mardi 12 février 2019

L'Amie prodigieuse



Si mon titre reprend celui d'une suite romanesque à succès, c'est un peu par paresse intellectuelle. Mais surtout parce qu'Armoise, la chatte, est une Amie. Et qu'elle est prodigieuse.
Rescapée d'un incendie, elle a été retenue quinze longs mois chez la dame à qui ma mère et moi l'avions confiée, en même temps qu'Arwen. L'été dernier, j'ai dû batailler pour la récupérer et finalement hausser sérieusement le ton, sourde aux vociférations de la dame en question qui, pour des raisons tout à fait farfelues, refusait de me la rendre. Mais je bénéficiais de la complicité de son gendre, habitué (et insensible !) aux caprices et bizarreries de sa belle-doche. Arwen avait rejoint le Paradis des Chats au cours de sa captivité, je l'appris ce jour-là - c'était le 1er août 2018. A peine le pied posé dans la pièce où vivaient une dizaine de chats privés de liberté, j'ai vu Armoise, "la Loutre". Perchée sur un meuble, elle me tournait le dos. J'avais si peur qu'elle m’ait oubliée après une si longue séparation. J'ai murmuré "Mon Armoise". Elle a émis un petit miaulis et m'a regardée. Armoise. J'ai pu la prendre dans mes bras et la serrer - pas trop fort, les chats n'appréciant pas outre-mesure les effusions débordantes -, l'embrasser, lui dire des mots tendres à l'oreille et répéter son nom. "Mon Amie Douce", "Ma Chérie Douce", "ma Tendresse" : autant de mantras qui participaient de notre relation quasi fusionnelle d'avant le cataclysme. Elle ronronnait. Elle paraissait en bonne santé - je la trouvais même un peu grossie. J'en pardonnais presque sa folle vindicte et ses cris de démente à la Thénardier abusivement rétentrice des chats d'autrui. J'avais retrouvé Armoise. Elle m'avait retrouvée. Patiente, et d'une bouleversante fidélité...
Je l'ai vivement embarquée dans son panier de transport.
Elle est revenue vivre avec moi, Fanchette et sa progéniture, Socrate et Xénon, nés en exil. Nous avons très vite - le temps d'une inspection circonspecte des lieux - renoué avec nos habitudes, même si bien des choses avaient changé...
J'ignore si elle a souffert de la séparation. Oui, sans doute, et sans doute autant que ma mère, qui n'était pas là pour l’accueillir, et moi...
Aujourd'hui Armoise est à moitié normande. (Moi je suis à moitié nomade 😉) Elle s'est approprié son nouveau domaine, à commencer par la maison. Après quelques frictions avec le maître de céans, Khéops le Noir, la paix semble rétablie. Lorsque j'ouvre la porte de mon bureau, je la trouve allongée à un mètre de là. Elle m'attend. Et j'ose enfin la laisser sortir pour des balades ou des explorations du territoire, un luxuriant jardin à flanc de coteau. Les premières fois je l'avais munie, la pauvre, d'un harnais attaché à une laisse. Las, la belle avait d'autres ambitions que ces courtes virées frustrantes. Ce qui devait arriver arriva : elle tira sur la laisse et se défit du harnais en un clin d’œil pour prendre ses pattes à son cou et disparaître dans la nature, au grand affolement de ses humains. Moi qui avais cru en l'harnais du salut... Trois-quarts d'heure après son évasion, Armoise est revenue. Satisfaite. A présent, elle m'accompagne lorsque je sors dans le jardin. Primesautière, mais tout odorat et tout ouïe. Et, où que je sois, elle accourt vers moi lorsque je m'accroupis et l'appelle doucement. On a tort de ne pas faire confiance aux chats. On a tort de ne pas faire confiance à un être qu'on aime et qui nous aime.
Son bonheur est le mien.
En Normandie, Armoise, la Loutre, l'Amie Douce et, oui, prodigieuse, après avoir subi, comme son frère et ses sœurs félins moins chanceux, les rigueurs et l'absurdité de l'exil forcé, a recouvré son indépendance et reconquis son statut de chat libre.

 
 Je t'observe...
 Une patte étendue, une pose de star...
 Le doigt blanc... 
                       

Dans "son" bureau normand
 

 La Redoutable...


Merci à A., l'Ami prodigieux...