jeudi 27 août 2009

Mewcomer (nouveau velu)


Frodon de la Comté, celui qui a vu... l'Oeil !

6 juin 2009...
La première image, ça pourrait être celle-là : un arrière-train de chat dépassant d'un pot de fromage blanc (dont mes pensionnaires sont friands autant que leur humaine) sur le sol de la cuisine. Ce qui est, je vous l'accorde, insolite.
Le demi-chat file dès qu'il perçoit une présence près de lui, les moustaches constellées de fromage blanc.
L'intrus - qui comporte aussi des pattes de devant et une tête - est un tout petit chat noir et blanc aux yeux cuivrés. Il est très timide. Impossible de l'approcher à moins de trois mètres : il détale à la moindre tentative. Il accepte la nourriture et en redemande ! Il sait manger comme un grand : il peut avoir deux mois...
Au bout de quelques jours il quitte la buanderie pour prendre ses quartiers dans mon bureau. Toujours aussi sauvage, l'animal ! Pas même question de lui effleurer le dos ! Ingrat !
Est-ce une fille, un garçon ? Phase aigüe de tolkienite oblige (le mal, je le crains, s'est chronicisé) il est décidé de le baptiser Frodon. Je vois et j'entends d'ici les puristes sauter au plafond : le Frodo initial de JRRT n'aurait pas dû être francisé par le traducteur. Tant pis ! Le prénom de Frodon a été popularisé par les films de Peter Jackson, pas grand-monde n'y trouvera à redire (et re- les puristes qui s'insurgent et me font les gros yeux). Pour le "genre", on avisera une fois la "vérification" faite (si c'est possible un jour).

Petit à petit, nous nous apprivoisons mutuellement. Après deux bonnes semaines, Frodon se laisse approcher, puis caresser. De plus il ne sera pas débaptisé : c'est bien un garçon !
Adopté par mes autres chats, il a pris sa place dans la maisonnée. Je crois qu'il avait choisi SA maison : en arrivant ici, il savait ce qu'il faisait. Dès lors je n'avais plus mon mot à dire. Comment a-t-il trouvé son chemin, je n'en sais rien. Guidé par quelque personnage fantastique?...
Quoi qu'il en soit, ce sont toujours ces idiots d'humains qui se laissent avoir et se plient à la volonté des chats...

mercredi 26 août 2009

Quelques mots d'hommage

Il n'y a pas que les chats qui nous quittent. Le vent du nord, cette fois encore, n'apporte pas une bonne nouvelle, et il est dit que ce blog prendra une fois de plus la forme d'un chant d'adieu.
J'ai appris lundi la disparition du patron de La Chicorée Patrick Buret.
Depuis deux ans et demi, j'ai fait de La Chicorée, brasserie toujours animée, mon point de chute à Lille. Certes, il y a eu des infidélités, mais j'y revenais toujours, pour déjeuner avec ma mère ou des amis, ou prendre un café (un bon café en général).
A force de voir nos têtes, le "patron" (il était en fait directeur d'exploitation de six restaurants lillois) a commencé à nous saluer. Puis ce furent poignée de mains et échange de quelques mots sur le boulot, la pluie et le beau temps... Un homme souriant, affable, discret, manifestement soucieux de la satisfaction et du bien-être de sa clientèle. Un bel homme, ce qui ne gâtait rien. Nous étions sensibles à cet accueil, nous nous sentions quelque peu "privilégié(e)s".

Pour moi, c'est un point de repère qui disparaît, et Dieu sait si je suis attachée à mes "racines" lilloises. Je n'aime pas qu'on touche à mon "environnement". Surtout de cette façon...
Me vient à l'esprit cette citation de Vialatte (pas trop estropiée j'espère) : "Comme disait je ne sais plus qui, 'il y a trop de gens qui se mêlent de vivre'. Malheureusement il y en a aussi trop qui se mêlent de mourir".
Plus le temps passe et plus je me demande quels sont les "critères de sélection" de la Faucheuse. Contre toute attente, elle s'est mêlée trop tôt de la vie de Patrick Buret.
Ce ne sera plus jamais pareil à La "Chico".
Adieu, Monsieur Buret. Nous ne vous oublierons pas.

