mardi 27 octobre 2009

Histoire de parfum


Le Touquet, début des années 70. Pour occuper mes après-midis de vacances, mes parents m'emmenaient à l'aéroport. Les avions de la compagnie British Caledonian décollaient dans un boucan épouvantable. Les moteurs sifflaient, le sol vibrait. J'aimais ça. Ce spectacle suffisait à me distraire.
Les lieux présentaient une autre attraction : une boutique de détaxés dont les vitrines jalonnaient la salle d'attente, au premier étage. Là était présentée la totalité des produits vendus en "duty free" : des parfums.
Leurs flacons tarabiscotés se pressaient les uns contre les autres devant leurs boîtes en carton. Une armée, un peuple de parfums, figé. Il y en avait de toutes les formes, de toutes les tailles, en d'infinies variations. De vraies petites familles ! Je regardais longuement, fascinée, les arabesques, les courbures des bouteilles et les étranges élixirs qu'elles contenaient, qui déclinaient toutes les nuances du jaune. Les étiquettes n'étaient pas moins intriguantes. Guerlain, Hermès, Dior... Chant d'Arômes, Calèche, Diorella... Des noms qui  ne me parlaient pas. J'ai passé des heures devant cette foule désordonnée et silencieuse - mais inaccessible - qui me fixait derrière les vitres.
Ceci explique-t-il cela ?
Coïncidence, c'est au Touquet, plus tard, dans une parfumerie de la rue St-Jean, que j'ai senti pour la première fois Nahéma et L'Heure Bleue, à quelques années d'intervalle.
Depuis je préfère les bateaux aux avions (quoique je me me contorsionne toujours au volant pour les regarder, si si !). Les Caravelle (ou, renseignement pris, les BAC 1-11, ce que je trouve beaucoup moins poétique) ne prennent plus leur envol qu'en souvenir, dans les musées. Depuis des parfums ont disparu, d'autres ont subi des reformulations pas toujours heureuses qui les ont dépouillés de leur personnalité, de leur pouvoir évocateur, du panache dont ils s'enorgueillissaient. Des flacons je m'en fiche, ou plutôt non : je les préfère le plus sobres possible. Je n'ai plus envie d'aller au Touquet (et me demande à quoi ressemble son aéroport maintenant). Je me suis tournée vers les falaises et les galets normands. Les parfumeries sont maintenant des lieux aseptisés, où tout est à portée de main, hormis peut-être les Salons du Palais-Royal, chez Serge Lutens, où les flacons en forme de cloche ont encore leur côté sulfureux, leur mystère.
Et savent encore me faire planer ?

Illustration : Boeing 707 de la British Caledonian

3 commentaires:

panti a dit…

Le souvenir est le parfum de l'âme.
(George Sand)
à bientôt
Maman Mule

ovar a dit…

rien n'est plus vif que le souvenir d'une odeur.ni plus évocateur et tu en parles très bien.
biz

Anonyme a dit…

Si la musique est du bruit qui pense, Comme le dit si bien Hugo,
Le parfum est de l'odeur qui parle et Rafaèle est son cerveau.