vendredi 26 novembre 2010

Enfance... et amitié !

Hélène m'a conviée à répondre à un petit questionnaire sur l'enfance et à contribuer ainsi à forger une chaîne de l'amitié. D'autres amis blogueurs se sont prêtés au jeu. Pourquoi pas ? Pourquoi pas ce regard en arrière comme au travers l'objectif d'un télescope qui, on le sait, nous montre l'univers tel qu'il était dans un passé lointain ? Pourquoi pas livrer, en quelques lignes, avec toute la sincérité possible, des bribes de mémoire, ces choses qui nous semblaient importantes quand nous étions petits, graines d'enfance persistant au plus profond de nous ? Ce retour sur soi méditatif s'accorde à la période qui précède Noël.
Quelque part, à des années-lumière, sur une planète extra-galactique, des petits hommes gris, avec leurs instruments optiques perfectionnés, observent peut-être, intrigués, les jeux et les ris des enfants que nous fûmes...

L'enfance, c'est tout ce qui n'est pas écrit - Jacques Brel

1/ Quand vous étiez petit(e), que répondiez-vous à la question :"Et toi, que veux-tu faire quand tu seras plus grand(e) ?"
A neuf-dix ans je voulais être gemmologue (j'ai toujours ma collection de pierres et il m'est resté quelques  bribes de connaissances), archéologue ou égyptologue.

2/ Quels ont été vos BD et dessins animés préférés ?
J'ai bien dû lire quelques albums de Tintin ou de Lucky Luke mais la BD ne m'a jamais passionnée. Je me plaisais beaucoup plus en compagnie du Club des Cinq et, surtout, de Fantômette, dont je dévorais les aventures au fur et à mesure de leur parution !
"De mon temps", les dessins animés que j'allais voir au cinéma étaient signés Walt Disney, nous n'avions pas le choix ! Mais ils étaient synonymes d'émerveillement et d'émotion.

3/ Quels ont été vos jeux préférés ?
Je passais beaucoup de temps dans un royaume imaginaire avec ma poupée et mes ours en peluche. J'aimais aussi beaucoup les petites voitures. Pourtant, je n'avais rien, autant que je me souvienne, d'un garçon manqué.

4/ Quel a été votre meilleur anniversaire et pourquoi ?
Je me rappelle avec bonheur (et nostalgie !) mon vingtième anniversaire. Fous rires avec ma meilleure amie, qui m'avait offert la "Rubrique-à-brac" de Gotlib. Souvenir d'une journée "parfaite".

5/ Qu’est-ce que vous auriez absolument voulu faire et que vous n’avez pas encore fait ?
Un stage de pilotage sur un circuit automobile, autour de mes vingt ans. Mais le voulais-je si absolument ? L'absolu n'est pas de ce monde, les physiciens vous le confirmeront. Le zéro absolu n'existe pas, la lumière a une vitesse finie et il en va sans doute de même pour la détermination humaine, elle a ses limites (contrairement à la bêtise, comme le rappelait Einstein, qui elle est une exception ;-)), enfin ça dépend des objectifs que l'on s'est fixés je pense...
Qu'est-ce qui m'a retenue ? La peur de partir en tonneaux, de me casser quelque abattis, je crois.  Ou de me prendre, ensuite, pour la Michèle Mouton (rien à voir avec les brebis de Douvrend) de la route. J'ai quand même eu droit à un baptême de piste sur le circuit Bugatti du Mans. Et j'ai eu la chance de conduire des engins à quatre roues capables de vitesses que les forces de l'ordre réprouvent...
Mais si j'ai renoncé à l'idée du stage de monoplace, je m'offrirai bien quelques tours de piste au volant d'une Alfa 8C ou d'une Lamborghini Murcielago...

6/ Quel était votre premier sport préféré ?
Le vélo, même si on ne peut pas vraiment parler, en ce qui me concerne, de sport. Ah, la joie de pouvoir tenir sur deux roues ! Un grand pas vers l'autonomie et une satisfaction qui n'ont été détrônés que par le décrochage du permis de conduire !

7/ Quelle était votre première idole en musique ?
A 12 ans j'étais amoureuse de Nicolas Peyrac ! 

