jeudi 9 août 2012

Le Chat et le Lion

Non, ce n'est pas une fable méconnue de La Fontaine, exhumée des archives longtemps oubliées de quelque collectionneur. Qu'est-ce qui peut bien, alors, réunir les deux félidés, la divinité familière et le "roi de la savane" ?
J'ai récemment rendu hommage au Chat Marchal et, l'an dernier, je racontais mon incursion dans l'univers du Lion Peugeot. Le Chat, le Lion... L'évocation de ces emblèmes à la célébrité mondiale m'a amenée à m'interroger sur l'"usage" des félins dans le domaine de l'automobile. Pourquoi équipementiers et constructeurs ont-ils fait appel à eux ? Nous connaissons, bien sûr, les marques susmentionnées. Côté "lourd", comment ne pas citer Jaguar, représenté par le fauve d'Amérique Latine divinisé par les Olmèques et les Mayas ? Et Panther, marque anglaise spécialisée dans les modèles "néo-rétro", mélange de carrosserie à l'ancienne et de mécanique d'aujourd'hui, dont le nom est à la fois référence et défi à la précédente ? Il y eut aussi, dans les années 70, la mythique De Tomaso Pantera... On l'imagine, rampant sur le bitume, tel le fauve éponyme prêt à fondre sur une proie... Enfin, n'oublions pas le Chat blanc mascotte de l'enseigne Feu Vert, qui, s'il est apparu plus tardivement dans l'histoire, n'en met pas moins son astuce au service des automobilistes avec un dynamisme communicatif et leur prodigue ses conseils avisés. A noter qu'entre 2005 et 2009, le protagoniste des publicités était un matou nommé Ramsès.
Le félin, c'est une vision de la voiture. Celle-ci s'identifie à l'animal, s'en approprie les qualités (ou du moins le publicitaire malin veut-il créer dans l'esprit des clients cette association). A une vue perçante se conjuguent puissance, souplesse, élégance, rapidité, endurance, voire agressivité. Un moteur rugit ou ronronne. En outre, le chat, petit ou gros, qu'il soit logo en relief dans le verre d'un phare ou bouchon de radiateur, est plus évocateur qu'un symbole abstrait comme le Losange ou les Chevrons, plus propre à titiller l'imaginaire et à susciter émotions et attachement.
Las, ces figures animalières, totems dont les vertus se sont transférées aux objets qu'ils symbolisent, ont tendance à perdre tout réalisme, à se désincarner, passées au moule aseptisant de la 3 D et de la palette graphique. On en a fait des personnages de Pixar ou de Disney. Le Jaguar bondissant du constructeur de Coventry n'a plus la silhouette souple et élancée du fauve, mais a adopté la face grimaçante, nettement moins sexy, d'une divinité précolombienne. Le prédateur s'est bien assagi.


Ce n'est pas beau de tirer la langue...

Le Lion Peugeot, un peu raide, tient à présent du robot (rappelons-nous qu'il est né en 1847, à l'époque où la marque fabriquait des outils, bien avant la naissance de l'automobile. On dit qu'il s'agissait d'une analogie entre les canines du grand carnassier et les dents d'une scie). Quant au Chat Marchal, réduit à une tête rouge stylisée à l'extrême, il a perdu, sur les emballages, ses yeux jaunes emblématiques. De fait, tournant le dos à ses origines, le label ne propose plus les dispositifs d'éclairage qui ont fait sa renommée et sa gloire, mais des balais d'essuie-glace, des bougies et du liquide et des plaquettes de freins. Il existe encore un Chat Marchal plus digne de ce nom, je l'ai trouvé après bien des recherches, mais là encore il sent l'ordinateur à plein nez. Comme le Chat Feu Vert, réalisé depuis 2009 à partir d'images de synthèse. Que voulez-vous, l'animalité (qui nous ramène à notre propre condition d'animaux) a mauvaise presse. Zappée, la Bête ! Et la dictature du jeunisme ne touche pas que les humains.

Une minette qui a choisi le Lion.

Bientôt 90 ans, le célèbre matou, quand même !

En dépit des vicissitudes de la modernité, félins et voitures sont deux espèces qui s'entrecroisent et s'allient depuis l'aube de l'automobile, dont la première a accompagné les progrès...  Les deux sont entrées de concert dans la légende. Une union dont les exemples résistent malgré tout au temps...
Ah oui, bien sûr, j'allais oublier le Tigre Esso !

Merci à mes amies blogueuses et mes amis blogueurs qui se sont proposés de chercher la plaque publicitaire Marchal lors de leurs expéditions sur les brocantes...

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Quel article intéressant ! Merci beaucoup !

Mais où est donc passé le petit chat noir animé en marge de vos textes ?

bon week-end
Anne

Rafaèle a dit…

Merci beaucoup pour votre commentaire, Anne ! Je suis ravie que mon texte vous ait plu !
Je vois toujours le petit chat noir animé... Je suis sous Firefox...

Anonyme a dit…

Toujours si bien documenté et si clairement dit. Tes écrits sont également félins : ils ronronnent, sortent leurs griffes ou hument les parfums du monde. Quel plaisir renouvelé de te lire et relire!

Triskell a dit…

Chez ma mère aussi, les chats jouent les Victoire de Samothrace sur le capot de la vieille R5...
Beau billet, très bien argumenté.
Le félin est une source d'inspiration sans fin pour les publicitaires !