lundi 28 février 2011

TNT (comment j'ai dénudé une âme)

TNT. Très Nettement Tannant. Ma région a basculé au "tout numérique" voici quelques semaines. Un changement imposé et non choisi. Tout ça pour garder notre chère télé. Des mois durant on nous a bassinés à coup de spots télévisés assez ineptes et fort peu didactiques, en nous promettant au final une profusion de chaînes qui apporteront, à coup sûr, un bonheur sans ombre dans chaque foyer. Hors de la TNT, point de salut, mais le spectre de l'écran blanc qui laisse le téléspectateur extrêmement frustré. Pis que la grippe H1N1 ! Pis qu'une menace d'invasion extra-terrestre !
Mouais.
Je vais acheter un décodeur avec des pieds de plomb. Qu'on se le dise, c'est l'anti-achat-plaisir par excellence ! Un modèle de base me suffit. Le vendeur m'assure que la vétusté de mon antenne m'interdira toute réception du signal. C'est décidément la Grande Menace en vogue. Et de me proposer un forfait d'installation, réglable de suite... Et qui coûte un œil...
Pas question de me séparer de mon antenne, qui constitue un perchoir apprécié des tourterelles et des grives !
Attendons un peu. Dans l'immédiat un autre problème se pose : la fiche qui termine le câble reliant l'antenne au poste est en piteux état. Il faut la remplacer. C'est là que ça se corse.
Munie du matériel, me voilà prête à agir. Je me sens comme un chirurgien sur le point de séparer des jumeaux siamois. Première étape : se débarrasser de l'ancienne fiche. Elle résiste mais se détache grâce à un coup de ciseaux bien placé : mise en pratique du principe du Nœud gordien. Le câble ressemble à un serpent décapité. Plus question de revenir en arrière. Je désosse la fiche neuve, m'obligeant à maîtriser ma fébrilité. Un bouquet de petites pièces de plastique et de métal jonche bientôt  le plan de travail. Vais-je savoir remonter "ça" ? Je suis au bord de l'abandon face à ces éléments éparpillés. Au magasin de bricolage, on m'a pourtant expliqué. Les schémas trouvés sur le Net ne m'ont guère éclairée. Je sais au moins comment se compose un câble coaxial. Il possède plusieurs couches concentriques de  différents matériaux. Au centre passe un fil de cuivre, l'âme. C'est par elle que transite le signal - la vie du poste. Armée d'un cutter, je découpe une première épaisseur du revêtement plastique. Apparaissent des fils métalliques tressés qu'il faut tortiller, façon coiffure d'Obélix ou barbe de Nain tout droit sorti d'un livre de Tolkien. Je m'attaque à la couche centrale de la gaine. Voilà l'âme. Il est rare d'avoir une âme nue devant soi, alors profitons-en. Histoire de la rendre un peu plus docile, je la regarde dans les yeux avant de la saisir par son cou délicat, l'insérer puis la bloquer dans la fiche, et enfin me hâter d'assembler au mieux le fourbi. Aïe, ça coince. Je sue sang et eau. Je revisse non sans peine l'ensemble, qui semble bien arrimé au câble. Un essai de branchement. Une image apparaît sur l'écran. J'ai réussi ! Je vais pouvoir installer l'adaptateur et vérifier son bon fonctionnement. Manifestement ma vieille antenne remplit encore honorablement son office, et je n'ai pas pris de râteau...
Mais, allez-vous dire, pour éviter ces tracas, je n'avais qu'à acheter un téléviseur à écran plat avec décodeur intégré ! Oui mais voilà, il faut tenir compte des chats. Ce sont des cathodiques fervents. Avec un écran plat, où piqueraient-ils leur petit roupillon vespéral ? Ils m'ont d'ailleurs fait savoir haut et fort leur réprobation en organisant rassemblements et cortèges de protestation. Croyez-moi, rien n'est plus impressionnant qu'une manifestation de chats décidés, défilant en rangs serrés. Ils brandissent pancartes, banderoles et calicots portant des slogans bien sentis : "Écran plat, j'en veux pas !", "Écran plat, t'es foutu, les matous sont dans la rue". Et ainsi de suite.
J'ai ployé devant tant de détermination. Point d'écran plat pour illuminer mes soirées. A la question posée familièrement par les Anglais, "What's on the box tonight ?" ("qu'y a-t-il à la télé [littéralement : sur la boîte] ce soir ? "), je peux donc logiquement répondre "Un chat".

7 commentaires:

Hélène Flont , french illustrator a dit…

.... et moi j'aimerai bien voir l'équipée sauvage des matous venir mâchouiller quelques âmes et connectiques en douce représaille.
Plus sérieusement, vous m'avez bien fait rire!!!
Chaleureusement à vous et aux grévistes
✿◕ ‿ ◕✿

Anonyme a dit…

C'est charmant!
;-)

panti a dit…

Tu peux aussi faire comme chez Mulette et ne pas avoir la TV dans ce cas les chats sont sous les couettes de lit...
Bisous
Maman mule
Ps:Pattenrond n'est pas bien et je pense que c'est bientôt la fin.

Martine a dit…

Oh comme ton billet plein d'humour sur les incongruités de notre civilisation m'a fait du bien, il m'a redonné envie de rire après une journée de totale désillusion sur les êtres humains, j'avais besoin de la gente féline et d'humour, tu m'as donné les deux! Bonne soirée, je t'embrasse, Martine

les Sylvestres a dit…

Merci pour ce texte plein d'humour !! Et vive les chats !

Philippe a dit…

Reste à espérer qu'après cette vague insurrectionnelle vos cathodiques pratiquants auront su se montrer charitables en ronrons !

LE CHEMIN DU BONHEUR a dit…

J'ai chat doré !
Merci