mercredi 31 août 2016

Au Bar de l'Escadrille - incursion aéronautique et historique


Y a-t-il un pilote dans l'avion ?

Flûte, ils sont repartis !

Charles Nungesser, pirate des airs ?

Arriver comme les carabiniers à l'aérodrome, dimanche soir : si les Alfajet de la Patrouille de France sont bien là, sagement alignés sur le tarmac, les pilotes viennent de quitter les lieux en hélicoptère, destination Saint-Quentin où ils sont attendus après la démonstration qu'ils viennent d'y effectuer.
Pour se consoler, entrer dans le pub, s'installer sur des tabourets face au bar et s'offrir une "petite coupe". On papote parmi la clientèle de "vieilles tiges", on salue Untel et Untel. A travers le bruit des voix et des voitures, une chanson d'Adele me parvient soudain, lointaine, par bribes, un peu irréelle... A un moment donné je n'entends qu'elle. J'écoute les paroles, qui prennent, dans ce contexte, une résonance inconnue...
Les flûtes vides semblent appeler un nouveau "remplissage", mais je ne me laisserai pas tenter : je dois reprendre le volant, et j'ai oublié mon permis à la maison. Si jamais je tombe sur un contrôle... Je laisse donc ma flûte à sa soif. Étrange objet, non pas par la forme ou la fonction : il est sérigraphié à l'emblème - macabre ! - de Charles Nungesser, qui a donné son nom à ce qui est depuis trois ans l'aéroport de Valenciennes. On devrait peut-être le faire figurer sur les paquets de cigarettes - l'insigne, bien sûr, qui rappelle à la fois le genre des Vanités, le fameux pavillon noir des pirates, et pourrait fort bien être récupéré par la tendance gothique... Nungesser - dont de nombreuses photos ornent les lambris - aurait adopté cette association de symboles inscrits dans un cœur noir lors de la Première Guerre mondiale, bras d'honneur à l'ennemi dont il s'appropriait sur le mode provocateur quelques attributs emblématiques. Mais lui-même ne se jouait-il pas de la mort ? Ne la défiait-il pas sans cesse, dans une pirouette, réelle et figurée ?... "As des as" que j'imagine tout en courage et panache, embarqué avec François Coli pour une traversée sans escale - encore jamais réalisée - de l'Atlantique Nord à bord de L'Oiseau Blanc, en 1927, sa disparition et celle de son compatriote restent une des énigmes les plus opaques de l'histoire de l'aviation. Les deux hommes n'atteignirent jamais New York où la foule les attendait, prête à les acclamer.
They vanished like midnight ghosts, écrira Lindbergh dans son autobiographie. Et pourtant, nous assure le gérant du pub, Nungesser et Coli sont bien arrivés sur le Nouveau Continent. L'avion aurait été abattu ou du moins touché à proximité de Saint-Pierre-et-Miquelon par des bootleggers ou par les garde-côtes américains qui traquaient ceux-là même à cette période de Prohibition... Mais il existe d'autres hypothèses. Saura-t-on jamais ?
Et de penser à Etretat, dernier point du sol français d'où ils ont été aperçus, Etretat qui a fait poser, sur la falaise, une plaque en mémoire des deux aviateurs, et ériger un monument, fine flèche blanche percée d'une arche qui évoque le bec d'un "Oiseau Blanc" et symbolise, pour moi, la quête de l'Ailleurs, éternel tourment des hommes, à travers les espaces infinis, et de l'horizon toujours repoussé. La route monte sec. Au sommet se trouve la chapelle des marins. Nous étions allés jusque là au cours de vacances à Yport, pour la première fois j'entendais les noms de Nungesser, Coli et l'Oiseau Blanc, je fus marquée, impressionnée par leur histoire. Ils entrèrent dans ma propre légende, et mon imagination prit elle aussi son essor dans le vaporeux sillage de ces "fantômes de minuit".
J'avais sept ans.



2 commentaires:

Anonyme a dit…

Jolie leçon d'histoire : on comprend que les aviateurs n'aiment guère la prohibition!

Triskell a dit…

Joli billet nostalgique qui nous "élève" et nous fait rêver.
Très glamour la trace de rouge à lèvres sur la flûte à Champagne ;-)