jeudi 20 mai 2010

Un goût d'inachevé


J'ai relu récemment Les meurtres du Titanic, de Max Allan Collins. Le bouquin était perdu depuis des années et je le cherchais. Il a été retrouvé, telle une épave par une mission océanographique. Et j'ai revu le film de James Cameron. La relecture du livre fut décevante, éloignée des souvenirs que j'en avais. Le visionnage du film fut palpitant, mais ô combien prévisible...
Mais ces œuvres m'ont replongée dans une atmosphère familière. Lorsque j'étais enfant, entre les contes de fées, les histoires de trolls et de princesses que j'adorais, s'intercalait le récit du naufrage du Titanic. Je ne sais pas pourquoi. Je le réclamais. J'ai absorbé le Titanic dans mon biberon (ou presque), j'ai eu le temps de m'en imprégner.
J'étais très jeune quand mon grand-père m'a appris que la partie émergée de l'iceberg ne représente qu'un dixième du volume du bloc de glace. Ce sont des choses fort utiles, et qui ne s'oublient pas. Même si vous n'avez pas l'occasion de croiser dans l'Atlantique Nord.
A la F**C, deux DVD étaient disponibles : le film tel qu'il a été diffusé sur les grands et petits écrans, et sa version allongée de scènes coupées au montage. Je me suis renseignée auprès du vendeur - qui n'a pas goûté ma question mais m'a confirmé : dans les deux versions, le bateau coule à la fin. Ce qui ne laisse pas de me décevoir et me confondre. C'est de l'arnaque ! Pourquoi pas un Titanic avec une fin heureuse, si on y met le prix ?
Stoppez les machines. En arrière toute. On ne devrait pas plaisanter avec ça.
Le Titanic, c'est une fascination qui ne m'a jamais quittée. Des images presque aussi anciennes que ma mémoire. Le grand paquebot filant dans la nuit. Superbe, "incoulable", sûr de sa destinée. Les lumières, la musique. Devant, New York, le port, les docks, l'accueil triomphal. Et puis, le choc. Le lent engloutissement. La nuit glacée, l'eau noire, les grincements sinistres de la membrure, les appels et les cris. "Il est insubmersible !". "Ce n'est pas l'eau qui monte, Monsieur, c'est le bateau qui s'enfonce". Réponse apocryphe, peut-être, mais si juste. Et si terrifiante...
Plus de mille cinq cents victimes. Des figures attachantes. La silhouette tutélaire du Commandant Smith. La conscience professionnelle de Thomas Andrews, l'architecte naval. Et tant d'autres...
Que peut-on en retenir, à six-sept ans ? Pourtant, bien longtemps après la fin de l'enfance, j'ai lu des ouvrages, vu des documentaires. "Il" n'a cessé de me hanter, comme un problème irrésolu sur lequel l'esprit vient buter. Comme la racine carrée de -1...
Titanic, objet de toutes les vanités. Titanic, si humain malgré ton nom, vieux compagnon de mon imaginaire enfantin...
Longtemps j'ai refusé de voir le film, de peur que mes représentations ne volent en éclats.
Sujet un rien tabou car, peut-être, sacralisé...
Un billet de blog ne suffit pas à parler de toi, du mythe que tu représentes pour moi, non...
Titanic, l'absent-présent... Le deuil impossible...
Sur un déclic - comme le fait de remettre la main sur ce bouquin - naît, de temps à autre, le besoin d'y revenir, de plonger dans son mystère. Au-delà de la tragédie, de son infinie résonance dans nos esprits, l'histoire du Titanic laisse un goût d'inachevé. Comme sa traversée interrompue. Ça n'aurait pas dû arriver. Où et quand la machine du destin s'est-elle enrayée ? Pourquoi ?
Encore aujourd'hui, on glose beaucoup sur les causes de la catastrophe. Vitesse trop grande en zone dangereuse, manœuvres inappropriées face à l'obstacle, mauvaise qualité des rivets, orgueil de l'armateur lancé dans  la conquête du prestigieux "Ruban Bleu". On a pointé des responsabilités. Mais saura-t-on jamais ?
Course à la performance et à la médiatisation, foi illimitée dans le "progrès"... Près de cent ans plus tard, sommes-nous si bien placés pour juger ?

Illustration : huile de Yannis Markantonakis.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

« Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage,
Et la mer est amère, et l'amour est amer,
L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer,
Car la mer et l'amour ne sont point sans orage.

Celui qui craint les eaux qu'il demeure au rivage,
Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer,
Qu'il ne se laisse pas à l'amour enflammer,
Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.

La mère de l'amour eut la mer pour berceau,
Le feu sort de l'amour, sa mère sort de l'eau,
Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes.

Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux,
Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,
Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes. »
Ton texte me fait penser au poème de Marbœuf, publié à Rouen, je crois. C'est la glace qui arrêta le Titanic, mais nous ne sommes pas à un contraste baroque près!

panti a dit…

La toile,je l'adore!!!
Bisous et bon grand week-end au soleil......
Maman Mule

Anonyme a dit…

Bientôt un autre navire, vu par une photographe qu'on a vue à l'œuvre?...

DE CHAT EN CHATS a dit…

Bien que Bretonne mais de l'argoat, je ne suis pas attirée par la mer, et je fais partie des rares qui n'ont pas vu Titanic !
Bisous du week end