8/ Quel est le plus beau cadeau de Noël (ou équivalent) que vous avez reçu ? 
Le Petit Robert des noms propres que ma mère m'a offert il y a quelques années. Un dictionnaire est pour moi un des plus beaux cadeaux qui soient : ce n'est pas seulement un instrument de connaissance (ce qui n'est déjà pas mal), c'est un univers, un terrain d'envol pour l'imagination. Il était accompagné d'une bougie de l'Artisan Parfumeur, "Thé et pain d'épices", à l'odeur merveilleusement évocatrice. Je l'ai toujours.



Maman Mule et Philippe sont les amis blogueurs que je comptais inviter, mais Hélène m'a devancée ! Aussi j'aimerais passer le témoin à Joëlle, Elvézia, A l'ombre du jardin, Curieux Petit Lieu et Côté Arcades.

  

mardi 23 novembre 2010

Gunnar Staalesen, l'œuvre au Nord


Médiathèque Guy de Maupassant d'Yvetot, 15 heures. Dans le cadre du festival les Boréales, qui célèbre les cultures et la création nordiques, le romancier norvégien Gunnar Staalesen vient à la rencontre de ses lecteurs. C'est l'émotion et l'excitation. Je suis aussi intimidée !
Si les livres sont des choses bien concrètes, les écrivains sont toujours un peu abstraits. On connaît leur nom, parfois leur visage... what else ? On n'a pas souvent l'occasion de les rencontrer. On ne vit pas sur la même planète. Alors on se demande s'ils existent vraiment, si les bouquins ne sont pas nés comme ça, ex nihilo, s'il y a bien quelque démiurge derrière, à l'origine du monde que l'on tient entre les mains, de ces pages couvertes de petits signes d'où s'envole et s'ordonne tout un univers. Et puis, à supposer qu'ils existent, on ne sait pas sur quel genre de personne on va tomber. C'est pourquoi une rencontre avec un auteur présente toujours un caractère d'irréalité.
Aujourd'hui Gunnar Staalesen est là, devant son public. Il est accompagné de Mme Staalesen, de son traducteur, Alex Fouillet, et d'un organisateur du festival. Nous attendons sagement, dans la confortable salle de conférence de la médiathèque.
J'ai découvert ses polars il y a plus de quatre ans. La littérature policière scandinave faisait alors une percée sur les rayonnages des librairies et on connaît le succès qu'elle a aujourd'hui. Mais ce sont ces livres-là qui ont attiré mon attention et que j'ai emportés chez moi. La Norvège. Garance, la Fée. Il est possible qu'elle ait guidé mes choix de lecture (oui, un chat, je sais !). La nuit, tous les loups sont gris, La belle dormit cent ans, Ange déchus... autant d'œuvres qui m'ont entraînée au cœur de la ville de Bergen, sur son port, dans le dédale de ses petites rues. Mon guide : Varg Veum, que j'ai suivi au fil de ses enquêtes.
Gunnar Staalesen prend la parole. Il se présente avec un texte saupoudré d'humour et de malice, dans un français rythmé par un accent venu de loin. L'audience est tout ouïe. Des sourires fleurissent brièvement sur les visages. Né en 1947 à Bergen, où il réside toujours, il est venu à la littérature policière en 1975. Il crée alors le héros que l'on retrouvera dans tous ses polars, Varg Veum, ancien assistant social reconverti en détective privé. Le nom de Varg, issu du vieux norrois, signifie "loup". Et Varg Veum, c'est celui qui est destiné à ne jamais trouver la paix. L'auteur évoque Hammett, Chandler, les fondateurs du roman noir, les modèles. Il raconte : lorsque ses premiers ouvrages parurent en France, les éditions Gaïa proposèrent ce slogan : "Des polars au pays des ours blancs". Pourquoi pas ? Mais "en Norvège, les détectives privés ne sont pas beaucoup plus nombreux que les ours blancs" ajoute l'écrivain dans un clin d'œil. Au fil de ses propos se précise la silhouette de son héros, comme projetée en trois dimensions. Vivante. Varg est cependant différent de Gunnar ; ce n'est pas son double littéraire. Mais, comme l'exprime joliment l'auteur, "c'est un très bon ami".

 Face à ses lecteurs...

