J'éprouve, en lisant les histoires de Tolkien, le même sentiment que lorsque mes parents me lisaient des contes de fées quand j'étais enfant. Trolls terrifiants, fées, princesses et chevaliers... J'en redemandais. Ma mère en devenait aphone. L'apprentissage de la lecture a marqué le début de mon autonomie. Si j'y réfléchis, peu de choses dans ma vie ont eu l'importance de cette découverte. Elle a entre autres permis à ma mère de retrouver sa voix, quoique... se laisser raconter des histoires (des contes de fées, j'entends !) est un plaisir inépuisable, unique, qui n'a pas disparu avec l'âge.
je bassine j'en parle abondamment à mon entourage. Je contrains mère et amis à lire les œuvres de Tolkien sous peine de ne plus jamais leur adresser la parole. Engouement passager ? Je ne crois pas. Évasion et consolation sont plus ou moins nécessaires selon les périodes, et cette lecture répond à une "demande". Peut-être à une demande éternelle de l'humanité...
C'est peut-être une des raisons pour lesquelles j'aime John Ronald Reuel Tolkien. Il est pour moi avant tout un fabuleux conteur. Il est une voix. Je suis venue à lui sur le tard. La trilogie filmée du Seigneur des Anneaux, découverte en début d'année (bon, bon, on va dire que j'assume !), a provoqué le déclic. La suite a été comparable a un lâcher de barrage. L'auteur s'est engouffré dans ma vie et n'en est plus sorti. Lecture du roman éponyme, du Silmarillion, des Contes et légendes inachevés, de bribes d'Histoire de la Terre du Milieu et tout récemment de Bilbo le Hobbit, que j'ai adoré, et des Enfants de Húrin, dont la fin m'a fait pleurer... La Terre du Milieu est désormais une dimension - elle-même multi-dimensionnelle - de ma vie, et je redoute par-dessus tout l'épuisement des textes, si abondants et si riches que l'idée même en est à peine concevable... Dire qu'il a fallu atte(i)ndre la quarantaine bien sonnée une certaine maturité pour vivre cette expérience...
C'est ainsi que suis devenue sans même m'en apercevoir une vraie geekette, capable de citer la généalogie de tel ou tel personnage (ou presque). Je n'aime guère la "spécialisation", le fanatisme (pseudo) intellectuel, les chapelles. "Faites ce que je dis, pas ce que je fais". Telle est l'inconséquence de l'esprit humain. Depuis quelques mois en effet J’ai eu envie d’en savoir plus sur cet auteur. Qui était-il ? Comment en est-il arrivé à la création d'un monde imaginaire si complexe et si abouti ? On le découvre, au fil de l'ouvrage d'Humphrey Carpenter, bon vivant, amateur de bonne chère, de vin et de bière. Conscient de sa culture exceptionnelle, de son talent et de l'ampleur de sa création, mais modeste. Rigoureux par son souci de précision et bordélique par ses méthodes ou plutôt son absence de méthode. Le Seigneur des Anneaux, avec son succès planétaire, a fait de lui, et bien contre son gré, un symbole de la contre-culture dans les années 60-70. Un comble pour un homme qui menait la vie "rangée" d'un professeur d'université (Leeds et Oxford) en philologie puis littérature anglaise. Une existence somme toute assez terne dans laquelle la création littéraire a ouvert de larges brèches sur un univers inépuisable, sans cesse retravaillé, enrichi (mais guère plus, pour ses collègues, et sans jeu de mots, qu'un hobby de doux dingue). En fin de compte, un démiurge à l'imaginaire foisonnant. Un homme à la fois "dans les normes" et "hors normes".
De fait on s'aperçoit que les clichés et les codes littéraires d'hier et d'aujourd'hui se révèlent impropres à définir, analyser cette œuvre monumentale.
La phrase qui m'a fourni le titre de ce billet est le premier vers d'un poème que Tolkien écrivit dans les années 1910. On peut voir dans ces œuvres "primitives" l'émergence de ses thèmes de prédilection et de ses héros, l'embryon de sa mythologie, créée pour habiller de chair et de légendes ses langues inventées. L'élaboration de son œuvre a duré près de soixante ans. Le labeur d'une vie. Je le compare à un bâtisseur de cathédrale. De ses lointains prédécesseurs il possède la patience, la persévérance, la précision extrême, le perfectionnisme, qui lui faisait reprendre, voire réécrire des chapitres entiers, l'amour du travail bien fait, mais aussi le doute et le découragement. Et surtout la foi, dans tous les sens du terme. La foi catholique, héritée de sa mère, qui était la sienne, et l'élan spirituel sans quoi rien de beau, de durable ne se crée. Parfois dans la souffrance. Car la foi peut aussi bien vous porter qu'être portée comme une croix...
