mardi 28 juillet 2015

I can't stop loving you (gouttes de Sables sur peau brûlante)

28 juillet 1989. Une date si lointaine que j'ose à peine me retourner, de peur d'être aspirée dans un gouffre temporel dont je ne suis pas sûre de ressortir (et où en tout cas je n'ai pas envie de m'attarder). Une date qui fait date : je fête aujourd'hui mes vingt-six ans d'amour avec Sables. Diantre, c'est vertigineux. Et ça ne me rajeunit pas.
Au moins, Sables, lui, n'a pas vieilli. Il a comblé les beaux jours d'un grand pan de ma vie (je ne vous avouerai pas quelle proportion de mon existence un quart de siècle et un an représentent. D'ailleurs ça ne donne pas un chiffre rond). Il les comble encore.
Vous connaissez maintenant l'anecdote, aussi ne vous la resservirai-je pas. Si, quand même ? Je ferai bref. Galeries Lafayette, un jour de juillet dans un Paris animé juste ce qu'il faut. Un Paris qui grésille sous les feux d'un Phoebus estival, aussi. Les discussions que je viens d'avoir avec des personnes de chez Quest m'ont donné envie de courir sur-le-champ dans une boutique ou à un stand Annick Goutal, dont je porte déjà Folavril. Le voilà, ce fameux stand. C'est Sables que je veux sentir - mue par une intuition ? Un pschitt. Impatiente, je n'ai pas laissé les premières notes monter jusqu'à moi, je suis allée vers elles. Dès que j'ai approché mon nez de mon bras, l'évidence d'une alchimie s'est imposée. Impression d'une implosion sur ma peau chauffée par l'été. C'était une rencontre. De celles qui marquent et préludent à un long voyage main dans la main. Cet amour fusionnel n'a jamais failli.
S'il est dans ma vie d'autres jus que j'aime, qui vont, qui viennent et s'en reviennent au fil des saisons et des envies, Sables est indétrônable. Nous avons écrit ensemble une grande partie de mon histoire. Il est mon histoire. Pensez, vingt-six ans ! Si je me suis abstenue de célébrer mon parfum l'an dernier, c'est que je n'aime pas du tout trop l'expression ou plutôt l'idée de "noces d'argent" : trop figée, trop officielle, trop convenue. Et Sables n'a rien de conventionnel. Depuis sa naissance, en 1985, il demeure unique au sein de la parfumerie, nimbé du rayonnement incandescent des immortelles, vibrant du chuchotis du santal, enroulé dans les lents étirements de l'ambre. Sans complaisance, il ne fait pas dans la tendresse. Un peu rugueux, un peu goudronneux, jusqu'à ce que l'ambre l'adoucisse, il envoûte ou rebute. Avec lui, pas de demi-mesure.
Nous attendons les premières douceurs du printemps pour nous retrouver. Une année, je peux le porter dès mars, une autre, il me faut patienter jusqu'à juin. Je le redécouvre à chaque fois avec le même plaisir, le même émerveillement, la même sensation de tomber juste. Si l'arrière-saison est belle, il m'enveloppe jusqu'au seuil de l'automne, voire au-delà.
S'il est ici question de fidélité, paradoxalement le sable évoque l'effacement (ce qu'on y écrit du bout du doigt est voué à disparaître sans laisser de trace) et l'écoulement inexorable du temps. Pourtant, flacon après flacon, Sables m'accompagne avec sa touchante constance de parfum, aussi indéfectible que celle d'un animal familier. Plus que moi-même, il est fidèle à ce que je suis. Je m'en émeus, je m'en étonne. Des hommes, des étés, des années ont passé. Sables, le solaire, est toujours là, immuable, à la fois fil rouge et point de repère. Je ne l'ai pas choisi, c'est lui qui m'a choisie. Et cet été encore - du moins dès que la température est de saison - sur mes poignets, dans mon cou, sur mes vêtements, il est là.
Cet anniversaire me donne l'occasion de lui dédier ce chant d'amour. Et de déclarer ma gratitude à Annick Goutal, dont je révère la mémoire, et à Isabelle Doyen, ses créatrices inspirées, qui le portèrent sur les fonts baptismaux voici trente ans.

Il y a tout de même dans cette vie des choses qui durent.

Alors n'oubliez pas : quand je mourrai, avant de refermer la boîte, il faudra m'en poser un flacon sur le cœur. (Et un autre d'Heure Bleue, bien sûr.)

PS : j'aimais bien quand la Maison Annick Goutal proposait des flacons recharges de 125 ml qui évitaient le rachat d'un atomiseur...


3 commentaires:

Anonyme a dit…

Une nouvelle belle célébration de tes Amours! On ne s'en lasse pas et ton talent demeure qui nous les fait partager.

panti a dit…

Pour ma part j'aime "Petite Chérie" et ses notes fruitées de poire et de rose ....
Bisous et bon dimanche.
Maman mule

Triskell a dit…

Bonheur absolu de te lire et te relire.
Aussi sensible au nom et au flaconnage d'un parfum qu'à sa fragrance, je pense que j'aimerais Sables.
Il me rappelle une chanson d'enfance :
"Sable du temps, voix de l'oubli
Berce les nuits où s'entend et se perd
Le vent vert de la mer"
C'était en colo, je crois, les épines de pin crissaient sous les sandalettes, les marées avalaient nos châteaux, et on avait 10 ans pour toujours.
Bises