Nous sommes dans les années 80. Varg, le marginal, le solitaire, évolue dans une société norvégienne malmenée, en perte de repères. La richesse soudaine née de la manne pétrolière, au début des années 70, n'a pas bénéficié équitablement à tous les citoyens. Frustrations, hypocrisie, mensonge, violence, addictions destructrices se révèlent sous le vernis d'un modèle social qui s'est trop longtemps voulu "idéal". La belle façade n'a pas résisté et Gunnar/Varg en explore les failles et leurs corollaires, les effets dévastateurs sur les êtres fragilisés, défavorisés, à la dérive - de façon visible ou non. Plongée en apnée dans la noirceur de ce monde. Il se penche sur cette humanité avec lucidité et compassion tout en dénouant les fils d'énigmes qui le confrontent souvent à la violence... à ses propres dépens. Mais le détective, astucieux et doté d'une langue bien pendue, se tire en général sans trop de dommages de situations épineuses... Ses méthodes sont peu conventionnelles mais efficaces, ce qui lui vaut quelques démêlés avec la police "officielle". Il s'offre parfois le réconfort fugace de l'aquavit (la bouteille est dans le tiroir de son bureau), mais pour renouer très vite avec la réalité... Et, surtout, les vicissitudes n'entament pas l'amour de la justice qui l'anime.
Ajoutons que Varg est un des très rares héros de la littérature policière à posséder sa statue, ce qui fait de lui une idole, un personnage du patrimoine norvégien mais aussi une figure du domaine policier mondial  ! Posté au pied de l'immeuble qui abrite son agence, bras croisés, il attend dans la nuit berguenoise...
Gunnar Staalesen ne se contente pas de briller dans le genre policier : il évoque un autre pan de son œuvre, Le roman de Bergen, une somme littéraire, publiée chez nous en six tomes, où s'entrecroisent les destins de familles berguenoises tout au long du 20e siècle. Bergen est toujours là, elle est moins un arrière-plan  qu'un personnage à part entière. L'écrivain se pose en témoin de l'évolution de sa ville et des hommes qui y vivent, aiment, souffrent, meurent. Il cite un auteur norvégien dont je n'ai pas retenu le nom : "Le monde change, tout change, mais le cœur humain reste le même".
Le romancier se livre volontiers au jeu des questions-réponses avec beaucoup d'à-propos et, toujours, d'humour. Mes craintes se sont dissipées : c'est un homme simple, accessible, attentif, proche de ses lecteurs. Il ne joue pas les stars. Public et invités sont ensuite conviés à prendre le verre de l'amitié (pas d'aquavit, malheureusement mais... du cidre !) et l'échange se poursuit, direct et chaleureux. Skål ! Simultanément, traditionnelle séance de dédicace, avec le sourire !

Concentré...

Alex Fouillet se révèle lui aussi très abordable. Il réalise un travail de traduction remarquable et n'hésite pas à "démythifier" son métier, à la fois plaisir et passion pour la littérature. Il est le passeur qui fait franchir aux livres la frontière des langues pour nous les rendre accessibles. A ce titre il mérite notre admiration !

Alex Fouillet, un traducteur en Nord...

L'heure est venue de se séparer. Un grand moment, une belle rencontre marquée par l'humanité et la simplicité de l'auteur. J'en oublie les deux cent cinquante kilomètres que j'ai derrière moi....
Pendant ces instants si riches trop vite enfuis, la Norvège était là, à portée de main. J'ai ressenti son appel. Un jour j'irai à Bergen, je parcourrai, sur les traces de Varg Veum,  les quais de Bryggen et les rues bordées de maisons de bois, les rives de son fjord, contemplerai les sommets qui l'enchâssent et rêverai face au large...

C'est que les vents tombant des grands monts de Norwège
T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté.


Garance a franchi la porte du Royaume des Fées, mais ses pouvoirs magiques sont toujours à l'œuvre.



Les romans de Gunnar Staalesen sont publiés chez Gaïa. Ses polars sont également disponibles chez Seuil Policier.

