée de chats. Car les chats, elle les aimait. Elle les soignait, veillait à leur bien-être. Elle se ruinait chez le veto. Elle parlait de ses compagnons défunts avec des larmes dans la voix.
Je crois qu'elle avait fini par préférer leur compagnie à celle des humains...
Elle regrettait la Normandie. Nous nous téléphonions. Un peu de nostalgie, parfois, chez Simone, lorsqu'elle égrenait ses souvenirs de jeunesse de sa voix grave. Ma grand-mère et elle étaient très amies. Je crois qu'elles avaient beaucoup de points communs. Elles faisaient aussi tourner les têtes !
Simone est partie en 2000. Sa fille a demandé que les chats soient euthanasiés. Pensez-vous, ils devaient être tous malades ! Elle parlait de sa mère comme d'une folle. De quelqu'un d'à peine fréquentable. Pourtant, des deux, c'est Simone qui était dans le vrai. Elle avait fait ses choix. Elle suivait son cœur et se souciait peu du paraître. Elle était dans l'amour, le dévouement. Un scandale !
Qu'on se le dise, la connerie n'est jamais du côté des chats !
J'aurais aimé la revoir. Je m'étais promis de le faire. J'aurais traversé la France, en voiture, au train... Mais c'est loin, Cavalaire, et le temps passe. C'est fou comme les futilités vous font dévier de l'essentiel. On se persuade qu'on n'y peut rien. Et je garde toujours des regrets, sinon des remords...
C'est avec Mascaret et son beau regard que je rends hommage à Simone. Le temps n'a pas de prise sur le regard des chats. Mascaret me semble avoir toutes les réponses. Sa sérénité en fait foi. Cette lueur d'interrogation ne s'adresse qu'à moi : "Pourquoi ces questions, pourquoi êtes-vous si compliqués, vous les humains ?".

C'est ce regard qui m'a donné envie de parler de toi, Simone.