dimanche 21 juin 2009

La veste noire

J'ai ressenti l'autre jour une profonde peine en découvrant que ma veste noire était mangée aux mites. Oh, pas partout, juste par-ci par-là, en des points stratégiques néanmoins (d'un point de vue de mite sans doute) qui font que je ne pourrai plus la porter. Je la croyais pourtant à l'abri des attaques sournoises et des insectes kératophages et du temps...
Ma veste noire !
Griffée Lacroix Bazar(*), en crêpe de laine noir. Cintrée et dotée du double boutonnage que j'aime tant. Parfaite. Avec jeans et jupes habillées. Sur un pull comme sur un top. Idéale en toutes saisons, car chaude et légère. Effortlessly elegant, comme on dit. Ma tenue de Rôdeuse du Nord (oui, je sais, je suis intoxiquée au Seigneur des Anneaux et à tout ce qui touche à Tolkien et à la Terre du Milieu !).
Je l'ai convoitée pendant des mois. Je l'ai cherchée partout, en noir et dans ma taille. Repérée en début de saison chez Victoire à Lille, elle était soldée à 50 % lorsqu'elle s'est "offerte" à mois par un jour de janvier 2000. Je n'ai pas hésité. Elle m'attendait.
Les vêtements ont des cycles de vie. Ils s'usent, se détériorent. Ils ne sont plus sortables en l'état. Ou, simplement, on n'a plus envie de les porter. Trop vus, associés à des êtres ou des événements qu'on a préféré évacuer de sa galerie de souvenirs. On a simultanément un ras-le-bol et une envie de renouveau. C'est comme les histoires d'amour : on se lasse, même si on ne veut pas se l'avouer. Et puis, il n'est pas drôle de se dire qu'on a subi nous aussi ce processus de dégradation...
J'ai quelques vêtements, comme ça, devenus des mythes, sans jeu de mots. Ils font partie de moi, ils ont été associés à moi. Ce sont, c'étaient des compagnons irremplaçables. Des confidents, presque. Et c'est bien là que réside le drame : on ne les remplace jamais. Le voudrait-on qu'on ne le pourrait, et si on le croit on se fourre le doigt dans l'œil. Je parle d'expérience. Il faudrait pouvoir les cloner. Comme si on pouvait se cloner soi-même tel qu'on était il y a dix ans, cinq ans. Témoins d'époques révolues. Témoins d'une jeunesse en phase d'évaporation rapide. Trop de temps a passé. On ne peut plus qu'entretenir la nostalgie. Et elle finit aussi par s'atténuer. Un effet de l'instinct de survie...
Mue par une illusion insensée, je parcours parfois Yoox de fond en comble. Des vestes noires il y en a à la pelle. Blazers, spencers, cabans... Mais je n'ai pas trouvé LA veste noire. Il est probable qu'elle n'existe pas. Que dis-je, il est certain qu'elle n'existe pas. Elle était unique. "On ne se baigne pas deux fois dans la même eau", dit le proverbe.
Même quelques grammes de chiffons se chargent parfois de vous le rappeler.

(*) Je me suis sentie trahie le jour où Christian Lacroix a abandonné sa ligne "Bazar", qui rendait ses créations un peu plus accessibles (surtout à la faveur des soldes !). J'y ai trouvé des pièces emblématiques que j'ai chéries et chéris toujours pour certaines. Une page s'est tournée. Ainsi va la vie...