Un grand merci au personnel de la médiathèque d'Yvetot pour son accueil !

samedi 13 novembre 2010

La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et de la Normandie




Poser son sac plus d'une nuit dans une même chambre normande est un luxe. Vouloir tout voir, tout saisir, tout retrouver, faire jaillir les sensations présentes et passées... Un luxe que je me suis finalement décidée à m'offrir. L'approvisionnement des stations-service est rétabli. Enfin, pas partout. Aux pompes de mon aire, plus une goutte de carburant. Heureusement il reste du café ! Et il y a de l'essence dans le réservoir de la Tine, au moins pour aller jusqu'à Dieppe.
Je me sens chez moi quand je m'engage sur ma petite route. A ma gauche, l'Eaulne ondule et offre au regard ses miroitements mouvants, joyeuse, indifférente au temps qui passe et aux saisons. Aux confins des pays de Caux et de Bray, la Normandie a revêtu son éphémère tenue d'automne. Mais quelle splendeur ! Elle se pare de jaune, de roux, de rouge, tandis qu'une brume évanescente nimbe le paysage au loin. Une beauté saisissante, presque irréelle, qui prend aux tripes. Je ralentis, saisie de respect face à ce décor somptueux, dernier sursaut de vie avant le dépouillement de l'hiver. 
Installation dans ma chambre. Normandie, nomadie. Havre provisoire, incertain, comme toujours. Mais je suis là. Dans un air, une lumière normands que je goûte comme une assoiffée. Avec, qui plus est, la perspective d'un dîner au Comptoir à Huîtres.
Journée à Rouen, le lendemain. L'autoroute est une entaille dans le pays de Caux, longée de champs et de clos-masures. La ville me semble presque hostile sous un ciel bouché qui libère épisodiquement des gouttes mouillées. Les plus désagréables. Parfaitement. Tout change. Le Palais des Congrès a fait place à un chantier  bruyant caché derrière des palissades. Le pire comme le meilleur peuvent en sortir. "La forme d'une ville change plus vite, hélas, que le cœur d'un mortel", déplorait Baudelaire en son temps, ce en quoi il avait raison. Je le constate ici. Déjeuner dans la semi-obscurité du "Big", immuable lui, son bois sombre patiné, ses banquettes capitonnées, haut lieu de la mémoire. Dans les rues je traîne, j'essaie de m'imprégner de l'atmosphère, je creuse pour trouver les souvenirs, la nature de ce qui m'appelle et me retient ici. Mais Rouen est fermée, inaccessible, à moins que je n'aie pas aujourd'hui la réceptivité nécessaire. L'alchimie ne peut pas fonctionner à tous les coups. Après l'agitation de la grand-ville, je retrouve avec bonheur et soulagement le calme de ma chambre dieppoise.
Dieppe. Déjeuner sur le port est aussi un luxe. Un voyage immobile à la Marius, une aventure à peu de frais, mais Marius finit tout de même par prendre la mer pour voir si la réalité rejoint le rêve. Ici le retour est devant moi, comme un couperet. Je savoure d'autant plus le moment présent. Et le tiramisù aux pommes, qui est délicieux. Je m'étais pourtant promis de n'en prendre qu'une cuillerée ou deux. Partir. Rentrer. Quitter ce décor, cette ambiance que j'aime.
Je reprends la route. Je longe le quai de Norvège, squatté par les goélands. Au revoir, Dieppe. A bientôt. Consolation : les brebis de Douvrend sont de sortie ! Je les avais aperçues à l'aller. Vous pouvez deviner ma joie ! Elles paissent dans leur pâture clôturée, qu'on appelle le grand champ bêlant. Ce sont des brebis d'automne : elles n'ont cure d'avoir la laine fraîche. Je commençais à craindre de jamais les revoir, voire à douter de leur existence ! Curieusement, ce sont les premières photos que j'ai faites d'elles qui m'ont permis de découvrir, à l'arrière-plan, leur domaine, trop focalisée sur ces ovins quand je les aperçois de ma voiture. La perspective révèle de la brique et du colombage. Des arbres et des prés. De douces collines. Le calme bucolique, profond. L'essence de la Normandie. Un décor que je partagerais bien avec elles (mais pas question, évidemment, d'aller brouter l'herbe à quatre pattes)...



J'ai gardé le meilleur pour la fin : Fréauville a aussi ses brebis ! Et même ses poules ! Elles voisinent dans le même verger. Un arrêt s'impose, zap en main, pour fixer la scène.
Peut-être à mon prochain  passage verrai-je le résultat du croisement des deux espèces, un coq ovin.