mercredi 25 mai 2011

Dans un vent d'héliotrope


Vous est-il déjà arrivé de sentir, quelque part dans la chaleur de juin, au détour d'une route, d'un parking, en ville ou à la campagne, un parfum de fleur non identifiable ? On ne sait d'où il vient, de quelle plante ou  de quel arbuste il émane. Il est à la fois évanescent et capiteux, présent et insaisissable. C'est comme une odeur de pollen portée par le vent chaud. L'odeur même de l'été.
C'est cette impression que m'a faite Héliotrope, de la maison milanaise Etro, célèbre pour ses imprimés cachemire, moins connue pour ses parfums.
L'héliotrope, avec la tubéreuse ma fleur préférée en parfumerie, pour moi, c'est tout d'abord un des plus beaux aspects de L'Heure Bleue (qui la présente sous sa forme synthétique, l'héliotropine). Elle se glisse sur la peau en fin d'évolution et évoque des volutes de papier d'Arménie en combustion. L'héliotrope me rappelle aussi les parterres des jardins de Trianon où s'activent une nuée de jardiniers, tout affairés au repiquage et à l'entretien des précieux plants aux fleurs mauves. Sa fragrance mêle arômes de miel et de tabac blond. Elle est proche, par le parfum, d'une plante aux minuscules fleurs bleues sentie pour la première fois à Jersey. J'en ai oublié le nom - un nom latin compliqué. Elle est plutôt rare au nord de la Loire.
Dans Héliotrope, lancé en 1989, je retrouve ce bouquet fluctuant, indécis et pourtant puissant - comme les immortelles brûlantes de Sables - qui s'allie à des notes amandées pour ouvrir le bal. Il est vite soutenu par une bouffée d'amertume, l'amertume minérale, crayeuse, d'un éclat de pierre calcaire. Je détecte également le foin coupé. Puis le parfum se fait poudré, un peu sucré mais pas trop, pour ne pas susciter l'écœurement et sombrer dans la mièvrerie. Son évolution varie selon les supports. Ses ultimes notes, sur la peau, sont un murmure d'amande caramélisée, tandis que sur les vêtements il laisse la trace suave du fameux papier d'Arménie.
Chose curieuse, sa découverte ne m'a pas surprise, car il était conforme à ce que je m'imaginais. Certes, il est moins complexe et sophistiqué que ma vieille Heure Bleue. Il ne prétend pas la concurrencer. Il convient aux jours chauds, et j'aime l'idée de me balader au cœur du nuage odorant énigmatique décrit plus haut et dont il est la transcription en flacon, j'aime l'idée de l'avoir enfin retrouvé.
J'ai hâte de sentir d'autres créations Etro...
Héliotrope, enfin, convoque, je ne sais pourquoi, des réminiscences d'été normand. Les senteurs exacerbées de la nature se développent dans l'air statique et chaud. Je vois des murs blancs poudreux zébrés de colombages. Une abeille bourdonne, par une fenêtre ouverte un cône de soleil accuse la poussière en suspension dans la pièce. Le temps s'est ralenti.
Un parfum de chambre normande.

Illustration : site Etro

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Italienne et Normande! Toujours à la recherche du soleil et de sa chaleur qui permet à un parfum d'exprimer ses richesses. Mais tu es certainement aussi ce soleil qui nous permet de comprendre pourquoi nous admirons une rencontre "quelque part dans la chaleur de juin"...

Les Sylvestres a dit…

Quel beau texte ! L'Heure Bleue est l'un de mes parfums (avec Fleur d'Oranger de S Lutens, ils ne me quittent pas où que je sois). je ne connais pas ce parfum de Etro, et votre texte invite à le découvrir ! Merci !!

Philippe a dit…

Vous avez l'art de nous prendre par la main et nous vous suivons avec bonheur dans les paysages olfactifs que vos belles lignes font naître. Toujours.

•Côté Arcades• a dit…

L'Heure Bleue... Un délice olfactif...

panti a dit…

Tu es comme les héliotropes tu te tournes vers le soleil (timide) de notre Normandie!!....

Bisous du vendredi et bon week-end
Maman mule

Martine a dit…

Plaisir de se délecter d'un beau texte, de "sentir" les odeurs et ce beau mot dont je me régale, héliotrope, tout un poème à lui seul, bon week-end et amitié, Martine