vendredi 15 juin 2012

Il y a dix ans (si le nez de Garance...)


Un 15 juin, Garance se matérialisait dans l'atelier de Victor, le menuisier, sis à un jet de pierre de chez moi. C'est du moins la version de Victor. Celui-ci ne trouva rien de mieux à faire que de saisir ce chat inconnu et de m'en gratifier séance tenante. Il était neuf heures du matin et je prenais tranquillement mon petit déj', quand il sonna à ma porte, sa trouvaille dans les bras, déterminé à me la refiler. Je ne savais pas encore que j'étais à un aiguillage de ma vie. Que le nez de Garance - provisoirement baptisée Okoumé - allait changer la face du monde.
Car Garance était une Fée. Une authentique Fée norvégienne, venue de contrées enneigées, d'épaisses forêts de conifères, munie de sa puissante magie. Comment avait-elle abouti dans l'atelier de menuiserie, cela reste un mystère. Avait-elle voyagé sur un train de bois flotté ou sur le dos d'une oie sauvage, cramponnée au cou du volatile ? Nous ne le saurons jamais. En quelques semaines, elle m'a envoûtée, réduite en esclavage. Et inspiré un amour qui survit à sa disparition, bien trop précoce. Elle aura passé six ans moins cinq jours à mes côtés. Elle n'avait pas sept ans quand le Grand Maître des Fées l'a rappelée au Royaume des Esprits. C'était le 10 juin 2008.
Quel caractère, Garance, quelle personnalité ! Comme tu nous as marqués ! C’est qu'il fallait se garder de son courroux ! Ses feulements de plus en plus aigus annonçaient un coup de griffes, voire un coup de dents. Et quelle apparence singulière, bien digne d'une Fée ! Long museau, yeux d'or, expression crâne, oreilles garnies de longs poils recourbés, queue touffue, tels étaient les attributs de sa beauté nordique. Une beauté unique, qui perdure sur les photos et dans les mémoires...
Elle a laissé un Arbre aux Fées, le rosier où elle aimait à se jucher, et une Source aux Fées, la coupelle où elle se désaltérait (alimentée à l'eau en bouteille, s'il vous plaît !) et où s'abreuvent maintenant tous mes chats.
C'était un 15 juin, il y dix ans. Je la revois arriver, un peu déroutée, regardant tout autour d'elle et ronronnant pour se rassurer, dans les bras du menuisier. Je me tenais sur le seuil. Je l'ai prise à mon tour dans mes bras. Elle était chez elle.
Son empreinte est toujours vivace. Mais elle me manque, cette présente-absente.
Si le nez de Garance avait été plus court, le monde ne serait pas ce qu'il est.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Petite Fée, si vite te sont poussées tes ailes.
Trop vite, tu es montée, pour nous attendre au ciel.
Nous lisons ton tombeau écrit par Rafaèle
Ses soupirs nous rappellent assez que tu fus belle
Mais ne compensent pas cette perte cruelle.

Hélène Flont , french illustrator a dit…

Nos chats absents nous manquent intensément Petite Garance, je viens de relire ces billets tristes de Juin composés pour toi et me dit: il ne peut en être autrement : tu dois demeurer là au cœur des ors profonds , te mouvant dans cette mémoire étincelante ,et par quelque mystère , venir poser inlassablement de doux regards bienveillants et protecteurs sur Rafaèle qui te pleure tant.

Triskell a dit…

Chaque ode à tes chats est un véritable poème, car chacun le mérite. Crois-moi, un recueil de ces écrits pourrait largement avoir sa place dans la littérature féline si prolifique. J'aime cette évocation d'une fée voyageuse qui aurait laissé, le temps de sa si courte vie, une arbre et une fontaine...

martine a dit…

Un superbe hommage pour un superbe chat, je vais le relire rien que pour le bonheur de le savourer encore une fois, amitié, Martine

LE CHEMIN DU BONHEUR a dit…

quel beau texte émouvant, merci Rafaële. Chaque bête qui nous a accompagné laisse en nous une marque indélébile, et une nostalgie qui avec le temps n'est plus du chagrin, mais qui continue à y ressembler. Chien caniche a 15 ans et j'espère le miracle que son vieux ceour fatigué ait toujours envie de battre.
Je t'embrasse

Philippe a dit…

Avec une protectrice qui aime tant les parfums, la fée Garance se devait d'en avoir le nez digne. Elle a fait plus que cela.