mercredi 23 janvier 2008

Colette de Saint-Saëns




J'aime bien Saint-Saëns. C'est joli, c'est animé. Le vrai bourg normand tel que je me le représente. J'y suis allée pour la première fois au début du XXIème siècle. C'est le mois de juin. Colette et Marcel tiennent le café où le loustic avec qui je sors (on ne citera pas son nom) m'a entraînée dès le premier jour. Le loustic est là comme chez lui, mais il est comme chez lui partout ! C'est un café de village comme tant d'autres j'imagine, le genre d'endroit où j'ai rarement l'occasion de mettre les pieds. Des hommes qui matent. Des blagues en dessous de la ceinture.
C'est le week-end de la Pentecôte. Dans un angle de la salle, la télé diffuse des images de Roland-Garros. Mon accompagnateur reluque l'écran, harangue des connaissances, siffle des ricards. J'aurais envie prendre mes jambes à mon cou s'il n'y avait Colette. Tout de suite, elle m'a à la bonne. Chacune d'un côté du comptoir, on discute. Dans ce monde d'hommes, on s'accroche l'une à l'autre. Ensemble, on fait face à la misogynie. Je découvre une femme très fine, intuitive, réfléchie. Une femme qui a des soucis, aussi. On se trouve des affinités. Je crois qu'elle m'a cernée très vite. Elle connaît le loustic mieux que je ne le connais, mais je n'en sais encore rien. Contrairement à moi, elle ne se fait plus d'illusion à son sujet. Elle sait que la survie de notre couple est des plus aléatoires. Elle cherche à me mettre en garde par des messages subliminaux : "Quoi qu'il arrive, on reste en contact !" Et elle me donne son numéro de téléphone.
J'ai trouvé en elle une alliée, et c'est réciproque. "Je t'adore", me lance-t-elle un jour.
Puis vient une période où les occasions d'aller "là-bas" se font rares. Un Lundi de Pentecôte - un an après -, je vais prendre le café avec ma mère "Chez Colette et Marcel". On parle de nos connaissances communes. Les choses ne sont plus tout à fait les mêmes. Colette a envie de quitter Marcel, de quitter cette atmosphère délétère.
Le dernier signe d’elle est un message sur mon téléphone mobile, en septembre 2003. Elle devait me rappeler. Ou était-ce à moi de l'appeler, je ne sais plus. Sa vie était en train de changer. Elle avait divorcé. Le café était fermé. Ma vie aussi changeait à ce moment-là. J'étais sur un petit nuage. J'ai perdu son numéro. Je l'ai perdue de vue.
Une fois, je me suis renseignée auprès d'un ou deux commerçants. Ils étaient nouvellement arrivés au village, ils ne savaient pas. Je n'ai pas insisté.

Il y a bien longtemps que je ne suis pas passée à Saint-Saëns. La dernière fois les rideaux du café étaient tirés. Pas un signe de vie dans ce lieu où, comme le chantait Fugain, j'avais laissé un peu de mes amours. Et de mon histoire.
Evoquer ce passé me remue, évidemment. Mais à quoi servirait d'avoir une chambre normande si ce n'est pour y accueillir des amis d'hier et d'aujourd'hui, hein ? Je me suis promis qu'un jour, cette année, j'irais mener mon enquête à Saint-Saëns. Colette m'a-t-elle oubliée ? Aurions-nous des choses à nous dire ?
Zut, j'aimerais bien citer une phrase de Cortazar pour conclure (et faire ma maligne !), mais j'en ai oublié les deux tiers. Ce serait quelque chose comme "en croyant vous parler de Colette, je vous ai en fin de compte parlé de moi". Tout ce qu'on dit revient-il à parler de soi ?
Si je retrouve la citation je la mets ici, promis !
J'espère que tu es heureuse, Colette.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je crois être passée dans ce village... Il y avait une belle brocante à droite à l'entrée en bas du virage???
En tout cas, même si je n'ai pas été au café, l'atmosphère y est...