Muscs Koublaï Khan de Serge Lutens, j'en rêvais... Ça devenait même une obsession ! J'en ai pris possession à une table de la Brasserie Paul encore encombrée de reliefs du déjeuner de Nouvel An. Ce parfum, je l'attends depuis neuf ans. Autant dire que je crois l'avoir mérité. Depuis que dans les Salons du Palais-Royal, j'ai été envoûtée par cette nappe de musc qui me rappelle une senteur bien précise : celle d'une trousse de toilette en porc qui appartenait à mon grand-père. Dans la trousse, des flacons vides où persiste une odeur sourde que j'identifierai bien plus tard comme du musc.
Voilà pour la petite histoire. Je ne crois pas que mon grand-père ait jamais porté du musc, ni même utilisé cette trousse...
Je déballe donc le flacon sous le regard amusé d'un Anglais qui doit se demander quelle est cette folle qui s'agite au milieu de ces sacs en papier. Petite déception, le beige et le noir ont remplacé le mauve à liseré violet du cartonnage des premiers temps. Mais c'est un détail trivial ! Je poursuis le déshabillage. La bouteille en forme de cloche jaillit du carton. Une goutte de parfum sur mon poignet. Je suis décontenancée : c'est une note animale (faut-il dire bestiale ?) qui fuse. Le suint de chèvre est ce qui me vient en premier lieu à l'esprit et croyez-moi, je sais ce que ça veut dire, j'ai déjà caressé des chèvres et même donné le biberon à un biquet !
Ah, j'ai fait une erreur en me fiant à mes souvenirs ! Ils ont, le temps aidant, embelli cette fragrance qui n'est pas faite pour moi ! Cette note si peu civilisée, si peu politiquement correcte, s'estompe assez vite cependant. Je trouve que cet aspect cuiré continue à dominer la composition mais d'une façon plus "convenable". Un peu sur l'autre poignet, un peu derrière les oreilles...
Et puis... on s'est apprivoisés.
Mais l'amour a bien des mystères, et la nonne (presque moi ;-), NdA) aima le brigand*...
J'ai retrouvé "mon" musc, celui qui me transporte dans mon enfance, dans le mystère des flacons de la trousse en porc, et beaucoup plus que cela. Ce n'est pas un sent-bon, un jus anodin. C'est un parfum. Il faut l'assumer. Accepter de plaire ou déplaire. De porter quelque chose de différent. Je n'ai pas l'ambition d'en faire une analyse "technique", mais j'aime son élégance un brin années 70 avec sa note cuir, son musc suave et tenace et son fond poudré (où j'arrive maintenant à distinguer la rose). Il se fond longuement et doucement dans la peau. Sa tenue est magistrale et j'ai plaisir à le retrouver au détour d'un col ou dans les plis d'une écharpe. Il oscille entre familiarité et étrangeté - je lui trouve parfois des accents de sébum ou de laque à cheveux ! C'est une main de velours dans un gant de cuir.
Ce que j'aime aussi : pas d'épate, pas de fla-fla autour de ces créations. Rareté, exclusivité ne sont pas des arguments décisifs dans le choix d'un parfum Lutens. On est je crois au-delà de la notion de luxe. Chacun de ses parfums est une évocation, un tableau aux multiples dimensions. On n'est ni dans le passéisme, ni dans l'avant-garde, ni dans la provocation gratuite, infantile. On est, je dirais, dans la poésie, un mouvement de poésie orientaliste qui aurait saisi la parfumerie, ou du moins ce microcosme parfumé qui palpite au cœur du Palais-Royal.
*La légende de la nonne, Victor Hugo
Voilà pour la petite histoire. Je ne crois pas que mon grand-père ait jamais porté du musc, ni même utilisé cette trousse...
Je déballe donc le flacon sous le regard amusé d'un Anglais qui doit se demander quelle est cette folle qui s'agite au milieu de ces sacs en papier. Petite déception, le beige et le noir ont remplacé le mauve à liseré violet du cartonnage des premiers temps. Mais c'est un détail trivial ! Je poursuis le déshabillage. La bouteille en forme de cloche jaillit du carton. Une goutte de parfum sur mon poignet. Je suis décontenancée : c'est une note animale (faut-il dire bestiale ?) qui fuse. Le suint de chèvre est ce qui me vient en premier lieu à l'esprit et croyez-moi, je sais ce que ça veut dire, j'ai déjà caressé des chèvres et même donné le biberon à un biquet !
Ah, j'ai fait une erreur en me fiant à mes souvenirs ! Ils ont, le temps aidant, embelli cette fragrance qui n'est pas faite pour moi ! Cette note si peu civilisée, si peu politiquement correcte, s'estompe assez vite cependant. Je trouve que cet aspect cuiré continue à dominer la composition mais d'une façon plus "convenable". Un peu sur l'autre poignet, un peu derrière les oreilles...
Et puis... on s'est apprivoisés.
Mais l'amour a bien des mystères, et la nonne (presque moi ;-), NdA) aima le brigand*...
J'ai retrouvé "mon" musc, celui qui me transporte dans mon enfance, dans le mystère des flacons de la trousse en porc, et beaucoup plus que cela. Ce n'est pas un sent-bon, un jus anodin. C'est un parfum. Il faut l'assumer. Accepter de plaire ou déplaire. De porter quelque chose de différent. Je n'ai pas l'ambition d'en faire une analyse "technique", mais j'aime son élégance un brin années 70 avec sa note cuir, son musc suave et tenace et son fond poudré (où j'arrive maintenant à distinguer la rose). Il se fond longuement et doucement dans la peau. Sa tenue est magistrale et j'ai plaisir à le retrouver au détour d'un col ou dans les plis d'une écharpe. Il oscille entre familiarité et étrangeté - je lui trouve parfois des accents de sébum ou de laque à cheveux ! C'est une main de velours dans un gant de cuir.
Ce que j'aime aussi : pas d'épate, pas de fla-fla autour de ces créations. Rareté, exclusivité ne sont pas des arguments décisifs dans le choix d'un parfum Lutens. On est je crois au-delà de la notion de luxe. Chacun de ses parfums est une évocation, un tableau aux multiples dimensions. On n'est ni dans le passéisme, ni dans l'avant-garde, ni dans la provocation gratuite, infantile. On est, je dirais, dans la poésie, un mouvement de poésie orientaliste qui aurait saisi la parfumerie, ou du moins ce microcosme parfumé qui palpite au cœur du Palais-Royal.
*La légende de la nonne, Victor Hugo
3 commentaires:
C’est un régal de vous lire, vous avez une belle plume !
MKK pour moi me rappelle l’odeur sauvage et puissante d’un cerf. Petite j’en avais vu un, abattu à l’arrière d’une camionnette, l’émotion de voir cette bête impressionnante même dans la mort et surtout de sentir cette odeur incroyablement animale m’a marquée au fer rouge. Je retrouve tout cela dans ce parfum, une impression majestueuse et sensuelle. C’est le musc du roi de la forêt, possédant la même aura de fierté et d’assurance. Le fond est doux, cuiré, obsédant, miellé. Un très beau parfum mais pas facile à porter.
Nathalie,
Merci beaucoup pour votre commentaire ! Je connais votre blog, et je suis d'autant plus touchée et flattée ! L'image du cerf est magnifique ! Je ne pourrai maintenant m'empêcher de penser à la beauté et à la noblesse de cet animal quand je porterai MKK...
Parcourir à nouveau ces confidences debut le début. À petites doses, pour sentir les yeux d'abord ouverts puis fermés sur le rêve, la présence d'un parfum si bien porté.
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