mardi 29 septembre 2009

L'Eternel Retour



Je me suis décidée, à la faveur d'une remise au Printemps. L'Heure Bleue, mon vieux compagnon, est de retour. Il ne m'a jamais vraiment quittée (par là j'entends que j'en ai toujours gardé un flacon, mais je me sens bien hypocrite en proclamant ma prétendue "fidélité").
Guerlain. Une connotation bien trop BCBG pour moi. Des jus classiques. Des souvenirs pas forcément agréables. Porter L'Heure Bleue, c'était refuser d'évoluer, de secouer ma mue. Depuis quelques années je me suis tournée vers les Lutens, ces puissants philtres orientaux. Et puis.
J'ai commencé par quelques pschitt d'eau de parfum, le soir. C'était un besoin que j'éprouvais avant de me pelotonner sur le canapé, devant un bon DVD, dans une lumière douce. Mon parfum oublié m'apportait plaisir olfactif et réconfort. Je retrouvais le matin sur ma robe de chambre (celle qui fait fuir les araignées) ses notes de fond balsamiques et poudrées. Une sorte de réappropriation. L'atomiseur n'est pas neuf et le parfum s'est peut-être altéré. Parfois il me semble que oui, parfois je retrouve toutes ses notes intactes. Elles exhalent même des accords insoupçonnés jusque là : le Sénophile que l'on mettait sur les fesses des bébés "de mon temps", la pâte d'amande, la cire d'abeille (mais peut-être est-ce dû au fait qu'il a "tourné", justement ?). Il y a le piquant, l'amer et le doux. Pour en avoir le cœur net, j'ai re-senti l'eau de toilette voici peu, sur mon bras, pas sur une mouillette. J'ai découvert qu'elle me plaisait toujours. Ses notes sont moins insistantes, plus douces. L'eau de parfum possède quant à elle une autre dimension, qui amplifie certains accords...
Les deux "versions" m'enveloppent d'une aura sacrée protectrice.
Une histoire faite pour durer de nouveau ? Je ne sais pas. Mais je sais que si les amours passent, les parfums restent.
C'est donc au stand Guerlain du Printemps que je suis passée à l'acte.
La femme est un roseau dépensant.

lundi 28 septembre 2009

L'aventure commence à l'aurore



Les vêtements et les produits de beauté qui rejoignent l'un après l'autre le sac de voyage. Le chargement de la batterie du zap. La vérification des niveaux de la Tine. Le stock de provisions pour les chats. Je ne m'inquiète pas pour eux : non qu'ils sachent ouvrir les boîtes eux-mêmes, mais une voisine dévouée en prendra soin.
J'ai réservé pour deux nuits en chambre d'hôtes à Duclair. La maison est en bordure de Seine. Départ mercredi matin. Peut-être un crochet par Dieppe, en fonction de l'état des troupes.
Mais que d'obstacles, que de complications, tant extérieurs qu'intérieurs, comme le souligne Gris-Bleu, avant de se décider, de se lancer !
J'évite de penser au retour.
Découverte d'une nouvelle chambre normande. Le lieu, je le connais bien. Duclair, c'est une histoire très ancienne. Elle va s'offrir un peu de renouveau.

L'aventure commence à l'aurore
A l'aurore de chaque matin
L'aventure commence alors
Que la lumière nous lave les mains !



(Le texte complet est ici)

vendredi 25 septembre 2009

Ecrits et larmoiements



Séjour en Normandie reporté depuis des semaines, des mois, même... je désespère. Je m'étais promis d'"essayer" une chambre d'hôtes en bordure de Seine à Duclair, fraîchement repérée sur le Net. Je m'étais promis beaucoup de petits voyages cette année, et puis...
Je suis clouée ici. Je vois la chambre normande se transformer en mirage, s'éloigner.
Les soucis se sont accumulés. Des travaux d'étanchéité qu'il faut envisager sur mon toit, des réparations sur ma voiture  ("la Tine") qui vieillit...  Des choses matérielles, certes, mais qui affectent et le moral et les finances.
Condamné à l'immobilité, on se trouve des prétextes : le couvreur qui doit passer pour faire un devis, ma chatte Taïga qu'il faudra conduire chez le vétérinaire pour s'assurer que la suture cicatrise correctement (elle a dû être "recousue" suite à un vilain abcès qui ne lui a plus laissé de peau sur une grande partie du cou)...
Rien n'avance et l'été est passé...
Je plonge dans des bouquins pour échapper mon environnement que je n'aime pas. Un pis-aller ! Ainsi, à défaut d'autres destinations, j'ai beaucoup voyagé en Terre du Milieu ces derniers mois. Il y a des gens qui rêvent d'y vivre et ont encore moins de chances que moi de voir leur désir se réaliser. Relativisons, donc. Mais, quand même...
Les dîners au Comptoir à Huîtres me manquent. Je suis même prête à me contenter d'un café face au port de Dieppe ! Au Mascaret, par exemple, ce café qui porte le nom de mon "Tout-Doré" ! Et les fameuses brebis de Douvrend que je vois (lorsqu'elles sont de sortie) en passant par ma petite route et qui n'ont pas leurs pareilles au monde !
Et une bière au "Big"... Et simplement flâner dans les rues de Rouen, capter l'atmosphère de ma ville grise et bleue...
Faut-il renoncer, se résigner ? Se dire qu'on n'ira plus "là-bas" - trop de soucis, de contraintes - et l'accepter ? Apprendre à se contenter de ce qu'on a ? De petites distances, de petits "ailleurs" ? Est-ce là la sagesse ? Je ne suis pas sûre que les "privations" mènent à la béatitude...
Penser à la Normandie est-il le meilleur moyen de se rendre malheureux ? Je me refuse encore à le croire...