jeudi 13 août 2009

La boîte à poissons



Combien de fois ai-je rêvé sur des cartes routières.
Longtemps j'ai été le copilote de ma mère au cours de nos pérégrinations automobiles à travers la France, chargée de "repérer le terrain" et de guider la conductrice.
Je me suis rendue virtuellement en des lieux où je n'étais jamais allée. Où je n'irais jamais. J'ai étudié mes itinéraires. Surtout qu'il y a un peu plus de 25 ans quelques années, j'étais persuadée que je ne décrocherais jamais le permis, et qu'il me faudrait renoncer à l'autonomie, à la liberté - celle de prendre le volant pour aller où je voulais, et atteindre ces destinations lointaines. (Je l'ai obtenu "du premier coup" pourtant, mais n'y croyais pas, alors même que l'inspecteur agitait la feuille tant convoitée, le passeport pour l'évasion, sous mon nez.) Mais telle est la force de l'imagination que ces voyages ont - provisoirement - étanché mon désir d'ailleurs. Et puis, ce n'était pas tellement le but qui comptait, mais la route...
L'obtention du papier rose n'a pas changé grand-chose, finalement. Je rêve toujours, tel le grand voyageur devant sa mappemonde (à une autre époque).
Maintenant il y a le GPS. J'appelle ça "une boîte à poissons". C'est que j'ai trouvé cette dénomination métaphorique dans un roman de Connelly, où le propriétaire d'un yacht, qui loue son bateau à la journée à des amateurs de pêche, a enregistré dans son GPS les coordonnées des emplacements les plus poissonneux. Quels poissons fourre-t-on dans son GPS ? Quelles destinations ? On lui demande, comme à un oracle, le plus court chemin d'un point à un autre. Et on attend que tombe sa réponse. Car la chose vous parle ! Le voyage est rationalisé. On écoute sagement les indications énoncées par la "boîte". On ne quitte pas les sentiers battus. On ne s'expose point à ce qui pourrait leur être étranger. A la tentation du chemin des écoliers.
Moi, la boîte, j'aurais envie de l'envoyer promener. J'aurais moyennement confiance.
Mais l'époque est pragmatique.
Naguère on avait recours aux cartes. On préparait, crayon en main, son itinéraire. On envisageait la possibilité d'un détour pour visiter quelque chapelle ou admirer quelque manoir signalé par un petit rectangle blanc, symbole qui semblait vous faire signe, vous appeler. "Viens me voir, je suis depuis longtemps oublié, dans ma campagne reculée, je voudrais que des yeux neufs me découvrent : je leur montrerai ma beauté." La route se déroulait dans votre tête, avant de le faire sous vos pneus. Elle recelait une part d'imprévu, d'inconnu. Ces lignes bordées de vert étaient des chemins vicinaux. Ces lignes bleues, des rivières. Ces zones ombrées de brun, des collines ou des montagnes. Devant vous l'espace se déployait. C'était une boîte à rêves, pas à saumons ou à dorades.
Passéiste, moi ? J'espère ! Peut-être...
La carte est sans doute une des premières formes de représentation. Un reflet fidèle de notre univers, proche ou lointain. Elle est surtout un lieu symbolique, une façon d'appréhender le monde, de l'apprivoiser. A présent on nous met le monde directement sous les yeux, sans intermédiaire, sans recul. Nous voulons la rapidité et l'efficacité, en un mot la per-for-mance, cette divinité implacable objet d'un culte suspect. Le GPS a tué la poésie, l'imprévu. Il est la lettre, la carte est l'esprit. Où est la liberté de l'esprit de vagabonder, d'imaginer ?
Lire une carte, c'est voyager.
Comme me le disait voici quelques années un pilote de Seine : "On a beau disposer à bord de toutes sortes de machines de détection, seul le cerveau a la capacité d'anticiper". Qu'ajouter à ça ?
J'ai plein de cartes routières chez moi. Certaines sont très vieilles et ont bien "vécu". Je les garde précieusement, de même que les atlas de mon grand-père. De nouvelles routes ont poussé, des paysages ont changé. Mais comme pour toute lecture, ces feuillets pliés en accordéon se sont imprégnés de rêves récents et anciens. Je les parcours souvent pour me remémorer mes trajets passés ou en préparer d’autres.
Car si la carte n'est pas le territoire, elle en est l'indispensable avant-goût.

J'espère que mes amis utilisateurs de GPS ne m'en voudront pas :-) !

mercredi 1 juillet 2009

La clé des chats

Je ne sais si cette charmante armoire, cadeau d'un ami qui, comme vous le constatez, connaît (et partage) mon inclination pour les digitigrades griffus et moustachus, est réalisée en mets-là-minet...

