dimanche 13 mai 2012

La Barre-y-va (Arsène maritime)


Maurice Leblanc était rouennais et s'est à plusieurs reprises inspiré de sa terre natale pour y planter le décor de ses intrigues policières. Que l’on connaisse peu ou prou la Normandie, on peut s'interroger sur le titre énigmatique de ce roman. La "barre", c'est le flot, autrement dit le mascaret, cette vague puissante, provoquée par la marée montante, qui jusqu'au début des années 60 remontait le cours de la Seine et livrait un impétueux - et dangereux - spectacle. Les travaux d’endiguement du fleuve l'ont privée de sa force et si j'ose dire, castrée. Cependant, le phénomène se produit toujours. Je l'ai vu, voici quelques années, de la fenêtre d'une chambre normande. Soudain le niveau de la Seine monte de façon très sensible sous l'effet d'une vague peu surélevée mais toujours opiniâtre, venue de l'estuaire, qui passe à bas bruit comme un spectre redoutable. C'est le mascaret, et les vieux Normands savent le prédire et le reconnaître. Il demeure bien présent dans les esprits, comme en témoigne l'enseigne de nombreux cafés et restaurants. Il appartient à un patrimoine immémorial.
C'est donc en Normandie, sur les bords de Seine, que nous entraîne Maurice Leblanc. Nous y retrouvons Arsène Lupin, sous l'identité de Raoul d'Avenac. Le célèbre gentleman cambrioleur est appelé à l'aide par une demoiselle de bonne famille, Catherine, dont le beau-frère M. Guercin vient d'être assassiné dans des circonstances mystérieuses sur le domaine de La Barre-y-va, non loin de Caudebec-en-Caux. Catherine et sa sœur Bertrande ont reçu cette propriété en héritage de leur grand-père. L'aïeul Montessieux était homme un peu fantasque : féru d'alchimie, il prétendait avoir découvert le secret de la fabrication de l'or. Cette découverte est-elle à l'origine du crime ? Autour de Catherine, on s'agite. Qui tente de la tuer ? Pourquoi les trois saules plantés dans le parc, fidèles compagnons de son enfance, ont-ils été déplacés ? Qui veut faire taire définitivement ceux qui semblent en savoir trop ? Avec l'aide de son faire-valoir le policier Béchoux, Lupin-d'Avenac, qui a pris ses quartiers au manoir de la Barre-y-va, met toute sa sagacité au service de l'enquête. Et, grand séducteur devant l’Éternel, il ne manque pas de faire battre le cœur des deux sœurs...
Un modeste affluent de la Seine, l'Aurelle, qui partage en deux le domaine et que le flot remonte lors des marées d'équinoxe, semble au cœur des enjeux. La réapparition d'un testament perdu relance l'affaire. Dès lors, Lupin se fera fort d'établir un lien entre la production d'or, la rivière et la "barre", et livrera sur un plateau la solution, après avoir failli y laisser sa peau.
Paru au tout début des années 30, ce roman nous offre une plongée dans un entre-deux-guerres encore insouciant. On sourira plus qu'on ne s'offusquera de l'évocation désinvolte d'un système de caste très clivant, comme on dirait aujourd'hui. C'est une autre époque. Littérature facile, légère, peut-être, mais pas idiote, et en tout cas divertissante. On appréciera le talent quelque peu roublard de Maurice Leblanc, même si le style a vieilli. Mais le charisme de son héros providentiel reste intact, et il est bien agréable de suivre les déductions implacables d'Arsène, très à l'aise en pays normand.


La Barre-y-va est publié au Livre de Poche.

4 commentaires:

Triskell a dit…

Ton commentaire donne très envie : le trouve-t-on en poche ?

Anonyme a dit…

Raoul de, Bertrande : des noms qui signent leur époque! Si les saules ont été déplacés et la barre amoindrie, on trouve encore dans la région de beaux témoignages architecturaux de ces années de paix entre deux tempêtes.

Elvézia a dit…

Hé hé le mascaret est aussi en Gironde.
Et nombreux sont les surfeurs (comme mon fils) à attendre la vague.
C'est un spectacle assez insolite tout ces surfeurs, paddle... dans l'eau marron de boue attendant cette vague qui fait un bruit étonnant !
Ils n'ont droit qu'à un seul essai, mais il parait qu'une fois sur la vague c'est grandiose.
Ravie de ton passage par chez moi.

Elvézia

martine a dit…

Enfin de retour à la maison et avec quelques jours de liberté encore dont j'espère bien profiter, entre autre pour venir lire tes beaux textes, amitié, Martine