mercredi 16 septembre 2009

A l'ouest de la Lune, à l'est du Soleil


J'éprouve, en lisant les histoires de Tolkien, le même sentiment que lorsque mes parents me lisaient des contes de fées quand j'étais enfant. Trolls terrifiants, fées, princesses et chevaliers... J'en redemandais. Ma mère en devenait aphone. L'apprentissage de la lecture a marqué le début de mon autonomie. Si j'y réfléchis, peu de choses dans ma vie ont eu l'importance de cette découverte. Elle a entre autres permis à ma mère de retrouver sa voix, quoique... se laisser raconter des histoires (des contes de fées, j'entends !) est un plaisir inépuisable, unique, qui n'a pas disparu avec l'âge.
C'est peut-être une des raisons pour lesquelles j'aime John Ronald Reuel Tolkien. Il est pour moi avant tout un fabuleux conteur. Il est une voix. Je suis venue à lui sur le tard. La trilogie filmée du Seigneur des Anneaux, découverte en début d'année (bon, bon, on va dire que j'assume !), a provoqué le déclic. La suite a été comparable a un lâcher de barrage. L'auteur s'est engouffré dans ma vie et n'en est plus sorti. Lecture du roman éponyme, du Silmarillion, des Contes et légendes inachevés, de bribes d'Histoire de la Terre du Milieu et tout récemment de Bilbo le Hobbit, que j'ai adoré, et des Enfants de Húrin, dont la fin m'a fait pleurer... La Terre du Milieu est désormais une dimension - elle-même multi-dimensionnelle - de ma vie, et je redoute par-dessus tout l'épuisement des textes, si abondants et si riches que l'idée même en est à peine concevable... Dire qu'il a fallu atte(i)ndre la quarantaine bien sonnée une certaine maturité pour vivre cette expérience...
C'est ainsi que suis devenue sans même m'en apercevoir une vraie geekette, capable de citer la généalogie de tel ou tel personnage (ou presque). Je n'aime guère la "spécialisation", le fanatisme (pseudo) intellectuel, les chapelles. "Faites ce que je dis, pas ce que je fais". Telle est l'inconséquence de l'esprit humain. Depuis quelques mois en effet je bassine j'en parle abondamment à mon entourage. Je contrains mère et amis à lire les œuvres de Tolkien sous peine de ne plus jamais leur adresser la parole. Engouement passager ? Je ne crois pas. Évasion et consolation sont plus ou moins nécessaires selon les périodes, et cette lecture répond à une "demande". Peut-être à une demande éternelle de l'humanité...
J’ai eu envie d’en savoir plus sur cet auteur. Qui était-il ? Comment en est-il arrivé à la création d'un monde imaginaire si complexe et si abouti ? On le  découvre, au fil de l'ouvrage d'Humphrey Carpenter, bon vivant, amateur de bonne chère, de vin et de bière. Conscient de sa culture exceptionnelle, de son talent et de l'ampleur de sa création, mais modeste. Rigoureux par son souci de précision et bordélique par ses méthodes ou plutôt son absence de méthode. Le Seigneur des Anneaux, avec son succès planétaire, a fait de lui, et bien contre son gré, un symbole de la contre-culture dans les années 60-70. Un comble pour un homme qui menait la vie "rangée" d'un professeur d'université (Leeds et Oxford) en philologie puis littérature anglaise. Une existence somme toute assez terne dans laquelle la création littéraire a ouvert de larges brèches sur un univers inépuisable, sans cesse retravaillé, enrichi (mais guère plus, pour ses collègues, et sans jeu de mots, qu'un hobby de doux dingue). En fin de compte, un démiurge à l'imaginaire foisonnant. Un homme à la fois "dans les normes" et "hors normes".
De fait on s'aperçoit que les clichés et les codes littéraires d'hier et d'aujourd'hui se révèlent impropres à définir, analyser cette œuvre monumentale.
La phrase qui m'a fourni le titre de ce billet est le premier vers d'un poème que Tolkien écrivit dans les années 1910. On peut voir dans ces œuvres "primitives" l'émergence de ses thèmes de prédilection et de ses héros, l'embryon de sa mythologie, créée pour habiller de chair et de légendes ses langues inventées. L'élaboration de son œuvre a duré près de soixante ans. Le labeur d'une vie. Je le compare à un bâtisseur de cathédrale. De ses lointains prédécesseurs il possède la patience, la persévérance, la précision extrême, le perfectionnisme, qui lui faisait reprendre, voire réécrire des chapitres entiers, l'amour du travail bien fait, mais aussi le doute et le découragement. Et surtout la foi, dans tous les sens du terme. La foi catholique, héritée de sa mère, qui était la sienne, et l'élan spirituel sans quoi rien de beau, de durable ne se crée. Parfois dans la souffrance. Car la foi peut aussi bien vous porter qu'être portée comme une croix...
De la biographie établie par Humphrey Carpenter, on pourrait dire qu'elle est sans prétention. Humble.  Respectueuse. Comment, de toute façon, aborder autrement Tolkien et son œuvre ? L'ouvrage n'est pas toujours très bien écrit (ou bien traduit) mais c'est néanmoins une lecture très vivante, et pas du tout ennuyeuse. Elle m'a rapprochée du grand homme. Je l'ai "vu" au travail, dans son bureau encombré, parmi des montagnes de bouquins, dans sa vie quotidienne.
On pourra aussi constater au passage que les Orcs sont toujours parmi nous. Je gagerais que Tolkien s'est inspiré de certains de ses contemporains pour dépeindre ces créatures, dont l'espèce se perpétue...
A la question que je me pose encore et encore en lisant  "JRRT" : "Mais où est-il allé chercher tout ça ?", il n'y a pas de réponse. On n'apprend rien, ou très peu. On saisit, bien sûr, l'influence d'événements survenus durant l'enfance, de lectures, de fréquentations. Des sources d'inspiration, il y en a eu, et il faut aller les chercher dans la passion précoce de l'auteur pour les langues anciennes et modernes, dans les "gestes" nordiques et anglo-saxonnes, dans les épopées d'un autre temps. Il y a aussi l'expérience douloureuse de la Première Guerre mondiale, les champs de bataille de la Somme, et la traversée de la Seconde Guerre dans une Angleterre ébranlée, quoique Tolkien se soit toujours défendu de recourir à l'allégorie. Mais le mystère de la création, de ce qui peut pousser dans l'esprit humain, reste entier. Irréductible. On ne trouve pas Tolkien dans sa biographie. On le trouve dans ses livres. Que je vous invite à découvrir ou redécouvrir. Ce sont de merveilleux moments assurés - surtout si vous êtes au nord de la pluie...