dimanche 21 juin 2009

La veste noire

J'ai ressenti l'autre jour une profonde peine en découvrant que ma veste noire était mangée aux mites. Oh, pas partout, juste par-ci par-là, en des points stratégiques néanmoins (d'un point de vue de mite sans doute) qui font que je ne pourrai plus la porter. Je la croyais pourtant à l'abri des attaques sournoises et des insectes kératophages et du temps...
Ma veste noire !
Griffée Lacroix Bazar(*), en crêpe de laine noir. Cintrée et dotée du double boutonnage que j'aime tant. Parfaite. Avec jeans et jupes habillées. Sur un pull comme sur un top. Idéale en toutes saisons, car chaude et légère. Effortlessly elegant, comme on dit. Ma tenue de Rôdeuse du Nord (oui, je sais, je suis intoxiquée au Seigneur des Anneaux et à tout ce qui touche à Tolkien et à la Terre du Milieu !).
Je l'ai convoitée pendant des mois. Je l'ai cherchée partout, en noir et dans ma taille. Repérée en début de saison chez Victoire à Lille, elle était soldée à 50 % lorsqu'elle s'est "offerte" à mois par un jour de janvier 2000. Je n'ai pas hésité. Elle m'attendait.
Les vêtements ont des cycles de vie. Ils s'usent, se détériorent. Ils ne sont plus sortables en l'état. Ou, simplement, on n'a plus envie de les porter. Trop vus, associés à des êtres ou des événements qu'on a préféré évacuer de sa galerie de souvenirs. On a simultanément un ras-le-bol et une envie de renouveau. C'est comme les histoires d'amour : on se lasse, même si on ne veut pas se l'avouer. Et puis, il n'est pas drôle de se dire qu'on a subi nous aussi ce processus de dégradation...
J'ai quelques vêtements, comme ça, devenus des mythes, sans jeu de mots. Ils font partie de moi, ils ont été associés à moi. Ce sont, c'étaient des compagnons irremplaçables. Des confidents, presque. Et c'est bien là que réside le drame : on ne les remplace jamais. Le voudrait-on qu'on ne le pourrait, et si on le croit on se fourre le doigt dans l'œil. Je parle d'expérience. Il faudrait pouvoir les cloner. Comme si on pouvait se cloner soi-même tel qu'on était il y a dix ans, cinq ans. Témoins d'époques révolues. Témoins d'une jeunesse en phase d'évaporation rapide. Trop de temps a passé. On ne peut plus qu'entretenir la nostalgie. Et elle finit aussi par s'atténuer. Un effet de l'instinct de survie...
Mue par une illusion insensée, je parcours parfois Yoox de fond en comble. Des vestes noires il y en a à la pelle. Blazers, spencers, cabans... Mais je n'ai pas trouvé LA veste noire. Il est probable qu'elle n'existe pas. Que dis-je, il est certain qu'elle n'existe pas. Elle était unique. "On ne se baigne pas deux fois dans la même eau", dit le proverbe.
Même quelques grammes de chiffons se chargent parfois de vous le rappeler.

(*) Je me suis sentie trahie le jour où Christian Lacroix a abandonné sa ligne "Bazar", qui rendait ses créations un peu plus accessibles (surtout à la faveur des soldes !). J'y ai trouvé des pièces emblématiques que j'ai chéries et chéris toujours pour certaines. Une page s'est tournée. Ainsi va la vie...

vendredi 24 avril 2009

Scribe le scribe, Scribe le chat

Dix jours que "c"'est arrivé, et je trouve seulement l'ombre d'une pincée d'once de courage pour en parler. Longtemps la douleur et l'évocation du drame m'ont inhibée, tétanisée.
Mon chat Scribe a été tué par une voiture, à trois mètres de chez moi, le 14 avril peu avant 18 heures.
Quand je suis arrivée, c'était fini.
Deux dames admirables et une jeune fille m'ont aidée. Elles ont assisté à ses derniers instants, du moins je l'imagine. Elles l'ont caressé. Plantées au milieu de la rue, elles ont empêché les voitures de commettre plus de dégâts. Elles ont relevé le corps, l'ont mis - l'horreur - dans un sac. Une dernière caresse sur ton doux pelage tiède, Scribe... Et elles ont essayé de nous réconforter, ma mère et moi. Il n'y avait rien d'autre à faire. Mais elles étaient là. Ce sont mes "Auvergnates", comme l'Auvergnat de Brassens. Je vous parlerai un jour de mes Auvergnats.
Au chagrin s'ajoute l'horreur de cette fin, qui devrait faire honte au chauffard.
Scribe était chez moi depuis cinq ans. C'était un enfant des rues - quoique j'ignore tout, finalement, de ses origines et de son histoire. Très sociable et vadrouilleur, il était connu comme le loup blanc dans mon quartier. Les passants le caressaient. Je l'appelai le "psy-chat", le guérisseur. Chaque jour, en semaine, il se rendait à l'hôpital de jour voisin. Je ne le voyais que le soir (et encore !) et les week-ends ! Les patients et les soignants l'avaient adopté. Ils lui parlaient, le câlinaient, le nourrissaient. Scribe était là "le chef". Il faisait le bien (sauf peut-être auprès de ses congénères !), comme investi d'une mission. En cela il était admirable. Aujourd'hui ses amis le pleurent. Sa photo trône au mur du salon de l'hôpital...