De fait on s'aperçoit que les clichés et les codes littéraires d'hier et d'aujourd'hui se révèlent impropres à définir, analyser cette œuvre monumentale.
La phrase qui m'a fourni le titre de ce billet est le premier vers d'un poème que Tolkien écrivit dans les années 1910. On peut voir dans ces œuvres "primitives" l'émergence de ses thèmes de prédilection et de ses héros, l'embryon de sa mythologie, créée pour habiller de chair et de légendes ses langues inventées. L'élaboration de son œuvre a duré près de soixante ans. Le labeur d'une vie. Je le compare à un bâtisseur de cathédrale. De ses lointains prédécesseurs il possède la patience, la persévérance, la précision extrême, le perfectionnisme, qui lui faisait reprendre, voire réécrire des chapitres entiers, l'amour du travail bien fait, mais aussi le doute et le découragement. Et surtout la foi, dans tous les sens du terme. La foi catholique, héritée de sa mère, qui était la sienne, et l'élan spirituel sans quoi rien de beau, de durable ne se crée. Parfois dans la souffrance. Car la foi peut aussi bien vous porter qu'être portée comme une croix...
De la biographie établie par Humphrey Carpenter, on pourrait dire qu'elle est sans prétention. Humble. Respectueuse. Comment, de toute façon, aborder autrement Tolkien et son œuvre ? L'ouvrage n'est pas toujours très bien écrit (ou bien traduit) mais c'est néanmoins une lecture très vivante, et pas du tout ennuyeuse. Elle m'a rapprochée du grand homme. Je l'ai "vu" au travail, dans son bureau encombré, parmi des montagnes de bouquins, dans sa vie quotidienne.
On pourra aussi constater au passage que les Orcs sont toujours parmi nous. Je gagerais que Tolkien s'est inspiré de certains de ses contemporains pour dépeindre ces créatures, dont l'espèce se perpétue...
A la question que je me pose encore et encore en lisant "JRRT" : "Mais où est-il allé chercher tout ça ?", il n'y a pas de réponse. On n'apprend rien, ou très peu. On saisit, bien sûr, l'influence d'événements survenus durant l'enfance, de lectures, de fréquentations. Des sources d'inspiration, il y en a eu, et il faut aller les chercher dans la passion précoce de l'auteur pour les langues anciennes et modernes, dans les "gestes" nordiques et anglo-saxonnes, dans les épopées d'un autre temps. Il y a aussi l'expérience douloureuse de la Première Guerre mondiale, les champs de bataille de la Somme, et la traversée de la Seconde Guerre dans une Angleterre ébranlée, quoique Tolkien se soit toujours défendu de recourir à l'allégorie. Mais le mystère de la création, de ce qui peut pousser dans l'esprit humain, reste entier. Irréductible. On ne trouve pas Tolkien dans sa biographie. On le trouve dans ses livres. Que je vous invite à découvrir ou redécouvrir. Ce sont de merveilleux moments assurés - surtout si vous êtes au nord de la pluie...On pourra aussi constater au passage que les Orcs sont toujours parmi nous. Je gagerais que Tolkien s'est inspiré de certains de ses contemporains pour dépeindre ces créatures, dont l'espèce se perpétue...
"J.R.R. Tolkien, une biographie" par Humphrey Carpenter, chez Pocket
4 commentaires:
Une belle illustration du "Contre Sainte-Beuve" de Proust : la vie n'explique pas l'œuvre. Mais c'est une invitation à l'écriture, aussi : on peut n'être pas un héros et créer une heroic fantasy. Il suffit parfois d'un bureau ancien, bien patiné, d'une vieille pipe et de livres, de livres, de livres. De livres qu'on partage entre amis.
Ajoutons de temps en temps une bonne bière dont des lèvres rougies caressent la mousse avant de s'en délecter pour que grandisse peu à peu un blog qui nous réchauffe le cœur.
Rien n'est ennuyeux lorsque l'évocation est passionnée! (j'ai donc lu et senti votre plaisir et votre engouement) (et c'était bien!)
Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire, j'ai la certitude d'être encore heureux.
(Jules Renard)
Bisous du Vendredi et bon week-end
Maman Mule
Ps:j'ai un faible pour Harry Potter.....
Je ne l'ai jamais lu, mais après avoir parcouru avec bonheur ce texte plein de passion il n'y a plus qu'une chose à faire, s'y mettre, avec mes 2h de train chaque jour cela doit être faisable, amitié Martine
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