"J.R.R. Tolkien, une biographie" par Humphrey Carpenter, chez Pocket

mardi 15 septembre 2009

Le geste


Les toilettes de La Chicorée à Lille. C'est l'heure de la réfection post-déjeuner. Pas question d'affronter  la rue sans rouge à lèvres, dont le bord du verre et la serviette ont emporté jusqu'au dernier pigment.
Une femme, assez BCBG, cheveux courts et gris, plus âgée que moi, se mire dans la vaste glace au-dessus des lavabos. Comme parfaitement synchronisées, nous sortons un tube de rouge de nos sacs et appliquons la couleur de concert.
Même geste, tube quasi similaire et pour cause : ils sont de la même marque. Je ne peux m'empêcher de lancer une remarque, faisant violence à ma coutumière réserve :-). La dame se tourne vers moi, me regarde, sourit. I can't speak French, dit-elle. Je n'avais pas pensé à ce cas de figure. Nombreux sont les Anglais à Lille depuis la mise en service de l'Eurostar. Je rassemble en urgence mes connaissances de la langue de Paul McCartney. Le bref dialogue est chaleureux. Complice, presque. Il est question des qualités des rouges Clinique. Je souhaite un bon séjour lillois à la femme, puis regagne ma table, amusée, ragaillardie et pensive.
Se remettre du "rouge". Un universel féminin qui s'exprime au-delà des barrières de l'âge, des styles et des territoires. Un geste si "léger", si frivole et pourtant chargé d'un sens connu de nous seules, peut-être... Je viens d'en avoir une conscience aiguë.
God save the lipstick.