Il m'attendait sur le muret de l'hôpital quand je rentrais du garage. Je le prenais dans mes bras, le gratifiais d'un baiser sur la tête et nous rentrions ensemble à la maison.
Il ne nous attendra plus, nous ne l'attendrons plus. Mais reste au cœur un fol espoir, la trace brûlante du souvenir...

L'éternel cortège des questions destinées à rester sans réponse me taraude. A-t-il souffert ? Qui ? Et surtout "Pourquoi ?"...
Est-ce le prix à payer pour nous qui aimons les chats et avons la chance de les côtoyer ? Est-ce, pour les chats, le prix de l'indépendance et la liberté ?
Pourquoi toujours payer ?
Après la Fée, le Magicien.

lundi 16 mars 2009

Le dernier salon où l'on lit

A mon grand regret, je n'irai pas au Salon du Livre cette année. Longtemps j'ai été fidèle à ce rendez-vous. La première fois, c'était il y a dix ans. Je ne savais pas ce qui m'attendait à l'autre bout du périphérique parisien, après 200 km d'une autoroute bien "trafiquée" et quelques encombrements. Ce fut la révélation. J'étais dans un temple dédié au dieu-livre. Des bouquins partout ! Je ne savais plus où donner de la tête. Je courais partout, tout juste si je ne poussais pas de cris pour accompagner mes galopades frénétiques, telle un singe découvrant une immense forêt de cocotiers... Une pause sandwich-bière fut la bienvenue, toujours dans une atmosphère très "livresque".
L'après-midi - l'heure du départ approchait - je me suis attardée au stand des éditions Phébus, qui publie entre autres Francisco Coloane. J'ai eu une période Coloane au milieu des années 90. Son œuvre contient quelques-unes des images les plus fortes, les plus marquantes de mon champ littéraire. Posé sur une table, un livre a attiré mon attention : La boîte en os. Un roman signé d'une inconnue, Antoinette Peské, et dont la couverture s'ornait d'une impressionnante Vanité. Point de façon plus saisissante, plus directe de montrer la mort, des êtres et des choses, et même du savoir si chèrement acquis. Je l'ai pris dans mes mains, j'ai lu la quatrième de couverture, ai ouvert une ou deux pages au hasard, l'ai reposé avant de m'éloigner du stand. Puis je suis revenue, comme sous l'effet d'un sortilège, ai effectué le même manège avant d'emporter le bouquin à la caisse. Je ne suis pas spécialement portée sur le macabre, mais il y avait autre chose. Quelque chose qui me retenait. Je ne pouvais pas ne pas ... (Je dois être coutumière du dialogue avec les objets inanimés.) Le livre m'avait choisie.
J'ai été emballée.
Comment le présenter, le résumer ? Même partagé, l'amour n'est pas simple, alors ici... L'auteur met en scène un homme que la passion et l'exigence mènent à la folie. Il se heurte à l'impossible "possession", à la désespérante altérité. Des limites qu'il a choisi de refuser, entraîné de plus en plus loin dans la destruction - de lui-même et de l'autre. Au-delà n'existe que la confrontation avec la mort.
Antoinette Peské (1904-1985) maîtrise son récit de bout en bout. Décrire celui-ci comme "gothique" serait réducteur, bien qu'on y retrouve certains thèmes noirs propres à ce registre "éteint" depuis bien longtemps en ce début du XXème siècle. Comment une trame, des personnages aussi sombres sont-ils nés dans l'esprit d'une très jeune femme - elle avait 20 ans lorsqu'elle écrivit ce roman ?
La boîte en os est une œuvre dérangeante, inclassable, à l'image de la couverture initiale, laquelle a été changée, édulcorée : elle s'illustre maintenant d'une toile préraphaélite assez mièvre. Pour ne pas effrayer le lecteur potentiel ? Un roman étrange jusqu'au titre - la boîte crânienne considérée comme un coffret fermé sur d'obscurs secrets. On trouve à présent le bouquin dans la collection "Libretto" de Phébus, maison qui décidément confirme ses choix de beaux textes rares, donnant voix à la prose d'auteurs méconnus.
Peut-être que, plus que le Salon du Livre, je regrette ces moments, ces trouvailles magiques si pleines d'émotions, si exceptionnelles dans une vie de lectrice...

PS : Je viens de lire sur le Net qu'un autre roman d'Antoinette Peské était paru, "Que cherches-tu ?". Je suis tentée, évidemment, même si je redoute par dessus tout la déception. Je vous dirai !