lundi 25 février 2008

Billet d'Hummer



Je hais les 4 x 4. Non. Haïr est un terme et un sentiment trop fort. La haine est une perte inutile d'énergie. Elle fait plus de mal à soi qu'à ceux qu'on hait. Elle ne mène à rien. Je lui préfère l'ironie... ou l'indifférence ! De plus j'ai passé l'âge des sentiments passionnés, voyons ! Je dirais que je n'aime pas les 4 x 4, leur façon de vampiriser les routes, leur esthétique plus que discutable et leur utilité en ville tout aussi contestable. Ils sont peut-être un signe de réussite. Mais ce ne sont que des voitures. Les gens font ce qui leur plaît et mettent leur amour-propre où ils veulent. Libre à moi de ne pas partager leurs goûts et leurs choix automobiles.
Il existe une exception. Une exception qui me met toujours à la frange du malaise. J'ai nommé le Hummer, grand générateur de passions et de polémiques, souvent présenté comme le symbole d'un capitalisme échevelé, irresponsable, qui n'a cure de l'environnement planétaire.
La première fois que j'ai croisé la route d'un de ces engins, c'était... à Duclair ! Juin 2005. Je remontais péniblement à pied la côte qui mène au Catel, non loin du parking du cimetière. J'ai vu une sorte de blindé haut sur pattes garé sur le bas-côté. Il était jaune Poclain et immatriculé en Lithuanie. Rencontre aussi inattendue qu'insolite. Mon sac à provisions à bout de bras, j'aurais voulu en approcher, mais le propriétaire était sorti du véhicule, une petite fille juchée sur ses épaules, et... D'ailleurs, ai-je réellement eu le désir de le voir de près ? J'étais inhibée par l'étonnement de voir "enfin" le monstre dont j'avais seulement entendu parler. Quelques mois auparavant, je ne savais pas de quoi il s'agissait... L'engin était impressionnant, anguleux, haut, long, large... énorme, à y perdre ses superlatifs et ses hyperboles. Une voiture hypertophiée, un peu comme ces porte-conteneurs géants qui ne ressemblent plus à des bateaux.
Je me suis demandé ce qu'il fichait là et j'ai poursuivi mon chemin, un peu éberluée, pour regagner ma chambre normande d'alors...
J'ai vu quelques autres Hummer depuis. Je les ai entendu gronder et rugir au passage. J'ai appris à les distinguer. Il y a les petits z'Hummer et les gros z'Hummer. Le petit z'Hummer n'est guère plus gros ni spectaculaire qu'un GrosToyo. C'est le H3. Le gros z'Hummer, le plus impressionnant, c'est le H2. C'est que je suis devenue une spécialiste. Les "petits noms" gaga que je leur ai attribués m'aident à désamorcer la charge menaçante de ces véhicules et l'angoisse (si !) qu'ils m'inspirent. L'un d'eux, un "gros" - "fréquente" même ma petite ville et je l'ai croisé - ou suivi ! - à plusieurs reprises sur la route de Lille. Sa présence ici détonne et reste entourée de mystère. Et puis je dois bien me l'avouer, il me fait peur. Il erre comme une créature redoutable et mortifère à laquelle rien ne saurait échapper. Il est un animal prêt à vous agresser, à mordre, à déchirer votre carrosserie et aller vous cueillir, pétrifié d'effroi, au milieux des tôles. Comme le T-rex de Spielberg ! S'il m'arrive de le voir - c'est rare - c'est plus fort que moi, je rentre la tête dans les épaules. Au cas où la bête, la machine de guerre originelle qui sommeille, se réveillerait, comme le camion de Duel qui semble animé d'une vindicte propre à l'égard de sa malheureuse "proie". Encore une référence à Steven ! Jeu de cache-cache terrifiant et délicieux qui pimente un peu ma vie...
Vous l'avez compris, j'éprouve une inexplicable fascination à l'égard des Hummer. C'est la voiture que je déteste aimer. Une peur d'enfant perpétuée ? Peut-être parce qu'on a besoin de monstres pour vivre et alimenter son imaginaire ?
Le bien-penser voudrait qu'on stigmatise ces engins, incarnations du politiquement incorrect, et leurs conducteurs. Chez moi l'indulgence l'emporte presque sur l'irritation. Les défis au raisonnable me séduisent. Tant qu'à faire, autant choisir la démesure... Je reste cependant critique. Je déplore l'ostentation. Mais l'arrogance est-elle dans la machine ou dans l'esprit des hommes ?
Le hideux Hummer H2 n'existe peut-être que pour satisfaire mon besoin de me raconter des histoires, et cela me suffit.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Il y plus gros que le H2: le H1, l'original, le premier de tous, le seul, le vrai....

Anonyme a dit…

Après la Rafaèle nostalgique et sensible, nous lisons celle qui sait nous dérider, qui nous bouscule, qui baptise les grosses machines en faisant éclater sur elles les perles de son esprit.