dimanche 29 mai 2011

La Reine Annie du Nord

Alexandre Vialatte disait : "Une mère qui n'aurait pas eu d'enfant ne serait pas vraiment une mère". On ne peut que souscrire à cet avis marqué au sceau du bon sens même, allié à une réflexion poussée et étayée. Je m'étonne toujours d'avoir trouvé une mère qui ait bien voulu me mettre au monde. Une mère qui se soit dévouée. C'est pourquoi je voudrais remercier ma mère, en ce jour où il est d'usage de célébrer sa génitrice à grands coups de bouquets, de fers à repasser à vapeur et de machines à expresso. Quand ce n'est pas de friteuses qui font économiser l'huile. Le progrès fait rage.
Ma mère relit parfois mes billets. Elle traque la coquille, la faute d'accord et la tournure un peu chtarbée. Son regard est sage et acéré. Vous imaginez parfois son effarement devant mes conneries bêtises. Mais elle a l'habitude. C'est elle qui m'a faite. Elle connaît le produit.
Son père, mon grand-père, était ukrainien. Une mère à moitié ukrainienne, me direz-vous, doit être une mère vraiment folklorique. C'est vrai. Il faut la voir exécuter une danse galicienne aux pas savants sur une musique nasillarde. Parfois même accompagnée du son de l'accordéon.
Je sens que je vais me faire appeler Arthur, moi...
Elle m'a instillé, très tôt, à travers le goût des belles histoires, celui des livres, de la lecture. Celui des chats, de la mer, des bateaux, du parfum, de la Normandie. Puis, un peu plus tard, celui du whisky. Bien tourbé et fumé de préférence. Un Islay au nom imprononçable. Toutes choses parfaitement superflues et parfaitement essentielles, vitales. Les mères ont instinctivement le sens de ce qui compte. C'est ce qui fait leur grandeur.
Enfin, j'en veux à ma mère. Je ne lui pardonne pas de ne pas m'avoir transmis ses yeux bleus. Par sa faute je me suis vu doter d'un regard bovin des plus quelconques, au lieu de mirettes azur qui font rêver au lac Baïkal, aux flots du Don et aux côtes paradisiaques de Crimée. Explication donnée : le fournisseur d'yeux bleus était en rupture de stock. Alors je ravale ma déception et je fais avec, bien contente quand même d'avoir deux yeux, alors que tout le monde n'a pas cette chance.
Cela dit, ma mère, j'en suis tout de même très satisfaite. Et je tenais à le lui faire, si besoin en est, savoir.

Bonne fête, Maman !

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Deux yeux qui ne sont certainement pas des sous produits! Si les siens sont azurs, les tiens sont d'or : des soleils qui contemplent la mer? Bonne fête à ta Maman et à toutes les mères...

Hélène Flont , french illustrator a dit…

Elle a l'air drôlement bien votre maman!!! Bonne fête à elle qui est à l'origine de ce très beau parcours dans la vie pour vous deux .
La mienne est à mes côtés aujourd'hui et nous levons toutes les deux nos verres (de vodka... Pologne oblige) à ce beau jour!!
Na Zdrowie!!!

Philippe a dit…

Moi, c'est mon père qui ne m'a pas transmis ses yeux bleus, gris-bleus pour être précis, car ce n'est pas sans lien avec le choix, alors inconscient, du nom de mon blog. Avant mon père, c'était, surtout, la couleur des yeux de ma grand-mère que j'ai tant aimée.

Martine a dit…

Maintenant je sais d'où vient ce côté tout à fait charming et différent que je sens chez toi et que j'aime, j'aime l'histoire de cette mère aux yeux bleus et de sa fille et de ce qu'elles aiment toutes les deux, je t'embrasse, Martine

vérod'i a dit…

Très joli texte, j'aime beaucoup la phrase d'A. Vialatte.